Cathédrale de la Nativité-de-Marie de Vence
La petite ville de Vence a été le siège d’un évêché dès
l’antiquité tardive. Le premier évêque connu est cité au Vesiècle
et Grégoire de Tours la mentionne à la fin du
VIesiècle. Contre les murs de la façade Ouest
(image 2), ont
été déposées des pierres tombales ou épitaphes montrant que
l’endroit était occupé dès l’époque romaine avant même la
construction de la cathédrale. Celle de l'image
3 évoque une certaine Maecia et une certaine
Valeria, fille de Maecian (traduction très approximative).
Pour une autre pierre, la Pierre du Taurobole, une
traduction nous est fournie par un panneau explicatif
: « « Valéria Marciana, Valeria
Carmosyne et le prêtre Cassius Patenus ont célébré un
taurobole en l’honneur de la Mère Idaea. »
. Cette pierre évoque
d’une part le culte de Cybèle, et d’autre part la mère «
Idaea », la Grand-Mère des Dieux du Mont Ida. Un
appellatif qui dérive des légendes asiatiques liées à
cette déesse. C’est la rencontre de la tradition crétoise
avec celle de l’Orient. »
Nous devons avouer notre déception en
présence de cette église. Du moins de l’extérieur, car
l’intérieur nous est apparu beaucoup mois décevant.
L’extérieur ne révèle en effet rien d’intéressant. Hormis
peut-être les deux tours ou clochers. Les
images 2, 4, 5, 6, 7 ne révèlent que des murs en
appareil irrégulier ou des façades baroques. N’eût été la
bordure de toit visible sur l'image
6 montrant qu’il y a eu réfection de ce toit, on
daterait l’ensemble du XVIIIesiècle.
La visite de la nef (images
de 8 à 15) s’est révélée beaucoup plus
intéressante. Car immédiatement, nous avons réalisé que nous
pouvions être en présence d’une église du Veou
VIesiècle. Qui plus est, il pouvait s’agir
d’une basilique à 5 vaisseaux, alors que la plupart des
basiliques que nous avons visitées sont à trois vaisseaux.
On constate l’existence de tribunes au-dessus des
collatéraux voisins du vaisseau central (images
9, 11, 12 et 13). La question est de savoir si de
telles tribunes existaient à l’origine de la construction.
De toute façon, il a dû y avoir beaucoup de changements. Les
vaisseaux primitifs étaient charpentés et non voûtés comme
ils le sont actuellement.
Une salle située côté Nord-Est est
perpendiculaire au vaisseau central. Elle est analogue à
un croisillon de transept, mais nous ne pensons pas qu’il
s’agit là d’un reste de transept (images
16, 17, 18). Cette salle contient un bas-relief
qui a été identifié comme étant une plaque de chancel (image 19). Nous
pensons que les dimensions de cette plaque sont un peu
grandes pour être une plaque de chancel (le chancel
correspond à peu de choses près aux actuelles tables de
communion). Cependant, ce pourrait être une plaque d’ambon
(l’ambon est très proche du chancel) ou un devant d’autel.
Il nous faut par ailleurs avouer que notre propre
connaissance sur les chancels ou les bas-reliefs sculptés
de cette époque est très limitée et qu’il nous est
difficile de donner sur ce sujet des leçons à quiconque.
Le décor en apparence régulier donne au premier abord une
impression de monotonie. Mais lorsqu’on examine cette
plaque en détail, on est surpris par la variété de ce
décor : oiseaux (symboles d’élévation, messagers de Dieu),
grappes de vigne (symbole d’immortalité), croix, spirale,
etc (images 19 et 20
).
Les images 21 et 22 sont
des fragments de la face avant d’un sarcophage romain. Sur
l'image 21, est
représenté le couple de défunts. L'image
22 est celle d’un personnage qui devait être
placé à une extrémité de la plaque principale.
Les images
23 à 29 montrent une série de plaques de chancel
à entrelacs. Nous ne sommes encore arrivés à dater ces
plaques d’une façon satisfaisante. Certains auteurs
estiment qu’elles sont « wisigothiques » , d’autres, «
carolingiennes ». Nous pensons qu’elles ont pu être
réalisées à des époques différentes et par des peuples
différents. Mais il faudrait pour en être sûrs, effectuer
des comparaisons. Et nous n’avons pas suffisamment
d’éléments pour pouvoir en déduire des concordances.
