Étude statistique sur les nefs triples en vue d’une datation (page 1/4 du 1/9/2019) 

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Rappelons tout d’abord que ce premier essai ne concerne que les nefs de basiliques à plusieurs vaisseaux. Il n’est donc pas question ici des nefs uniques ou des édifices à plan centré qui seront étudiés dans les pages suivantes. Il n’est pas non plus question des ouvrages ajoutés aux nefs : ouvrage Est (chevet), ouvrage médian (transept), ouvrage Ouest (narthex), clocher, etc.

Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un essai de datation, comme nous l’avions envisagé auparavant, mais d’une étude statistique. Cette étude statistique devrait évoluer au fur et à mesure de la description de monuments. Les cartes interactives seront réactualisées à intervalles de temps réguliers. Régulièrement aussi, nous ferons le point et nous réévaluerons nos estimations en fonction des observations effectuées.

La présente page représente la réactualisation des données au 1 Septembre 2019.

Les pages des statistiques précédentes datées du 1 Décembre 2018, 1 Mars 2019 et 1 Juin 2019, sont également disponibles.



Nef orientée à 1 vaisseau   à 2 vaisseaux   à 3 vaisseaux ou plus   Nef à plan centré   Type indéterminé    Région non encore étudiée


Carte interactive n°1
Monde ( Europe et Méditerranée ) : types de nefs.


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Commentaires sur la carte interactive n° 1 : Monde ( Europe et Méditerranée ), types de nefs

Cette carte représente les types de nefs décrites dans ce site à ce jour. Nous avons voulu différencier plusieurs types de nefs :

• Les nefs orientées à 1 vaisseau (drapeau vert).

• Les nefs orientées à 2 vaisseaux (drapeau violet).

• Les nefs orientées à 3 vaisseaux ou plus (drapeau orange).

• Les nefs à plan centré (drapeau bleu clair).

• Les monuments dits de type indéterminé (drapeau gris) sont, en général, des monuments autres que des nefs d’églises : des musées, des palais, des fortifications, voire des objets caractéristiques.

• Enfin, le drapeau jaune désigne les régions non encore étudiées. Ces zones non encore étudiées concernent le tiers des départements français et des pays comme l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas.


La première des constations que l’on peut faire au sujet de cette carte représentant l’Europe et le pourtour de la Méditerranée est la grande densité de monuments dans le Sud de la France, principalement le Bas-Languedoc et la basse vallée du Rhône (le département des Pyrénées-Orientales n’a pas été étudié), et une densité nettement moins importante en Espagne, pays étudié d’une façon analogue. Deux hypothèses sont possibles : soit la densité d’occupation est réellement différente, soit la recherche de monuments a été plus efficace en Bas-Languedoc qu‘en Espagne. Sans doute un peu des deux. Pour la première hypothèse, les régions d’Espagne sont du point vue agricole plus pauvres que le Bas-Languedoc. Pour la deuxième hypothèse, on peut remarquer que la région espagnole des Asturies est plus densément occupée. Or c’est dans cette région que la « reconquista », période exaltante de l’histoire de l’Espagne, a débuté. Il ne serait donc pas étonnant que cette région ait été plus prospectée que d’autres. En particulier, les régions Sud de l’Espagne occupées par les arabes durant une partie du premier millénaire.

Les départements situés au Nord et à l'Est de la France n’ont pas encore été traités, mais nous savons qu’il y existe des monuments susceptibles de dater du premier millénaire. De plus des ouvrages tels que : « Palatinat Roman », « Bavière Romane » ou « Saxe Romane », de la collection Zodiaque, nous apprennent qu’il existe, à l’Est du Rhin, des églises romanes. Et donc très probablement des églises préromanes.

Cependant, il nous faut constater la très faible densité de monuments préromans à l’Est d’une ligne allant de Hambourg à Venise. Sauf beaucoup plus à l’Est, en Géorgie et en Arménie. Et ce n’est pas faute d’avoir cherché sur Internet. Des pays entiers comme la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie semblent ne détenir que très peu d’églises romanes : une dizaine pour la Pologne, moins de cinq pour les autres pays. Cette très faible densité a de quoi surprendre. À quoi l’attribuer ? Les invasions barbares ? Mais alors, comment se fait-il que des églises aient pu subsister et en grande densité à l’extrême Est du monde occidental ? Une moins grande richesse de terres cultivées ? Cela est un peu plus envisageable. Il semblerait que les terres situées à l’Est de l’Europe aient été colonisées progressivement après la période romaine. Auparavant, ces terres étaient occupées par de grandes étendues de forêts primaires dont des restes subsistent en Pologne. Le défrichage de ces forêts par écobuage, leur transformation en grandes prairies libres de tous droits, n’a sans doute pas favorisé une occupation permanente des populations. C’est en tout cas ce à quoi on a assisté jusqu’au XIXesiècle, voire au XXe, en Afrique subsaharienne.

