Autres édifices de l’Ariège susceptibles de dater du 1er millénaire (page 2/2) 

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Nous avons profité d'un bref séjour en Ariège, en juin 2022, pour visiter diverses églises du Couserans. Il faudrait plutôt dire « nous avons essayé de visiter » », car à l'exception de l'église Notre-Dame-de-Tramesaygues d'Audreyssein et de l'église Notre-Dame-de-l'Assomption de Montjoie (dans la page suivante), toutes les églises étaient fermées au moment de la visite. En conséquence, notre analyse ne peut-être que partielle et très insuffisante car dans de nombreux cas, c'est l'intérieur de l'édifice qui est révélateur des transformations.

Dans cette page, sont analysés les édifices suivants : l'église Notre-Dame-de-Tramesaygues d'Audressein, la chapelle du Calvaire de Castillon-en-Couserans, l'église Saint-Saturnin du Carlaret, l'église Notre-Dame de Sentein.



L'église Notre-Dame-de-Tramesaygues d'Audressein (images de 1 à 9)

Cette église nous avait été indiquée comme étant romane (elle n'est cependant pas mentionnée dans le livre Pyrénées romanes de la collection Zodiaque. En fait, nous n'avons rien vu qui apparaisse réellement roman. Les arcs sont brisés (images 1 et 4) et, à l'intérieur les voûtes, en cintre brisé pour le vaisseau principal (image 5), sur croisées d'ogives pour le collatéral Sud (image 6), sont nettement gothiques. Il est cependant possible que la pose des voûtes ait été un ajout tardif. L'implantation des doubleaux et ogives au sommet des piliers apparaît en effet irrégulière. Une autre irrégularité est aussi visible dans la forme des piliers à plan rectangulaire ou cylindrique (images 7 et 8). Et encore dans la forme et le décor des chapiteaux de ces piliers (comparer ceux des images 6 et 8). Cette diversité de formes milite en faveur d'une plus grande ancienneté que la période gothique. Mais avec une plus grande incertitude concernant la datation.

Sur la berge de la rivière, est déposée une petite croix monolithe. Sa datation est délicate : les bras très dégradés font penser à des œuvres du XVIe siècle. Mais, à l'inverse, la représentation en son centre de l 'Agnus Dei fait envisager une plus grande ancienneté (aux alentours du VIIIe siècle ?).

Datation envisagée pour l'église Notre-Dame-de-Tramesaygues d'Audressein : an 1100 avec un écart de 150 ans.




La chapelle du Calvaire de Castillon-en-Couserans (images 10 à 18)

Cette église est décrite dans le livre Pyrénées romanes de la collection Zodiaque.

À l'origine, il s'agissait d'une chapelle castrale. Il ne reste rien du château. Cette chapelle a été très restaurée au XIXe siècle. Le décor à arcatures lombardes du chevet (image 11) est le reflet de cette restauration. Seule la partie de façade située sous le auvent du portail Sud (image 12) semble avoir été préservée.

Une statue de Saint-Pierre, identifiable par les clés du paradis, est installée dans une niche à droite du portail (image 13). Le saint porte une tiare d'évêque. Il tient un livre dans sa main gauche, et avec sa main droite, fait le signe que nous avons appelé la « main de Dieu » (3 doigts levés , annulaire et auriculaire fermés). L'oeuvre, d'aspect archaïque, semble cependant romane (XIe ou XIIe siècle). L'archivolte extérieure du portail est ornée d'une tresse de rameaux dits « habités ». On y voit un homme nu dans une attitude énigmatique (image 14) et un homme accroupi situé à la base et crachant la tresse de feuillages (image 15).

Nous avons par ailleurs photographié deux chapiteaux de ce portail. Sur celui de l'image 16, un homme est représenté les bras levés (Adam cueillant le fruit défendu ?). Sur l'image 17 suivante, l'homme fait le signe de la « main de Dieu ». Mais il y a une particularité plus importante encore. L'homme est représenté de face mais sa tiare d'évêque est représentée de profil comme s'il portait deux cornes. Ce couvre-chef doit être comparé avec celui de Saint Pierre (image 13). Une telle représentation est rare. Nous l'avons vue sur le portail roman de Saint-Paul de Narbonne (page non encore rédigée). Nous l'avons vue aussi sur des images de procès d'inquisition. Les hérétiques portaient ce type de tiare à deux cornes. Il est donc possible que ce personnage représente, soit un évêque hérétique, soit un évêque local avant qu'il y ait eu unification des liturgies.

L'image 18 est celle d'une claustra qui semble avoir été restaurée récemment.

Datation envisagée pour la chapelle du Calvaire de Castillon-en-Couserans : an 1100 avec un écart de 50 ans.




L'église Saint-Saturnin du Carlaret (images 19 à 24)

Cette église était fermée au moment de notre passage. Nous décelons cependant à l'extérieur des traces d'ancienneté. En particulier au chevet (image 20) où l'on devine trois étapes de travaux. Et aussi sur les murs latéraux (images 23 et 24). On y voit un appareil en alternance de lits de pierres et de briques caractéristique des monuments romains d'époque tardive (mais ce type d'appareil a pu perdurer longtemps après).

Datation envisagée pour l'église Saint-Saturnin du Carlaret : an 800 avec un écart de 200 ans.




L'église Notre-Dame de Sentein (images 25 à 30)

Cette église n'est pas indiquée sur le livre Pyrénées romanes de la collection Zodiaque. Elle était fermée au moment de notre visite. L'extérieur, entouré de diverses habitations, est difficilement lisible. L'ensemble (image 25) donne une impression de moyenâgeux mais d'une époque nettement postérieure à celle que nous étudions. La seule partie apparaissant plus ancienne (mais il en existe sans doute d'autres plus dissimulées) est le clocher (image 26). Ce clocher, à 7 étages, et une flèche, est octogonal à partir du quatrième. Nous avons choisi d’observer seulement sa partie inférieure, la plus ancienne. Au deuxième étage, chacune des faces est percée d'une fenêtre surmontée d'un arc en plein cintre. Nous avons photographié trois de ces fenêtres (images 27, 29, 30). L'image 28, détail de l'image 27 permet de comprendre qu'il y a un doublage des fenêtres : au premier plan, la fenêtre est encadrée par deux colonnettes portant des chapiteaux. Et au second plan, on devine une autre fenêtre plus étroite que la précédente. Elle est divisée en trois parties par deux colonnes monolithes. La surprise vient du fait que ces colonnes ne portent pas, comme on le voit fréquemment, des chapiteaux qui eux-mêmes supportent un linteaux, mais un seul linteau. Il existe bien quelque chose qui ressemble à des chapiteaux, mais on réalise sur l'image 28 et plus encore sur l'image 29, que les deux chapiteaux et le linteau forment une pierre unique. Deux pierres plates placées en forme de toit permettent d'alléger la structure en reportant les forces sur les extrémités du linteau (image 29).

Nous pensons que ce « doublage » des fenêtres traduit un « doublage » des murs. Primitivement, la structure du clocher ne devait être formée que des murs « du dessous »
contenant les fenêtres à deux colonnes verticales et linteau unique. Un mur externe aurait recouvert l'ensemble, à l'exception des fenêtres. Ce mur aurait permis de renforcer la structure afin de porter les étages supérieurs à plan octogonal.

Datation envisagée pour le clocher primitif de l'église Notre-Dame de Sentein : an 950 avec un écart de 100 ans.