Autres édifices de l’Ariège susceptibles de dater du 1er millénaire (page 1/2) 

• France    • Occitanie    • Article précédent    • Article suivant
  

Axiat, Luzenac, Mérens, Montgauch, Soueix (église de Saint-Sernin), Verdun, Vernaux, Unac

Les édifices décrits ci-dessous ont été identifiés comme susceptibles d’être datés du premier millénaire.

Cependant cette estimation est entachée d’une grande incertitude car leur étude s’est révélée très insuffisante. Et ce, pour diverses raisons. La première d’entre elles tient au fait que, dans bien des cas, l’église étant fermée, on n’a pu accéder à l’intérieur. Parfois il arrive que certaines parties extérieures soient aussi inaccessibles. On comprend bien que, pour une évaluation correcte, un édifice doit être analysé de fond en combles, intérieur comme extérieur.

Il existe aussi au moins une autre raison. Les images ci-dessous ont été photographiées en août 2004. C’est-à-dire il y a 12 ans. Bien avant que nous ayons pris conscience d’une plus grande ancienneté de ces édifices. Et surtout avant que nous ayons réussi à déterminer certains critères d’évaluation. En conséquence, au lieu de prendre 4 ou 5 photographies d’un même édifice nous en prenons une centaine et de meilleure qualité, permettant de fixer des détails qui, auparavant, passaient inaperçus.



L’église d’Axiat (images 1, 2 et 3)

La vue extérieure (image 1) fait apparaître une structure assez complexe. Si le cabanon flanquant le coté sud semble relativement récent, l’absidiole sud et le bâtiment qui la précède semblent d’origine (remarquer la cordon blanc horizontal faisant le lien entre les deux parties). Le cordon blanc semble se poursuivre au niveau de l’abside. Néanmoins, on constate une décrochement entre l’abside et l’absidiole qui fait envisager que ces deux parties ne sont pas contemporaines.

A l’intérieur (image 2 très floue), l’arc triomphal semble porté par des impostes (et non des chapiteaux). Ce qui serait un signe d’ancienneté.

Quant au portail d’entrée (image 3), il présente quelques éléments (courtes colonnes portées sur des bahuts de maçonnerie, chapiteaux à décor géométrique, impostes de part et d’autre de l’entrée) qui font penser à des modèles plus anciens.

En conséquence et en tenant compte des réserves émises ci-dessus, nous envisageons au vu des éléments que nous possédons à une datation aux alentours de l’an mille avec un écart estimé d’une centaine d’années.



L’église de Luzenac (images 4, 5, 6 et 7)

La façade occidentale de l’église de Luzenac (image 4) est de type baroque espagnol. Cependant, en y regardant de près, on peut voir en plein milieu la belle porte romane analysée plus en détail dans les images suivantes. Très probablement, il s’agit d’une église à 3 nefs très fortement remaniée.

Concernant le portail d’entrée (image 5) on note la particularité suivante : les arcades sont portées par des sortes d’impostes débordant seulement vers l’intrados de la courbe. Quatre de ces impostes sont soutenues par des chapiteaux qui sont eux-mêmes soutenus par des colonnettes. Observons un seul de ces ensembles (colonnette-chapiteau-imposte). On constate que la colonnette est cylindrique, le chapiteau est sculpté sur deux faces et l’imposte sur une seule face. Il y a là ce qui semble être une faute de goût. On s’attendrait à ce que l’imposte soit aussi sculptée aussi sur la face avant. Qu’elle se comporte comme un tailloir placé au-dessus du chapiteau comme on peut le voir dans de nombreux portails romans. En conséquence, ce portail apparaît comme archaïque, précurseur des portails romans.

Les impostes à décor strié, le chapiteau à entrelacs dits « carolingiens, » de l’image 6 font aussi penser à des modèles préromans. Il doit en être de même pour les chapiteaux à décors de têtes (images 6 et 7).

Compte tenu de ces observations, cet édifice pourrait être antérieur à l’an mille.


