Monuments des Îles de Lérins 

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Les îles de Lérins constituent un petit archipel au large de Cannes. Elles sont constituées de deux îles, Sainte-Marguerite et Saint-Honorat, et d’ilôts inhabités. La plus grande des deux îles est Sainte-Marguerite. L’île Saint-Honorat, six fois plus petite que Sainte-Marguerite, est occupée par le monastère de Lérins.

Nous avons eu l’occasion de visiter l’île Saint-Honorat. Nous devons témoigner de notre déception. Nous connaissions en effet la réputation du monastère de Lérins, fondé par Saint Honorat à la fin du IVesiècle, un monastère qui, d’après la page du site Internet Wikipedia qui lui est consacré « comptera parmi les plus puissants et les plus illustres de la chrétienté  ». Cette réputation nous a semblé, du moins au début, très usurpée.


Le monastère actuel (images 6 et 7) a été construit au XIXesiècle. Nous ne l’avons pas visité, mais il est peu probable qu’il subsiste des restes d’un édifice antérieur, hormis quelques pierres antiques retrouvées lors de fouilles et déposées à l’entrée (image 7).

Au XIVesiècle, pour se protéger d’invasions de pirates, les moines se sont retirés à l’abri d’une forteresse (images 1 et 2). On y trouve deux cloîtres superposés, le
« cloître de travail » au-dessous, le « cloître de prière » au-dessus (images 3 et 4 ). Ces deux cloîtres ont été érigés à l’époque gothique, mais avec des matériaux de
remploi : une des colonnes serait un milliaire romain. Sur un des chapiteaux (image 5), on reconnaît une croix torsadée. Le modèle se retrouve assez fréquemment sur des mosaïques romaines. Cependant, nous ne sommes pas certains de l’ancienneté du chapiteau, le modèle, assez simple, ayant pu être reproduit à une époque plus récente.


Les restes de plusieurs chapelles ont été identifiés sur l’île Saint-Honorat :


La chapelle Saint-Michel

Les ruines de cette chapelle affleurent à peine du sol (images 8, 9, 10). Elle était constituée d’une nef rectangulaire et d’une abside demi-circulaire. Très probablement, l’abside était séparée de la nef par un arc triomphal porté par deux piliers dont les bases ont été conservées. On peut voir une banquette adossée au mur Nord. De telles banquettes ont été retrouvées dans des églises à chevet carré de l’Hérault de peu antérieures à l'an 1000. Nous daterons cette chapelle de l’an 1000, mais avec une forte incertitude : écart estimé supérieur à 100 ans.



La chapelle de la Trinité

Comme en témoigne le croquis de l’image 11 daté de 1935, comparé avec la photographie de l'image 12, cette église a été fortement restaurée. En particulier, le toit a été refait. On peut envisager qu’il en est de même de la toiture des trois absides et de la coupole de croisée. Cette toiture a d’ailleurs une apparence tout à fait moderne. La fenêtre axiale (image 14) est aussi probablement récente. Les impostes de cette fenêtre sont sans doute plus anciennes mais en réemploi.

Il reste que cette église a un plan tréflé (image 13). Ce type d’église est rare en Europe. Nous essaierons, dans la mesure du possible, d’en réaliser un inventaire. La dédicace à la Trinité peut constituer un angle d’approche. Lorsque nous avons étudié l’Espagne, nous avons envisagé que pour certaines églises, l’existence de trois absides pourrait provenir d’une référence à la Trinité. Et permettrait du même coup d’attribuer la construction de ce type d’édifice à trois absides à la conversion de populations hérétiques ariennes (goths, vandales, lombards) à l’orthodoxie catholique.

Datation estimée pour l’église de la Trinité : an 800 avec un écart de 200 ans.



La chapelle Saint-Sauveur

Cette chapelle était très probablement, initialement, à plan octogonal : un octogone régulier. Plus tard, une abside aurait été ajoutée coté Est, transformant le plan en heptagone irrégulier.

Il est très difficile dater ce type d’église. Nous pensons qu’elle est préromane. L’absence de décor sculpté,tel que colonnes et chapiteaux, nous amène à envisager cette hypothèse. Nous pensons que la seule décoration était dûe aux fresques censées tapisser l’intérieur de l’église.

Il semblerait que l’église ait été fouillée (image 18), mais nous n’avons aucune information sur les résultats des fouilles.

Datation estimée pour l’église Saint-Sauveur : an 750 avec un écart de 200 ans.



Chapelle Saint-Caprais

Nous n’avons pas d’information sur la chapelle Saint-Caprais reconstruite en 1993 sur des murs médiévaux (images 19 et 20). Son plan s’apparente à celui de la chapelle Saint-Michel.

Datation estimée pour la chapelle Saint-Caprais : an 1000 avec un écart de 200 ans.



Conclusion

Comme on le voit, les vestiges rencontrés sur l’île de Saint-Honorat ne témoignent pas du prestige de l’abbaye au Moyen-Âge. Il y a plusieurs explications à cela.

La première nous est donnée par la page « Îles de Lérins » de Wikipedia : « Or, on sait avec certitude que la Côte d'Azur a connu en 410 un tremblement de terre particulièrement violent, dont des traces subsistent dans la cité gréco-romaine d'Antibes, ou encore sur les murailles de l'oppidum lérinien. Ainsi, ce cataclysme, également relaté dans la légende de Saint Honorat, aurait affaissé l'archipel de plusieurs mètres dans l'eau, ce qui explique que les ruines antiques soient pour la plupart aujourd'hui à demi immergées. À cette catastrophe naturelle s'ajoute les 50 à 70 centimètres de remontée générale du niveau de la mer observés partout à la surface du globe. » Il est possible que l’affaissement constaté de l’archipel sur plusieurs mètres n’ait pas été immédiat en l’an 410, mais continu au cours des siècles et que des restes de l’abbaye de Saint-Honorat soient enfouis dans la mer.

La présence sur l’île de sept chapelles (dont 4 ont été décrites ci-dessus) fait envisager que nous sommes en présence d’un monastère de cénobites. Au cours des premiers siècles de notre ère, à l’imitation de Saint Antoine du Désert, les moines se comportaient comme des ermites. Ils vivaient dans des huttes rudimentaires, chacune à proximité immédiate d’une chapelle où ils se consacraient à la prière, pas très loin d’une église plus importante et de divers locaux destinés à la communauté. Locaux qu’ils venaient visiter à l’occasion de grandes fêtes.

Une troisième possibilité doit enfin être prise en considération : que les faits aient été démesurément grossis. Les écrits conservés de cette période sont rares. On sait que bon nombre de documents ont été définitivement perdus. Il est donc possible que, compte tenu du contexte, on ait donné de l’importance aux écrits subsistants. Ainsi l’abbaye de Lérins, citée par des textes, aurait pris plus d’importance que d’autres abbayes ou cathédrales situées dans le voisinage, à Antibes, Nice, ou Vence.

Nous n’avons pas suffisamment de recul pour décider entre toutes ces possibilités. Celles-ci qui ont d’ailleurs pu s’ajouter les unes aux autres.