L’église de la Petite Métropole d’Athènes
Le Guide Vert Michelin
nous apprend que «
la Petite Métropole est une charmante église byzantine du
XIIe siècle à plan en croix grecque et à
coupole dont les proportions réduites donnent l’échelle de
l’habitat d’Athènes à cette époque ».
Nous n’avons pas eu l’occasion de vérifier ces assertions,
car l’église était fermée pour cause de restaurations lors
de notre passage comme on peut le voir sur les images
1 et 2 .
La façade est couverte de bas-reliefs sculptés dont la
plupart sont attribuables au premier millénaire de notre
ère.
Celui de l'image
3 surplombe la fenêtre géminée de l'image
2. Il est décoré d’une croix pattée et pourrait
être daté du IVeou Vesiècle.
Il en est de même du bas-relief de l'image
4 contenant une croix pattée.
On peut estimer de la même époque le suivant (image
5 : croix pattée entre deux oiseaux). On y
retrouve le motif dérivé du groupe « les oiseaux au canthare
».
Et on retrouve encore le même motif dans l'image
6. Mais les oiseaux sont devenus des lions et la
croix, toujours pattée, s’est affinée. La sculpture serait
plus tardive
(IXe? Xesiècle ?)
Les panneaux des deux
images suivantes 7
et 8 s’inspirent de la même idée. Néanmoins il y a
ici un type de représentation que nous n’avons pas vue
ailleurs. Tout d’abord, il n’y a pas un seul groupe de deux
oiseaux affrontés, mais deux groupes superposés. Dans celui
du dessous les deux oiseaux sont attaqués par des serpents.
Dans celui du dessus les oiseaux sont des êtres hybrides à
tête d’oiseau, corps de taureau et pattes de lion. Ils
portent une aile unique détachée du corps. La scène semble
énigmatique et, à tout le moins débridée. Elle ne l’est pas
si on envisage que le groupe du dessous représente, sous la
forme d’un oiseau, l’âme humaine attaquée par le mal (le
serpent). Tandis que le groupe du dessus représente la même
âme humaine ayant pris tous ses attributs, picorant les
fruits de l’arbre de vie, et s’élevant vers le ciel grâce à
la curieuse aile qui lui a été ajoutée. Les attributs de
l’âme (taureau, lion, aigle) font penser au tétramorphe (ne
cherchez pas le mot sur le dictionnaire ; il n’y est pas !)
qui, en Orient était représenté par un seul individu hybride
portant les caractères du lion, du taureau, de l’aigle et de
l’homme, alors que, en Occident, il s’agissait de quatre
individus distincts.
Existe-t-il ailleurs qu’en Grèce des panneaux identiques ?
Manifestement ils sont chrétiens. Mais peut-on les attribuer
à un groupe particulier d’origine grecque, romaine ou
barbare ? ou à une hérésie du christianisme? En ce qui
concerne la datation, il doivent, comme pour les précédents,
remonter au IVe-Vesiècle.
La panneau de l'image 9 est
sans doute lui aussi chrétien. Comment l’interpréter ?
L’animal emporté par l’aigle pourrait être la brebis des
Évangiles : « Vous
êtes mes brebis et mes brebis me connaissent ». On
aurait donc ici le symbole de l’humanité emportée vers le
ciel. L’image du Christ portant une brebis est fréquente
dans des représentations de l’Église des Catacombes. Ce
panneau pourrait donc dater du IIIeou IVesiècle.
Les images
suivantes 10, 11, 12
représentent diverses formes de croix qu’il nous est
difficile de dater car nous ne connaissons pas suffisamment
cette partie de l’Europe et parce qu’il y a parfois dans le
même panneau un mélange de caractéristiques faisant penser à
la fois aux romains du IVesiècle et aux barbares
du VIIesiècle. Prenons par exemple l'image
10 : entre deux matrones romaines, apparaît une
croix pattée que nous attribuons au VIIeou VIIIesiècle.
Y a-t-il eu erreur de notre part ? Ou bien cette croix
a-t-elle été gravée sur une sculpture établie longtemps
auparavant ?
On retrouve d’ailleurs les mêmes interrogations pour les images 15 et 17.
Concernant l'image 12 ,
un examen rapide nous avait fait conclure qu’il s’agissait
d’un simple décor. Un examen plus attentif fait apparaître
une croix légèrement pattée. divisant l’espace en quatre
parties. A l’intérieur de ces parties, deux spirales
identiques en bas, deux rosaces identiques en haut. Une
hypothèse : les spirales symboliseraient un univers mobile,
le monde cosmique qui tourne autour de nous. Tandis que les
rosaces symboliseraient un univers statique, le Ciel, situé
par delà l’univers mobile. Une telle représentation devrait
nous aider à comprendre la signification de rosaces ou de
spirales que l’on trouve parfois sur des éléments sculptés
d’Europe Occidentale.
L'image
13 représente un lion et un taureau affrontés. A
priori elle ne semble pas chrétienne. Sauf si il existe (ou
s’il a existé) un autre panneau représentant un aigle et un
homme. Auquel cas on obtiendrait un tétramorphe (cette
fois-ci avec 4 individus distincts).
La figure gravée sur le vase de l'image
14 pourrait être une « croix à 6 branches ».
C’est-à dire une figure dérivée du chrisme (le contraire –
que le chrisme dérive de la croix à 6 branches- est aussi
possible).