Nous avons aussi une autre explication : les églises auraient pu être construites en bois, comme le sont les stavkirker de Norvège ou certaines églises de Pologne. Ou encore en France, en Champagne. Le bois étant un matériau périssable, ces églises auraient disparu dans le temps.

Une dernière explication nous semble envisageable : il existe dans ces pays des monuments datant du premier millénaire, mais ils n’ont pas été identifiés. Cette hypothèse peut paraître complètement farfelue, mais elle découle d’une constatation : la carte que nous sommes en train de construire des monuments antérieurs à l’an mille coïncide à la carte de diffusion des ouvrages de la collection Zodiaque. Il y a un ouvrage « Belgique Romane », donc il devrait y avoir des églises préromanes situées en Belgique. Il n’y a pas d’ouvrage intitulé « Autriche Romane » donc sur la carte de notre site Internet, il ne devrait pas y avoir d’église préromane en Autriche. Mais cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’église romane ou préromane en Autriche ! Cela signifie seulement que les éditions Zodiaque, s’étant arrêtées de concevoir des ouvrages, l’ouvrage concernant l’Autriche n’a pas fait l’objet d’études préalables. Et ces études, ce n’est pas nous qui pouvons les faire, mais des personnes résidant en Autriche. Nous nous contentons des pages publiées sur Internet. Mais comme il n’y a pas eu d’ouvrage intitulé « Autriche Romane », il n’y a pas eu de relai au niveau local pour mettre en évidence de telles églises.

Venons en maintenant aux études statistiques sur cette carte intitulée Monde : types de nefs  (le « monde » dont il est question est l’ex monde romain, c’est-à-dire un monde réduit à l’Europe et au pourtour de la Méditerranée).

À la date du 1 Septembre 2019, environ 1600 monuments ont été identifiés comme étant susceptibles de dater du premier millénaire. Sur ces 1600 monuments, 1177 ont fait l’objet d’une étude dans notre site, soit une augmentation de 4% par rapport à notre étude précédente datant d'il y a 3 mois. Parmi ces 1177 monuments, 403 sont des nefs orientées à 1 vaisseau, 11 des nefs orientées à 2 vaisseaux, 556 des nefs orientées à 3 vaisseaux ou plus, 91 des nefs à plan centré, 116 des monuments de type indéterminé.

Nous allons d’emblée écarter les 116 monuments de type indéterminé qui ne peuvent être considérés comme des nefs d’églises. Il reste 1061 monuments correspondant à des nefs. Parmi ces 1061 nefs, 91, soit 8,6% sont des nefs à plan centré. Nous les étudierons dans une des pages suivantes.

Il reste 970 nefs à plan orienté. En règle générale, l’orientation s’effectue de l’Ouest en direction de l’Est. Avec cependant une marge d’incertitude par rapport à l’axe réel Ouest-Est. Nous avons seulement 11 nefs à deux vaisseaux. Soit 1,13% des nefs. Ce qui laisse penser que, à l’origine, il n’a pas été prévu de construire des nefs à deux vaisseaux. Et effectivement, nous avons la plupart du temps constaté que les nefs à deux vaisseaux pouvaient être obtenues soit par l’adjonction d’un vaisseau à une nef unique, soit par la suppression d’un vaisseau dans une nef triple.

En faisant abstraction de ces 11 nefs, il reste 959 nefs orientées dont 403 (42%) à un seul vaisseau et 556 (57,9%) à trois vaisseaux ou plus.

Nous constatons à la vue de ces chiffres que les nefs à trois vaisseaux semblent plus nombreuses que les nefs à un vaisseau. Il devrait s’agir là d’une vraie surprise que nous avions anticipée au cours de nos recherches. Pourquoi tant de nefs à 3 vaisseaux ? Il faut comprendre que la nef supposée idéale est la nef à un seul vaisseau. Il n’y a pas de pilier pour empêcher la vision du sacrifice eucharistique au cours de la célébration dominicale. On peut objecter à cela que la nef unique est employée pour les petites superficies destinées à un petit nombre de fidèles. Dès qu’on passe à un plus grand nombre de fidèles, la nef unique ne convient plus, car limitée en largeur, elle devrait être allongée démesurément, et, en conséquence, il faut passer à la nef triple. Cette objection n’est qu’en partie fondée, car on a constaté dans bien des cas que des nefs triples étaient de dimensions si réduites qu’elles auraient pu être remplacées dès l’origine par des nefs uniques. Nous pensons donc qu’il doit y avoir des raisons autres qu’architecturales ayant conduit à privilégier les nefs triples : collatéraux réservés aux néophytes ? aux femmes ? aux esclaves? Circuits de processions nécessitant l’usage de collatéraux ? Toujours est-il qu’il semblerait que les nefs triples aient précédé les nefs uniques. Sauf le cas de petits oratoires occupés par des ermites isolés.




