Les églises de Talin 

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La cathédrale de Talin


Le livre « L’Arménie au Moyen-Âge » de la collection Zodiaque, nous donne les informations suivantes :

« La datation (de la cathédrale) repose sur une inscription donnant les noms du fondateur : « Nerséh apohypathe et patrice, seigneur de Sirak » ». En dépit de quelques tentations d’attribuer le monument à Nerséh II (637), la fondation doit être attribuée à Nerséh III, gouverneur d’Arménie (688, 690), d’autant plus que le décor sculpté appartient au répertoire de la seconde moitié du VIIe siècle ».

On retrouve l’idée déjà exprimée auparavant que les archéologues arméniens, à l’inverse des archéologues français, ne sont pas terrifiés par l’an mille. Et qu’ils n’hésitent pas à franchir cette barre fatidique pour dater leurs monuments.


Par ailleurs, une information se révèle intéressante : Nerséh est désigné comme « patrice ». Le mot de « patrice » se retrouve dans l’œuvre de Grégoire de Tours , pour désigner des chefs de guerre romains (par exemple provençaux) qui dépendaient avec plus ou moins d’intensité suivant l’époque, de l’Empire de Byzance.

Nous n’avons aucune raison de remettre en question la datation de l’édifice (fin du VIIesiècle). Cependant, nous estimons que cette date correspond à la première construction de l’édifice, qui devait être à plan basilical. La coupole centrale a dû être construite ultérieurement sur les murs de la basilique primitive.


Cette hypothèse vient de l’analyse de son plan (image 4) et du mur Nord (images 5 et 6). Sur ce mur Nord, on voit que la fenêtre située au-dessus de l’entrée Nord n’est pas alignée avec les autres fenêtres. Très probablement, cette entrée a été percée postérieurement à la première construction en supprimant une fenêtre. La fenêtre a été décalée vers le haut. Si on rétablit par la pensée la fenêtre primitive, on obtient une rangée de quatre fenêtres permettant d’imaginer le rythme des fenêtres basses de l’église primitive.


Au cours d’une deuxième étape de travaux, la basilique primitive aurait été transformée par la suppression des piliers soutenant le vaisseau central et leur remplacement par des piliers plus larges soutenant d’une part la coupole, et d’autre part, dans la partie restante de la nef, de grands arcs (image 2).

Au cours de cette campagne de travaux, outre la coupole auraient été érigées les absides Nord et Sud. L’abside principale qui devait exister auparavant aurait été renforcée.


Au cours de cette deuxième campagne de travaux, les structures auraient été décorées d’entrelacs et de pampres de vigne (images 11, 12 et 13). Nous avons déjà vu en Europe un décor d’entrelacs. Mais lorsque le décor est régulier comme ici, les entrelacs sont dits « carolingiens ». Ce qui signifie une datation du IXe - Xesiècle. Voire même du XIesiècle, s’il s’agit d’un entrelacs de vannerie. Nous proposons donc pour cette deuxième campagne de travaux, la date de l’an 1000.



Église de la Mère de Dieu


La deuxième église de Talin est l’église de la Mère de Dieu ou Katogikhé.

Lisons ce qu‘en dit un panneau situé à l’entrée du site : « Dans les annales on ne trouve pas de renseignements sur cette église, mais on l’attribue au nom des princes Kamsarakan, les gouverneurs de Chirak…. Des inscriptions sont gravées sur les façades de l’église (en 774 et en 1041). Les murs étaient ornés de fresques dont quelques morceaux seulement sont conservés. ». Le même panneau indique la date du VIIesiècle.


Nous ne connaissons pas les arguments des archéologues arméniens qui avancent une telle datation. Nous ne connaissons pas plus les critères de datation des églises du Proche-Orient. Ces critères peuvent être différents des critères européens. Par ailleurs, les techniques architecturales différentes. Ainsi, en Occident, les murs et les voûtes sont construits en pierres soigneusement ajustées. En Arménie, les voûtes sont construites en opus caementicum, une sorte de béton coulé entre deux parements de pierres (technique romaine). Grâce à cette technique, l’introduction de la voûte ou de la coupole a pu être plus précoce en Orient qu’en Occident. La basilique Sainte-Sophie dont la première pierre a été posée en l’an 532 a pu servir de modèle aux églises d’Orient. Cependant, il semblerait que le vrai modèle de cette église soit celui de l’église Sainte-Croix de Jérusalem. Ce modèle aurait inspiré de nombreuses églises en Orient et de beaucoup plus rares églises en Occident (Sainte-Croix de Montmajour près d’Arles). Certains spécialistes ont daté Sainte-Croix de Montmajour du XIesiècle. Nous estimons que cette datation est erronée. Mais de là à la dater du VIesiècle, il y a un pas que nous hésitons à franchir.


Il est très difficile de dater cette église à partir de ces quelques images. Tout au plus peut-on remarquer, sur l'image 17, que les piliers portent des impostes et non le système dual, chapiteau + tailloir. Système que l’on retrouve dans les églises postérieures, et ce, comme en Occident. Donc, si on fait le rapprochement avec l’Occident, cet édifice pourrait être antérieure à l’an 1000.

Un autre indice d’ancienneté pourrait provenir des croix pattées déposées dans cette église (images 29 et 21).



Le dépôt lapidaire



Il y a certainement eu sur le site de Talin des monuments commémoratifs analogues à celui de Odzoun. Ces monuments seraient pré-arabes ; donc antérieurs au VIIIesiècle. On reconnaît :

Image 22 : A la base, la Vierge et l’Enfant encadrés par deux anges, et, au-dessus, sur la stèle, le roi Tiridate, à tête de sanglier. Au-dessus encore, un saint. Peut-être Saint Grégoire l’Illuminateur.

Image 23 : A la base, une croix pattée à racines remontantes, et, sur la stèle, une autre croix pattée dont la branche inférieure est très développée.

Image 24 : A la base de la même stèle, un entrelacs « carolingien ».


Image 25 : Fragment de stèle. Fleur de lys ?

Image 26 : Revers de la même stèle : Vierge à l’Enfant.

Image 27 : Revers de la même stèle : Ange.

Image 28 : Base de stèle : Entrelacs dessinant une croix pattée.

Image 29 : Elément d’une stèle : voir le monument d’Odzoun où l’on a le même décor.

Image 30 : Pierre portant une croix pattée.


Conclusions


En résumé nous avons à Talin, probablement :

• Une cathédrale de type basilical construite à la fin du VIIesiècle et restaurée au Xesiècle avec construction d’une coupole.

• Une petite église à plan cruciforme construite vers le VIIIesiècle.

• Les vestiges d’un ou plusieurs monuments commémoratifs construits au VIIesiècle.