L’église de Mérens (images 8, 9)

Il y a peu de choses à dire sur l’église en ruines de Mérens. Il semblerait que l’arc triomphal ait été outrepassé (image 9).

Il reste le très beau clocher roman. Les arcades des baies géminées sont portées par des chapiteaux à plan rectangulaire (linteaux ?) eux-mêmes soutenus par des colonnes monolithes très élancées. La forme de ces chapiteaux témoigne d’un certain archaïsme. Il est plus fréquent de rencontrer en de tels endroits des chapiteaux plus performants à plan trapézoïdal.

On constate surtout que ce clocher est à  « arcatures lombardes » visibles au dernier étage. Nous estimons que la construction d’édifices dits à « arcatures lombardes » s’est effectuée au moins au cours de deux siècles, au Xeet au XIesiècles.

En conséquence, cette église ou à tout le moins le clocher qui la jouxte, est estimée antérieure à l’an 1000.




L’église de Montgauch (images 10,11, 12)

Le chevet de l’église de Montgauch (image 10) est à « arcatures lombardes » (ancienneté : XIesiècle ?). On constate néanmoins sur la même image une rupture d’appareil à la base des fenêtres. L’hypothèse envisagée est que, primitivement, l’abside devait être moins haute : le cul-de-four devait partir au niveau de la base des fenêtres actuelles. Le cul-de-four aurait été remonté afin d’éclairer l’abside par de grandes fenêtres (Les premières absides étaient couvertes de mosaïques ou de fresques. Les fenêtres y étaient rares et très étroites. Ce n’est que plus tard que l’on a envisagé d’éclairer les absides).

Remarquons aussi que l’église a un plan dit « tréflé » : les absidioles sont disposées perpendiculairement à l’abside.

L’intérieur de l’édifice (image 11) montre que les trois parties visibles de l’extérieur ont chacune leur correspondance à l’intérieur. Il y a d’abord au fond l’abside. Puis ce que l’on pourrait appeler un transept portant les absidioles disposées perpendiculairement à l’axe de la nef. Et enfin la nef d’une seule travée. Remarquons que les corniches situées à la naissance des voûtes ne sont pas alignées et n’ont pas le même décor. Très probablement les trois parties ont été édifiées à des époques différentes. La corniche dite « à billettes » de la partie centrale pourrait permettre d’envisager une datation de cette partie au IXe- Xesiècle.

Il ne faut pas quitter cette église sans avoir admiré la très belle fresque au Christ en Gloire entouré des symboles des évangélistes (datation : XIe- XIIesiècle).



Chapelle de Saint-Sernin près de Soueix (images 13 et 14)

Le chevet est à arcatures lombardes (Xeou XIesiècle). On observe sur l'image 13 le clocher-mur. En fait, il pourrait s’agir de la façade occidentale de l’ancienne église. La nef de cette église aurait été remplacée par le bâtiment aux tuiles rouges. Sur l'image 14, on observe un détail de l’ancienne fenêtre de cette façade (datation ?).


Nouvelle visite de cette église en juin 2022 (images de 15 à 22).


Malheureusement, nous ne pouvons pas dire grand-chose de plus que précédemment car l'église était fermée. Nous avons cependant pu obtenir deux images de l’intérieur en photographiant un panonceau explicatif situé à l'extérieur (images 20 et 21).

Par rapport à la fois précédente, nous arrivons à mieux décrypter les ouvertures (images 16, 17, 18) . Ce sont des « jours », c'est-à-dire des fenêtres de type meurtrière, étroites à l'extérieur et s'évasant vers l'intérieur. Les trois fenêtres sont surmontées, non d'un arc, mais d'un linteau échancré. La baie de l'image 17 est très particulière : elle est percée, non dans la surface du mur, mais dans le pilastre de l'arcature lombarde. Pour quelle raison ? Nous l’ignorons. Mais on retrouve cette formule dans la région, en particulier à la cathédrale Saint-Lizier de Saint-Lizier.

Sur les images 19 et 20, on identifie des chapiteaux à entrelacs, une corniche décorée de zigzags et une autre décorée d'une croix.

