Église de Saint-Léonard-de-Noblat
L'image
1 est une copie du plan de l’édifice extraite de
l’ouvrage « Limousin
roman », de la collection Zodiaque
(auteur du texte concernant Saint Léonard : J. Maury).
Les autres images sont des photographies prises en 2010. À
cette date, nous n’avions pas encore affiné les critères de
datation et certains détails importants ont pu avoir été
négligés.
La première remarque que l’on peut faire
concernant Saint-Léonard-de-Noblat est la grande variété des
constructions faisant partie constitutive de cet édifice.
Si, en effet, on effectue le recensement des parties
fléchées de l'image 1,
on découvre successivement à partir de l’ouest, le portail
occidental, les trois premières travées à un vaisseau, les
deux suivantes à trois vaisseaux, le transept, et enfin, le
chevet à déambulatoire. A cela il faut ajouter deux
bâtiments situés au nord de l’édifice : le clocher et le «
sépulcre ».
Mais ce n’est pas tout ! Il faut encore ajouter
l’avant-chœur : on constate sur l'image
10 que cette partie coincée entre le chœur et la
croisée du transept est différente des deux autres.
On se trouve donc en présence de sept
parties nettement différenciées comme on peut le voir sur
les images 2, 4,5, 6 et
11.
Sur le plan qu’il a lui-même tracé, l’auteur, J. Maury,
ajoute une autre partie datée du XVIIesiècle au
niveau du chœur. Il s’agirait d’une restauration due à un
effondrement partiel.
Il est intéressant de consulter la légende que l’auteur
associe à ce plan, ainsi que les parties qu’il identifie.
Ces parties sont un peu différentes des nôtres. Nous
considérons en effet que les deux dernières travées de la
nef doivent être différentes du transept alors que lui-même
voit une continuité des murs. Sans doute a-t-il eu la
possibilité d’examiner l’appareil de ces murs ? Ce que nous
n’avons pas pu faire.
Résumons les indications de la légende indiquant une
datation de chaque partie identifiée :
Construction 1 : milieu du XIesiècle.
Construction 2 : fin du XIesiècle.
Constructions 3, 4, et 5 : 1ère moitié du XIIesiècle.
Construction 6 : vers 1150-1180.
Construction 7 : fin du XIIIesiècle.
Construction 8 : XVIIesiècle.
Il y aurait donc eu sept constructions différentes entre le
milieu du XIesiècle et la fin du XIIIesiècle.
Mieux encore ! On aurait six constructions différentes entre
l’an 1050 et l’an 1180 ! Soit, en respectant les écarts
entre constructions (5 écarts pour 6 constructions), une
construction tous les 26 ans ; il s’agit là d’une véritable
frénésie de constructions ! Même durant notre actuel XXIesiècle,
période qui pourtant se croit très agitée, on ne voit pas
cela ! Pour ne citer qu’un exemple : à l’heure actuelle on
envisage le plus sereinement du monde de faire passer le cap
de 40 ans à nos centrales nucléaires !
Un écart d’au moins 50 ans entre deux constructions
différentes nous apparaît comme plus réaliste.
Face à ces contradictions, nous pensons que les
constructions ont été plus réparties dans le temps. Sachant
que la dernière des constructions du Moyen-Âge est la façade
occidentale, correctement datée de la fin du XIIIesiècle,
nous remontons dans le temps d’au moins 300 ans (6 x 50 ans)
et attribuons au premier millénaire la première des
constructions.
Par ailleurs nous estimons que ce n’est pas à nous mais à
l’auteur du plan qu’il appartient de se justifier. Car notre
réflexion relève du simple bon sens.
Mais quelles sont les parties qui
pourraient être attribuées au premier millénaire ?
Sans avoir eu l’occasion d’étudier l’édifice d’une manière
plus approfondie, nous envisageons que la nef, dans son
ensemble, pourrait dater du Premier Millénaire.
Primitivement, cette nef devait être à trois vaisseaux
couverts de charpentes. Les murs latéraux devaient être
portés par des piliers à section rectangulaire et circulaire
en alternance. Les deux travées à trois vaisseaux seraient
les restes de cette ancienne nef. Ainsi que les chapiteaux
des images 7 et 8.