Nef orientée à 1 vaisseau   à 2 vaisseaux   à 3 vaisseaux ou plus   Nef à plan centré   Type indéterminé    Région non encore étudiée


Carte interactive n°2
France : types de nefs.


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Commentaires sur la carte interactive n° 2 : France, types de nefs

Les drapeaux sont les mêmes que ceux de la carte précédente.

À la date du 1 Septembre 2019, sur 942 monuments ayant fait l’objet d’une étude dans notre site, 347 sont des nefs orientées à 1 vaisseau, 8 des nefs orientées à 2 vaisseaux, 441 des nefs orientées à 3 vaisseaux ou plus, 32 des nefs à plan centré, 114 des monuments de type indéterminé.

Si on effectue les mêmes opérations que précédemment, on écarte les monuments de type indéterminé. Il reste 828 églises. Parmi ces 828 églises, 32, soit 3,86 % sont à plan centré. Enfin, on constate que le nombre de nefs à 1 vaisseau, 347, est un peu inférieur (41,9%) au nombre de nefs à 3 vaisseaux.

Sur la carte interactive, on constate que la densité de drapeaux verts (nefs à 1 vaisseau) semble plus importante au Sud de la France sur les contrées bordant le Golfe du Lion. Peut-être y a-t-il là une cause structurelle indépendante de la répartition réelle : nous habitons dans cette région et en conséquence nous la connaissons mieux que d’autres régions et sommes mieux à même de connaître des églises ignorées. Cependant, il semble bien que cette région possède plus que d’autres des églises à nef unique. En particulier, des églises à chevet plat. Ce sont des églises à nef unique situées principalement hors des villes.

Les nouvelles images introduites sur le site permettent de mettre en évidence l’existence d’un type d’église aux caractéristiques bien définies. Nous avions déjà rencontré ce type d’église à Tollevast (Manche/ Normandie), ou à Saint-Pierre de Brocuéjouls (Aveyron/ Occitanie). Mais nous pouvions penser que le modèle était isolé, régional. Grâce aux images recueillies sur les églises de Bourgogne, nous estimons à présent que ce modèle est plus fréquent que ce que nous avions envisagé.

Le plan de ces édifices est tripartite : un ouvrage Est, un ouvrage médian, un ouvrage Ouest.

L’ouvrage Est est constitué par une abside en général unique, parfois précédée d’un avant-chœur.

L’ouvrage médian correspond au transept. Mais ce n’est pas un vrai transept car il n’y a pas de croisillons de transept. Seule subsiste la croisée de transept qui, systématiquement porte des étages supérieurs et un clocher.

L’ouvrage Ouest est une nef unique, le plus souvent charpentée.

La principale observation que nous pouvons faire est que ces trois ouvrages semblent nettement différenciés, construits en des périodes différentes. On n’a pas affaire à un plan préétabli mais à des ajouts ou des modifications successives qui aboutissent au modèle final décrit ci-dessus.

Nous pensons que l’ouvrage médian est le dernier à avoir été construit. Une église existait auparavant. On a décidé d’installer sur cette église un ouvrage médian faisant office de clocher. Attention, lorsque nous disons « le dernier à avoir été construit », cela signifie « le dernier de l’église primitive à avoir été construit ». Car il a pu y avoir des réaménagements de cette église primitive après la construction. Par exemple, des absides ont pu être refaites, agrandies. Cela étant, nous pensons plus particulièrement aux nefs. Nous pensons qu’il y avait primitivement plus de nefs triples. Mais aux alentours de l’an mille, la fonction particulière des collatéraux a perdu le sens qu’elle pouvait avoir primitivement. En conséquence, les piliers centraux ont été supprimés et la nef qui était triple est devenue unique. C’est en tout cas ce que nous avons envisagé dans certains cas particuliers comme les « passages berrichons ».


Nous avons ajouté ci-dessous les graphes des statistiques indiquées plus haut.

Les codes O1V, O2V, O3V désignent les nefs à 1 vaisseau, 2 vaisseaux, et 3 vaisseaux, respectivement. Le code C désigne les nefs à plan centré. Le code X désigne les nefs de type indéterminé.



Les deux graphiques ci-dessous montrent l'évolution chronologique du nombre de monuments étudiés sur notre site.
Le premier graphique concerne l'ensemble Europe et Méditerranée : nous sommes passés de 805 à 1177 en un an.
Le second concerne la France : nous sommes passés de 539 à 942 en un an.




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