Sur le guide vert
Michelin il est écrit : « Par
contre la croix à double traverse ainsi que les blasons
des la Roche et des Villehardouin (fronton) sont des
ajouts de l’époque franque XIIIesiècle) ».
Nous sommes extrêmement surpris de découvrir que la croix à
double traverse date de « l’époque franque ». On connaît,
bien sûr, la croix de Lorraine qui a été inscrite sur des
blasons. Mais à quelle date ?
Les seules croix à plusieurs traverses de France que nous
connaissons se trouvent sur des sarcophages déposés dans le
baptistère Saint-Jean de Poitiers (voir sur ce site à
Monuments / France/ Aquitaiene / Poitiers (baptistère Saint
Jean)). Ces sarcophages auraient pu appartenir à des
princes barbares comme les Taïffages. En tout cas le panneau
de l'image 16 portant
une croix à double traverse ne ressemble pas du tout à une
œuvre du XIIIesiècle. Il s’agit bien pour nous
d’une œuvre attribuable au premier millénaire (an 850 avec
un écart estimé de plus de 100 ans) .
Cette page terminant provisoirement le
chapitre de la Grèce permet d’établir un bilan. Autant qu’on
ait pu le constater la Grèce continentale semble être très
pauvre en monuments du premier millénaire. Il en est de même
pour les Cyclades où nous n’en avons vu aucun. Il faut
cependant admettre que nous n’avons pas tout visité, en
particulier les sites de Mistra ou du Mont Athos. De plus,
il est fort probable que certaines petites églises
dispersées dans les campagnes (il en existe beaucoup dans
lés îles) aient une origine très ancienne. On peut effectuer
une comparaison avec ce qui s’est passé en France dans
l’Hérault. On croyait que les chapelles rurales étaient
relativement récentes. Jusqu’au moment où l’on
(principalement l’abbé Giry) s’est aperçu que certaines
d’entre elles devaient remonter au Premier Millénaire. Il
s’en est suivi une importante quête d’indices et on a pu
recenser plusieurs centaines de telles chapelles dans tout
le Bas-Languedoc.
Il est néanmoins un point sur lequel on a de bonnes raisons
de manifester une très grande surprise. Le voici :
Relisons le premier paragraphe du début : « Le guide
vert Michelin nous apprend que « la
Petite Métropole est une charmante église byzantine du XIIe
siècle …dont les proportions réduites donnent
l’échelle de l’habitat d’Athènes à cette époque ».
De même nous avons constaté que, non seulement la Petite
Métropole, mais aussi les autres églises d’Athènes et même
de Grèce, étaient de dimensions réduites. Et ce,
comparativement aux églises d’Occident antérieures à l’an
1000 que nous décrivons dans le présent site.
D’où viennent ces différences d’échelles ? On peut invoquer
la liturgie orthodoxe différente de la liturgie catholique.
Celle-ci est, en effet, propice aux grandes assemblées de
fidèles alors que dans celle-là, l’église n’est qu’un lieu
de passage de fidèles venant temporairement prier et
embrasser une icône. Néanmoins une telle explication se
révèle insuffisante car les différences de proportions sont
vraiment très importantes. De plus, il y a dans le monde
orthodoxe, en Géorgie ou en Arménie, des édifices nettement
plus grands que ceux que nous avons vu à Athènes.
Notre plus grande surprise vient du décalage important entre
ce que nous avons appris à l’école et ce que nous voyons sur
place. Ce que nous avons appris à l’école, c’est qu’il
existait une civilisation brillante, la civilisation
romaine. Le fruit de cette civilisation, l’Empire Romain,
s’est divisé en deux. A l’Occident cet Empire a été détruit
au cours du Vesiècle, « sous le coup de boutoir
des Invasions Barbares». L’Empire d’Orient, quant à lui,
devenu Empire Byzantin., s’est maintenu pendant près d’un
millénaire. Entretemps, et à partir de l’an 1000, il y a eu
un début de redressement du côté de l’Occident.
Voilà donc ce que nous avons appris à l’école. On retient
ceci de ce message qui nous a été communiqué : de l’an 500 à
l’an 1000, c’est-à-dire pendant 500 ans , on a vécu en
Occident les guerres, les destructions , la misère et le
chaos. Et durant le même temps, en Orient, c’était la
richesse et la paix.
Comment se fait-il alors que, en allant, sur place en Grèce,
on ne voit pas les traces de ce passé glorieux ? Comprenons
bien que nous ne sommes pas là en train de reprendre
l’argumentation développée au début de la rubrique «
Datation » (voir à ce sujet Datation/ Introduction aux
problèmes de datation). Nous considérons cette démonstration
comme un fait acquis : il n’y a pas eu en Occident et durant
la seconde moitié du Premier Millénaire, d’arrêt de
constructions d’églises et, bien au contraire, il a dû y
avoir une intensification des efforts.
Mais ce que nous avons dit dans ces pages ne concernait que
les églises d’Occident. Et, il était tout naturel d’imaginer
que, en Orient, où, sous la protection d’un souverain
magnanime, régnait la paix et la richesse, la frénésie de
construction devait être encore plus forte. Or on assiste à
tout le contraire. Une seule conclusion en découle : la
vraie décadence ayant eu cours durant le Premier Millénaire
ne s’est pas produite en Occident mais en Orient!
Voilà donc une conclusion très surprenante et qui risque de
susciter beaucoup d’oppositions. Mais il importe de la
transformer en hypothèse de recherche et l’étudier avec la
plus grande objectivité.