Les trois travées qui précèdent ces deux travées seraient
aussi des restes de l’ancienne nef, mais elles auraient été
transformées, vers la fin du XIIesiècle - ou
début du XIIIesiècle - en des parties de
nef à un seul vaisseau par suppression des piliers.
Le chevet doit être attribué au XIIesiècle.
Concernant l’avant-chœur, il pose de sérieux problèmes que
nous ne sommes pas en mesure de régler.
Dans une première analyse, nous avions envisagé que la
tour-clocher (image 11)
pouvait dater elle aussi du premier millénaire. Cette
estimation était fondée sur l’aspect primitif des
chapiteaux. Comme celui de l'image
13 (tête posée sur une colonne, lion dressé) qui
fait penser à des décors gaulois. De même les chapiteaux de
l'image 12 apparaissent
relativement primitifs. Par contre, les arcs au-dessus de
ces chapiteaux sont nettement brisés. Cette particularité ne
semble apparaître qu’après l’an mille. Par ailleurs,
l’emplacement du clocher, au nord de l’église, semble
inusité. Dans la plupart des cas que nous connaissons,
durant le premier millénaire, le clocher-porche est situé à
l’ouest, côté entrée des fidèles. Mais concernant le premier
millénaire, nous sommes très loin de tout connaître.
Il reste à étudier le « sépulcre » (image 14). Lisons ce
qu’en dit l’auteur : « La
rotonde dite du « Sépulcre » dont l’âge a été très
diversement estimé, fut construite après l’église : son
absidiole Est bouche une fenêtre du croisillon. Son
absidiole Sud enveloppe le contrefort intact de la nef.
Par contre Theillier de la Neuville montre qu’elle est
plus ancienne que les piliers du porche (clocher)…
». À un autre endroit, l’auteur signale que cette
construction n’est certainement pas un baptistère et ajoute
: « Comme
plusieurs édifices analogues en diverses régions, elle
doit très probablement son nom usuel et sa forme à quelque
pèlerin ou chevalier de retour de Palestine et désireux
d’évoquer le Saint-Sépulcre » . Nous pensons que
par sa forme, cette chapelle évoque la Croix du Christ mais
nous ne sommes pas certains qu’elle imite le Saint-Sépulcre
de Jérusalem. Il est possible que cette chapelle (image
15) ait abrité une relique en rapport avec le
Saint-Sépulcre : Vraie Croix, fragment de Linceul, etc.
Si la nef est, comme nous le pensons, attribuable au premier
millénaire, rien n‘empêche que, bien que postérieur à la
nef, le « sépulcre » soit, lui aussi, du Premier Millénaire.
Une telle hypothèse nous arrangerait, car, d’une part, ce
bâtiment apparaît d’un certain archaïsme, et, d’autre part,
c’est vers la fin du premier millénaire (IXe- Xesiècle)
qu’apparaissent au Proche Orient les premiers édifices à
plan centré en forme de croix grecque.
Toujours concernant ce bâtiment du « sépulcre », il reste
une dernière hypothèse qui nous est venue à l’esprit.
Résumons, en effet, les diverses hypothèses : la première
d’entre elles est que ce serait un bâtiment analogue à la
chapelle Palatine d’Aix-la-Chapelle ou à l’abbatiale
d’Ottmarsheim. Mais ces édifices ont un déambulatoire à
l’étage supérieur ; ce qui n’est pas le cas ici.
Dans la seconde hypothèse, on envisage un baptistère. Mais,
si c’était le cas il y aurait une cuve baptismale creusée
dans le sol. Est-ce le cas ici ? De plus, en général, un
baptistère est à plan circulaire. Ce qui n’est pas tout à
fait le cas ici.
Il reste une dernière hypothèse : que ce soit réellement un
sépulcre. C’est-à-dire qu’un abbé ou un important donateur
se soit fait construire un tombeau au voisinage immédiat de
l’abbatiale. L’hypothèse est–elle purement gratuite ? Pas
tout à fait : on a en effet trouvé à Ottmarsheim une tombe
située exactement au centre sous la coupole.