Il faut cependant noter, concernant la cathédrale de
Vence, une coïncidence qui n’est peut-être pas tout à fait
fortuite. Une ou deux plaques de chancels sont disposées
sur chaque pilier. Alors qu’il aurait été beaucoup plus
simple de mettre toutes les plaques sur un même pilier. Ou
sur un même mur. Qui plus est ! on s’aperçoit que les
décors sont tous différents (images de 23 à 29). Et que ce ne sont pas des
plaques entières comme celle de l'image
20, mais des morceaux de plaques appartenant tous
à des plaques différentes. Tout se passe comme si
l’architecte avait distribué volontairement, et non
aléatoirement, les fragments sur chaque pilier . En
conséquence, nous envisageons que ces fragments de plaques
auraient pu être les éléments d’un rite de consécration de
l’église. Actuellement, lorsqu’un évêque consacre une
église, il trace une croix sur chaque pilier. Cette
tradition a été conservée dans un grand-nombre d’églises
où l’on voit des croix peintes sue chaque pilier. On les
appelle d’ailleurs des
« croix de consécration ». Il est possible que ces
fragments de chancel (ou de sarcophages) aient pu avoir
fait partie d’un rite de consécration.
Le fragment de bas-relief des « deux
oiseaux » (image 30)
est intéressant, mais insuffisamment complet pour
permettre une analyse plus poussée.
Notons au passage, pour l’admirer, la mosaïque de Marc
Chagall (image 31).
Essai de datation
Les historiens de l’art ont proposé pour cet édifice la
date du XIeou du XIIesiècle.
Selon eux, une église existait auparavant, mais elle
aurait disparu.
Le plan actuel de l’église est représenté sur l'image
32. Le
plan de l’église au XIIesiècle (imaginé par
ces historiens de l’art) est celui de l'image
33. On
constate que, sur ce plan, la nef est à trois vaisseaux.
Selon les mêmes historiens, la nef aurait été étendue à
cinq vaisseaux au XVIIesiècle (image
34).
Nous exprimons ici notre total désaccord avec cette
analyse qui ne tient aucun compte de la logique. En effet,
il faut bien comprendre que les architectes qui ont
construit les églises ont voulu construire des édifices
parfaits, et ce, depuis l’antiquité. Or, la perfection se
trouve dans la symétrie par rapport à l’axe Est-Ouest. Le
moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas de
perfection dans l'image
33. Par
ailleurs, mettons nous à la place d’un architecte du XVIIesiècle
qui aurait voulu agrandir une église à 3 vaisseaux pour en
faire une église à 5 vaisseaux. Comment aurait-il agi? En
admettant qu’il ait eu l’idée de construire des deux
vaisseaux supplémentaires de part et d’autre des
précédents, il aurait très certainement percé des
ouvertures dans les murs extérieurs de l’ancienne nef afin
que les vaisseaux anciens et nouveaux communiquent entre
eux. Mais, à coup sûr, il n’aurait pas abattu ces murs
afin de les remplacer par des piliers.
Si, au contraire, nous revenons à l'image
32 du plan actuel, nous voyons apparaître ce
plan idéal dans l’alignement régulier des piliers. Avec un
petit effort d’imagination certes, et en acceptant de
restituer des parties probablement disparues. Mais nous
nous apercevons que les 5 vaisseaux de la nef existaient
dès l’origine. Et comme cette nef n’a rien de roman, nous
sommes obligés d’envisager l’antériorité de cette nef.
L’examen détaillé d’un pilier de la nef fait apparaître au
moins deux étapes de travaux (images
35 puis 36).
Nous pensons que la partie de mur B placée sur la partie A
lui est postérieure. C’est grâce à cette partie B que le
vaisseau central est voûté.
Datation. Nous
pensons que toute la chronologie de cet édifice est à
reprendre. Très certainement, l’enduit qui recouvre les
murs cache les diverses étapes de construction ou de
restauration de l‘édifice. Les transformations ont sans
doute été nombreuses. Cependant, on devrait retrouver le
plan de l’édifice primitif qui devait comporter 5
vaisseaux de 4 travées. Il était sans doute précédé d’une
sorte de porche et terminé d’une abside demi-circulaire à
chevet plat, comme dans le plan de l'image
33 (sans doute reconstitué à la suite de
fouilles archéologiques).
La datation envisagée pour ce premier édifice dont de
nombreux restes existent encore est l’an 550 avec un écart
estimé de plus de 100 ans.