Le monument de Zvartnots 

• Proche-Orient    • Article précédent    • Article suivant    


Nous reproduisons ci-dessous presque intégralement le texte écrit sur le panneau à l’entrée du site :

« Histoire : …. Probablement la cathédrale de Zvartnots fut construite durant les années 643 à 652. C’était une époque défavorable pour la vie économique arménienne. Les Arabes s’emparaient de l’Arménie : après la prise de la capitale Devin en 640, ils menaçaient de conquérir tout le pays. En 641, le Catholicos Yezer Ier Parajnakerts décéda. Le Prince Theodoros Rachtouni tâchant d’unir le pays contre les conquérants arabes et des Byzantins, soutint l’élection de Nersès III Tayétsi au titre de Catholicos. Instruit dans l’Empire Byzantin et ayant servi dans son armée, Nersès revint en Arménie et entra dans le service religieux… »


Histoire (suite) : « Nersès III Tayétsi fut aussi connu comme Nersès le Bâtisseur pour avoir fondé plusieurs églises sous son patriarcat suprême (641-661). En 641 il prit en charge la construction de la cathédrale de Zvartnots pour y déplacer le catholicossat. Le Catholicos Nersès III construisit aussi le siège du Catholicos, les bâtiments de la congrégation, les constructions auxiliaires du monastère, les remparts, le canal pour faire accéder l’eau de la rivière Kassagh au monastère et fonda des vergers. »


Histoire (suite) : « La cathédrale de Zvartnots est un monument exceptionnel d’architecture. A l’époque, elle était une des plus hautes constructions du monde (environ 45 mètres) ; sa construction n’est pas identique du style dominant de cette époque : l’édifice cruciforme à coupole centrale ou les basiliques. La conception architecturale de Zvartnots représentait une coupole centrale qui était reposée sur les angles et les absides formant un cercle entier ? … »

Arrêtons là ce récit.


La phrase qui nous est donnée : « sa construction n’est pas identique du style dominant de cette époque : l’édifice cruciforme à coupole centrale ou les basiliques » est bien conforme à la réalité : le plan de cet édifice est différent de celui des principaux édifices, qu’ils soient en Europe ou au Proche-Orient. D’une part, on note une étroite ressemblance entre les basiliques d’Europe et celles du Proche-Orient ; On note aussi une ressemblance entre les édifices cruciformes du Proche-Orient et d’Europe, bien que ces derniers soient beaucoup moins représentés que les premiers. Et Zvartnots ne ressemble à aucun de ces édifices.


Il existe néanmoins un point de comparaison : avec certains édifices très particuliers que nous avons étudiés précédemment, auxquels nous avons donné le nom de « parlements ». Ces édifices sont : la chapelle palatine d’Aix la Chapelle, l’abbatiale d’Ottmarsheim, Sainte-Croix de Quimperlé, la tour de Charroux, l’ouvrage Ouest de Saint-Michel-de-Cuxa, l’église Saint-Bénigne de Dijon, Saint-Donat de Zadar. Tous ces édifices ont un plan analogue : plan circulaire à au moins deux niveaux, rez-de-chaussée et premier étage à déambulatoire circulaire. Il existe certes des différences entre ces édifices qui ont subi des transformations durant les siècles. Mais l’essentiel réside dans le fait que ces édifices ne sont pas propices à des assemblées liturgiques durant lesquelles le regard des fidèles doit être porté en direction de l’autel. Par contre ces édifices pourraient faciliter les échanges du haut du premier étage de part et d’autre du puits central. Zvartnots diffère néanmoins un peu de ces édifices d'Europe occidentale par le fait que le déambulatoire n’est pas complet : il s’arrête au niveau de l’abside principale. Un peu comme si on ne voulait pas mêler Dieu aux débats des hommes.


La ressemblance est néanmoins suffisamment importante pour que l’on se pose la question d’une origine commune. On sait que ces « parlements » semblent plus nombreux dans les zones d’occupation franque ou germanique. Serait-il possible que des francs se soient installés à Zvartnots ?

L’idée semble totalement saugrenue. Observons toutefois que c’est bien ce qui s’est passé cinq siècles plus tard lors des croisades (occupation de la Palestine par des Francs). Par ailleurs cette occupation n’a pas été forcément guerrière. Elle a pu se faire à la demande des Arméniens désirant être défendus contre les incursions des Arabes ou d’autres peuples. On a vu dans le chapitre « Histoire » que les « invasions barbares » n’étaient peut-être pas de véritables invasions mais des migrations. Les peuples migrants étaient des peuples fédérés, « mercenaires », chargés de protéger les romains, voire leur fournir une main d’œuvre de bon marché.


Certains éléments viennent appuyer cette thèse. D’une part nous voyons apparaître sur les chapiteaux l’aigle impérial (image 9). Nous ne connaissons pas suffisamment le Proche-Orient mais il nous semble que l’aigle impérial est, pour cette période, plus caractéristique des romains que des grecs ou des arméniens (ce serait à vérifier).

Un autre élément nous semble devoir aussi être pris en considération : les colonnes clôturant les absides Nord, Sud et Ouest (l’abside Est est fermée par un mur) portent des chapiteaux presque identiques : sur une corbeille de vannerie sont posés deux gros rouleaux. Les rouleaux couvrent un petit cylindre dont on ne voit sous forme de disques que les deux bases. Ces bases apparaissent de part et d’autre du chapiteau. Systématiquement une des bases porte une croix pattée (image 12) tandis que l’autre présente un monogramme en forme de croix (images 13, 14, 15, 16, 17). Nous ne savons pas traduire ces monogrammes. Cependant, manifestement, les caractères ont latins. Alors que normalement, ils auraient dû être écrits en écriture arménienne, voire grecque.