Ajout d'images
La visite de cette église par Alain et Anne-Marie Le Stang,
en septembre 2020, nous permet d'ajouter les images
suivantes de 16 à 33 et d'apporter de nouvelles
informations sur sa construction très complexe.
Cette complexité des constructions est
déjà apparente sur l'image
16 dans laquelle on distingue bien les différences
entre le chevet, à gauche, le transept au milieu, le
«sépulcre», à droite; la tour-clocher, à l'extrême droite.
Et des différences, on en découvre encore entre le premier
et l'arrière-plan de chaque corps de bâtiment : entre le
déambulatoire et la partie centrale du chevet (différences
au niveau des fenêtres ; entre le croisillon Nord et la
croisée du transept ; entre le «sépulcre» et les toits de la
nef.
Nous avions précédemment parlé de la tour-porche (image
18) et décrit des sculptures de son
rez-de-chaussée. Nous en montrons deux situées à l'extérieur
(images 19 et 20)
et cinq autres à l'intérieur (images
de 21 à 25). Toutes semblent de facture malhabile.
Mais il il est possible que cet aspect archaïque soit dû à
l'emploi d'un matériau peu adapté à la sculpture,
apparemment du granit.
Les chapiteaux de l'extérieur à feuillages très stylisés ne
sont sans doute là que pour la décoration. Par contre ceux
de l'intérieur devaient représenter un message symbolique.
Ce message, il est à découvrir sur le
chapiteau de l'image 21 qui
présente des feuillages stylisés, des volutes et, dans
l'angle, peut-être un masque humain.
Deux hommes combattent entre eux sur le chapiteau de l'image 22 (combat du
vice et de la vertu ? c'est peu probable : dans un tel cas,
il y aurait des signes très nets de différenciation entre le
vice et la vertu).
Sur le chapiteau de l'image
23, on
retrouve une scène de combat entre deux quadrupèdes : un
cheval et un ours ? Là encore, le symbole est difficile à
identifier.
Une belle tête barbue apparaît le chapiteau de l'image
24. Mais
s'agit-il seulement d'une tête? En fait, des bras levés
apparaissent sur les côtés. Ce personnage semble être un
orant aux bras levés et tenant une grappe de raisin.
L'image 25 est
plus symbolique encore. On y voit un homme assis maîtrisant
deux bêtes à corne (des boucs ?). Devant les jambes (non
représentées) de l'homme, on identifie une scène curieuse :
deux tètes d'oiseaux plongent leurs becs dans un vase. Les
corps des oiseaux sont visibles sous les corps des boucs.
C'est la scène classique des «oiseaux au canthare».
L'explication pourrait être la suivante. Dieu (représenté
par l'homme), empêcherait les démons (représentés par les
boucs) de bloquer l'envolée des âmes vers le ciel (les
oiseaux s'abreuvant au canthare).
Image 26.
Dans cette vue de la nef en direction du fond, on
constate que l'arc doubleau adossé au mur du fond (mur
Ouest) traverse le sommet de la fenêtre supérieure du mur
Ouest. Cela signifie que la voûte est postérieure à la
façade Ouest. Il en serait de même pour les arcs doubleaux
et les piliers adossés qui les supportent. Avant la pose de
cette voûte, la nef primitive devait être charpentée ... et
à trois vaisseaux ! Les piliers primitifs qui portaient le
vaisseau principal ont disparu. Ces piliers devaient être
des colonnes cylindriques situées dans le prolongement des
piliers de la nef à trois travées, dans laquelle on devine
une alternance de piliers rectangulaires et cylindriques (images 5 et 6).
Alain et Anne-Marie Le Stang ont eu l'excellente idée de
photographier l'intérieur du chœur et du déambulatoire du
chevet, faisant apparaître ce que nous n'avions pas vu
auparavant. Nous avions en effet remarqué que les piliers du
déambulatoire étaient en alternance à section rectangulaire
et circulaire (image 29).
L'image 29 et,
encore mieux, l'image 32,
font apparaître deux systèmes d'arcades superposées et la
présence à l'intérieur d'un pilier à section rectangulaire
d'un chapiteau, montrant ainsi qu'il y a eu au moins deux
étapes de travaux sur ce chevet. Initialement, tous les
piliers étaient cylindriques. À cause sans doute d'une
faiblesse de ces colonnes, ou pour leur permettre de
supporter le poids plus important d'une voûte, les maîtres
maçons ont renforcé une colonne sur deux en la transformant
en un pilier rectangulaire et en reliant deux piliers
rectangulaires par un arc.