Concernant l'image 21, le panonceau donne l'information suivante : « En 1980, une stèle funéraire gallo-romaine en calcaire blanc est découverte parmi les pierres en réemploi lors de travaux de restauration. Elle représente trois bustes alignés de face aux visages triangulaires, les traits peu esquissés. Elle attesterait de l'occupation antique du site de l'église. ». Remarquons que le personnage de droite semble surmonté d'un demi-cercle (sorte d'auréole pour montrer qu'il est déjà au ciel? ). À noter aussi que cette stèle ressemble à d'autres stèles ou cippes funéraires trouvées dans le département de Haute-Garonne, voisin de l'Ariège, à Saint-Aventin et Saint-Paul d'Oueil.



L’église de Verdun d'Ariège (image 23)

L’abside et les deux absidioles sont à arcatures lombardes. L’église pourrait être à trois nefs.



L’église de Vernaux (image 24)

Remarquer le plan tréflé de cet édifice ainsi que l’étroitesse des fenêtres. Le plan tréflé est relativement rare. Il reproduit la croix du Christ. On le retrouve parfois sur des églises dédiées à Sainte Croix.



L’église d’Unac  (images 25, 26, 27 , 28)

On retrouve dans l’église d’Unac le même type d’observation effectué à Montgauch. Sur l’abside, les trois fenêtres tranchent par leur blancheur sur les panneaux des murs comme si elles avaient été ajoutées plus tard. À cela s’ajoute le fait qu’il existe juste en dessous de ces fenêtres une autre plus étroite, de type meurtrière. Quelle aurait été l’utilité de cette fenêtre si elles avaient été posées simultanément ?

On constate que le mur-pignon du toit est situé nettement au-dessus de celui-ci. Ceci laisse envisager que, primitivement, le toit était au niveau du pignon et que c’était un toit en charpente. On serait donc en présence d’une église analogue aux basiliques romaines primitives à toits charpentés.

Cette hypothèse est confirmée par la lecture du plan de l'image 27. Le plan de l’église primitive correspondrait à la partie hachurée. C‘est celui d’une église à nef à trois vaisseaux. Les piliers devaient être à plan rectangulaire mais l’ajout de piliers adossés servant à supporter les doubleaux des voûtes a transformé le plan rectangulaire en plan cruciforme.

Toujours sur ce plan de l'image 27, remarquons un étonnant paradoxe. L’auteur de ce plan a indiqué les datations suivantes : pour la partie en trait plein, le XIe siècle, et pour la partie hachurée, le XIIe siècle. Or on observe sur ce plan que la partie hachurée témoigne d’une symétrie bien plus importante que la partie en trait plein.

Le simple bon sens nous a conduit à penser que les architectes du Moyen-Âge ont voulu construire des monuments parfaits. Et quoi de plus parfait que la symétrie ? Cette symétrie, ils ont dû l’inscrire dans les plans de construction. Et réaliser une construction parfaitement symétrique par rapport au plan vertical orienté est-ouest. Bien sûr, au fur et à mesure des besoins, eux, ou leurs successeurs, ont pu être amenés à effectuer des modifications et, en conséquence, à détruire la symétrie initiale. Quels étaient ces besoins ? ajouter une sacristie ? un clocher ? un local d’habitation pour le célébrant ? C’est ce que l’on voit ici : un clocher est installé sur la partie sud (partie en trait plein).

Nous estimons donc que l’auteur du plan a dû se tromper en inversant l’ordre des priorités : selon nous, la partie hachurée est, des deux, la plus ancienne.

Sur l'image 28, les chapiteaux, imités du corinthien, devraient être étudiés avec soin. Leur formes ainsi que celles des tailloirs ne suivent pas les canons caractéristiques de l’art roman (proportions entre largeur et hauteur).

La datation envisagée pour la première construction à toit charpenté est l’an 800 avec un écart estimé de 100 ans. La seconde partie (trait plein) daterait de l’an 1000 avec un écart estimé de 100 ans. La construction des fenêtres de l’abside, avec éventuellement surélévation de celle-ci, pourrait quant à elle dater du XIIe siècle.