Nous estimons que le développement des chevets à
déambulatoire s'est effectué dans la deuxième période de
l'art roman, période précédant l'art gothique. En
conséquence, nous pensons que les chapiteaux des images
30, 31 et 32, d'apparence archaïque (entrelacs),
doivent être postérieurs à l'an 1100.
Un panonceau indique que la pierre tombale de l'image
33 date du XIesiècle. Nous la croyons
nettement plus ancienne. Cette pierre tombale reproduit
l'image d'un toit. Or, dans l'antiquité, un grand nombre de
sarcophages avaient un couvercle en forme de toit. Cette
pierre pouvait donc provenir d'un sarcophage antique. Seul
problème : les toits des couvercles de sarcophages antiques
avaient deux pentes. Celui-ci n'a qu'une pente.
À la suite de ces nouvelles images, nous
devons réactualiser nos positions précédentes sans toutefois
les remettre en question.
Nous avions écrit précédemment que nous étions surpris par
l'emplacement de la tour-porche qui aurait dû être installée
contre la façade Ouest. La plupart des ouvrages de ce genre
sont, en effet, situés à l'Ouest de la nef. Cette position à
l'Ouest peut se justifier par des considérations symboliques
; à l'Est, la puissance divine, à l'Ouest, la puissance
terrestre. On peut penser que les gens du Moyen-Âge
n'étaient pas attachés à tous ces symboles. Se dire que
cette tour-porche est une tour comme une autre, que sa
fonction est celle d'un clocher. Et qu'elle peut être placée
n'importe où. Mais ces tours-porches sont plus que des
clochers. Ce ne sont pas des tours de défense. Le porche,
ouvert à l'extérieur, constitue un abri pour les visiteurs,
les pèlerins, les miséreux. Le premier étage souvent
transformé en chapelle peut servir de tribune pour la nef ou
de résidence pour les visiteurs de haut rang.
Pourquoi la tour-porche de Saint Léonard n'est-elle pas à
l'Ouest de la nef, comme c'est le cas de la grande majorité
des tours analogues ?
Il est possible que le terrain à l'Ouest ne se prêtait pas à
sa construction. Nous avons cependant une autre idée qui
permet d'expliquer à la fois la position du «sépulcre» et de
la tour. Il faut savoir que durant le premier millénaire, il
n'y avait pas de grande cathédrale mais des groupes
cathédraux : dans un périmètre relativement restreint, un
groupe d'églises était rassemblé. Parmi ces édifices, il y
avait la cathédrale, un baptistère (à plan centré) et
plusieurs autres églises dont l'une dédiée au saint du lieu.
Ce n'est qu'après l'an mille qu'on a décidé de réunir toutes
ces églises en une seule grande église : la cathédrale. Nous
ne sommes pas certains qu'il y ait eu un évêque à
Saint-Léonard-de-Noblat. Mais rien n'empêche qu'il y ait eu
plusieurs édifices religieux. Et nous en voyons deux
datables du premier millénaire : le «sépulcre», et l'église
primitive que nous restituons à partir du plan de l'image
1 : les deux travées de nef à trois vaisseaux plus
les trois travées de nef à un vaisseau. Ces deux édifices
ont pu exister dès le VIeou le VIIesiècle.
Il est possible que, parmi toutes les églises construites à
cet emplacement, le «sépulcre» ait été considéré comme le
plus important. On aurait donc construit la tour-porche à
l'Ouest de cet édifice. Nous datons cette construction aux
alentours de l'an 1000. Le chevet à déambulatoire aurait été
construit plus tard encore, vers l'an 1100.
Addendum concernant le «sépulcre»
Un panonceau adossé au mur de ce bâtiment fournit l'information suivante : « Le baptistère. Ce petit édifice appelé Sépulcre, chapelle Sainte Luce, et enfin baptistère depuis sa restauration, date de la première moitié du XIe siècle. On pense qu'il est une copie réduite du Saint Sépulcre de Jérusalem, dont la dévotion était en honneur au Moyen-Âge. On attribue sa construction à un pèlerin revenant de Terre Sainte, peut-être un certain Goncerad dont on a retrouvé la pierre tombale près de la rotonde. »
Dans la première partie de cette page, écrite en avril 2016, nous émettions des doutes sur l'attribution de la construction de cet édifice à un pèlerin venu de Terre Sainte. Nous sommes à présent encore plus dubitatifs sur cette légende, rencontrée en d'autres lieux (en particulier à Neuvy-Saint-Sépulchre). Elle aurait été, selon nous, inventée après le XVe siècle afin de justifier un plan d'église inhabituel (en deux temps : dans un premier temps, par dévotion au culte du Saint Sépulcre ou de la Sainte Croix et au vu de son plan, on change la dédicace de l'église désormais appelée Saint Sépulcre. Longtemps après, on se pose la question : « Pourquoi a-t-on appelé cette église le Saint Sépulcre? ». L'explication est immédiate : « C'est probablement un pèlerin venu de Jérusalem »). Le problème, c'est qu'il y a deux édifices du Saint Sépulcre à Jérusalem. Le premier est le dôme du Saint Sépulcre. Le second est une édicule placé à l'intérieur du premier. Chacun des deux à son propre plan. Mais ces deux plans sont différents de celui de Saint-Léonard.
Par contre, le plan de Saint-Léonard s'apparente à celui de plusieurs édifices d'Italie décrits comme étant des baptistères. Ce qui explique le changement d'appellation de l'édifice de Saint-Léonard après sa restauration : nous ne sommes pas les seuls à douter de l'histoire du pèlerin venu de Jérusalem.
La phrase du panonceau, « Ce petit édifice appelé Sépulcre, chapelle Sainte Luce, ... date de la première moitié du XIe siècle. », nous fait à présent beaucoup sourire. D'abord par son ton affirmatif qui ne supporte pas la moindre objection. Ensuite par le contexte dans lequel elle évolue. Comme nous l'avons dit, des baptistères de ce genre existent en Italie. Tous sont datés (plus ou moins artificiellement) de périodes comprises entre le Ve et le VIIIe siècle. Il en existe aussi en France, en Provence (Aix, Fréjus, Riesz). Ceux-là aussi sont estimés remonter à l'Antiquité Tardive ou au Haut-Moyen-Âge. Mais ils sont en ruines ou reconstitués à partir de ruines.
La datation au XIe siècle (pardon! ... à la première moitié du XIe siècle) du Sépulcre de Saint-Léonard est, selon nous, due à la «Terreur de l'an mille» qui affecte profondément les historiens français. Tous sont, en effet, intimement persuadés de l'inexistence sur le sol français de monuments antérieurs à l'an mille autres que romains ou que des ruines informes. Pour eux le «sépulcre» de Saint-Léonard ne peut être antérieur à l'an mille. Mieux que cela ! il ne faut pas qu'il le soit ! C'est un dogme ! Et l'auteur des présentes lignes est un hérétique qui mérite le bûcher.
Il existe cependant dans le texte du panonceau une indication qui nous semble très importante : la dédicace à Sainte Luce. Ce devait être l'attribution originelle. Il faut savoir que Sainte Luce est particulièrement vénérée chez les peuples nordiques. Sa fête correspond à l'apparition du soleil au dessus de l'horizon qui marque le début de l'été : c'est la fête de la Lumière. Par ailleurs, nous estimons que les édifices à plan centré étaient avant tout des lieux de palabres, des «parlements», servant à focaliser des communautés humaines unies dans un même destin. Ces lieux, à vocation politico-religieuse, ont pu servir de mausolées (pour mettre la communauté sous la protection de ses fondateurs) ou de baptistères (pour faire entrer le nouvel arrivant au sein de la communauté). La dédicace à Sainte Luce nous fait envisager la présence, à Saint-Léonard-de-Noblat et au cours des premiers siècles du christianisme, d'une communauté éventuellement venue de Scandinavie. Peut-être des Goths. D'après l'historien du VIe siècle, Jordanès, on sait que les Wisigoths d'Espagne avaient maintenu à cette date des contacts avec les Goths de Suède.