Autres églises du Calvados susceptibles de dater du Ier millénaire (page 1/2)
Les édifices décrits dans cette page et la suivante ont été
identifiés comme pouvant dater du premier millénaire. Mais
rien n’est certain. Plus exactement, sachant que pour tous
les monuments que nous étudions, la certitude absolue
n’existe pas, dans le cas présent, l’indice de probabilité
est moins fort. Il y a plusieurs raisons à cela. D’une part,
nombre de ces édifices ne nous sont connus que par quelques
images extraites d’Internet. Seule une visite approfondie
pourrait permettre une meilleure évaluation. Pour d’autres
monuments, comme les églises à nef unique, l’évaluation est
plus délicate que pour les églises à nef triple.
Les quatre édifices ou documents étudiés sur cette page sont
les suivants : la
tapisserie de Bayeux, l’église
Saint-Martin de Feugerolles-Bully, l’église
Saint-Nicolas de Caen, l’église
Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Falaise.
La
tapisserie de Bayeux (Centre Guillaume-Le-Conquérant)
La célèbre tapisserie de Bayeux n’est
pas une œuvre du premier millénaire. Elle ne date même pas
du premier millénaire de notre ère, puisqu’elle a été brodée
après la bataille de Hastings en 1066, bataille dont elle
raconte les épisodes. Selon certains auteurs, elle aurait
été fabriquée entre l’an 1066 et l’an 1082. Selon d’autres,
plus précis, entre 1067 et 1069. Quoiqu’il en soit, dans la
seconde moitié du XIesiècle. Le lieu de
fabrication serait le Kent. Plus précisément l’abbaye
Saint-Augustin de Canterbury.
Nous n’avons pas l’intention de décrire cette tapisserie
dans sa totalité, mais seulement quelques uns des monuments
qui y sont représentés. Les artistes ont essayé de
représenter les édifices qu’ils avaient sous les yeux.
Certes, nombre de ces édifices pouvaient avoir été
construits récemment. Il faut aussi noter que les artistes
habitant le Kent, leurs modèles de référence pouvaient
provenir du Kent. Cependant, et malgré la grande imprécision
des représentations, certaines conclusions peuvent être
extraites des images.
Image 1 : Le
serment d’Harold devant les reliques. On a déjà parlé de
l’analogie entre cette image et une sculpture de la
cathédrale de Bayeux (image
23 de la page
sur la ville de Bayeux).
Image 2 :
Représentation d’une ville fortifiée. Au centre, une
construction encadrée par deux soldats. Il est difficile de
savoir s’il s’agit, comme précédemment, d’un reliquaire, ou
d’un palais communal. On remarque que les murs de la ville
sont décorés. Sans doute s’agit-il d’un travail de
marquèterie analogue à celui visible sur les remparts du
Mans.
Image 3 : Ici le
roi Edouard siège sous une sorte de dais qui pourrait
représenter la confluence de deux rivières. À sa gauche, on
peut voir une église à nef à trois vaisseaux encadrée par
deux tours. Remarquer le décor de marquèterie sur la façade.
À sa droite, une autre tour assez bizarrement représentée.
Peut-être des éléments de broderie ont disparu ?
Image 4 :
Observation d’une comète. Il s’agirait probablement de la
comète de Halley. Le lieu dans lequel se trouvent les
observateurs semble être un cloître, avec, en arrière plan,
l’église. Mais il s’agirait plutôt d’un type de monument
ayant précédé le cloître : une galerie unique formant préau
donnant sur une cour. Avec, à l’extérieur de la cour, une
autre galerie.
Image 5 : Motte
féodale. Il s’agit d’une levée de terre permettant de
fortifier un camp : on creuse un fossé autour de
l’emplacement choisi. La terre enlevée est accumulée à
l’intérieur. Le haut de cette motte de terre est entouré de
palissades, en général en bois. Une longue échelle de bois
enjambant le fossé permet d’accéder au pied de la palissade.
Comme dans l'image 2,
il nous est difficile de savoir quelle est la construction
au-dessus de la palissade.
Image 6 : Cette
église serait la cathédrale de Cantorbéry. On mesure toute
la complexité de la représentation. En effet l’image veut
simultanément montrer l’intérieur de cette église (arcades
de l’intérieur de la nef et de la croisée du transept) et
son extérieur (toit du vaisseau principal de l’église, tour
de croisée du transept). Il y a sans doute là un symbolisme
qui nous échappe. Remarquer les antéfixes du toit de
l’église en forme de tête de dragon. Le modèle de ces
antéfixes se trouve en Norvège, à Borgund et Hopperstad (
voir la page sur les
stavkirker de Norvège).
Image
7 : Cette image représente très probablement un
palais seigneurial ou une « salle de congrès » On y voit au
milieu un palais seigneurial ou communal, avec en
rez-de-chaussée, une colonnade, et, à l’étage, une grande
salle de réception. Le palais ducal de l’abbaye aux Hommes
de Caen pourrait être un exemplaire tardif (du
XIVesiècle) de ce type de monument. Il faut
cependant quitter la Normandie et aller dans les Asturies à
Santa Maria de Naranco à Oviedo pour trouver l’exemplaire le
plus ancien.
Image 8 : On voit
ici deux hommes mettant le feu à un bâtiment à deux étages.
L’étage supérieur est en retrait par rapport à l’étage
inférieur, comme pour les stavkirker. Ici encore on peut
voir des antéfixes sur le pignon des toits.
Image 9 : Le roi
est installé sous un dais. On voit au loin des tours et des
habitations.
L'église
Saint-Martin de Feugerolles-Bully
Nous n’avons pas visité l’église de
Saint-Martin de Bully et nous n’avons pas trouvé sur
Internet d’image de l’intérieur. Sur la façade Sud, on
distingue un appareil en
« arêtes de poisson » (image
10). Mais l’élément le plus intéressant est le
tympan du portail occidental (image
11). Il représente un homme nu entre deux lions à
queue feuillue. C’est l’image classique de « Daniel dans la
fosse aux lions ». Cependant, dans le cas présent, la
représentation est différente. La figure de l’homme est plus
soumise que triomphale. De toute façon, nous pensons que le
symbole de l’homme entre les deux lions est plus fort que
l’histoire biblique de Daniel. Un symbole qui reste à
découvrir. Cette représentation d’un homme entre deux lions
ne se retrouve pas dans l’art roman. Il faut donc envisager
une création préromane que nous situerions vers le IXeou
le Xesiècle. C’est la datation envisagée
pour l’église qui contient ce tympan : an 900 avec un écart
de 100 ans.
L’église
Saint-Nicolas de Caen
Vue de l’extérieur, cette église que
nous n’avons pas eu l’occasion de visiter ne semble pas
présenter un grand intérêt. La façade Ouest est difficile à
dater. Peut être du
XIIesiècle ? D’après le plan de l'image
17, le chevet est constitué par une grande abside à
deux étages (image 15)
et deux petites absidioles insérées dans le mur Est. Il
existe un transept. Des absidioles sont greffées sur les
bras du transept (image
16).
Il est possible que le transept ait été créé postérieurement
à la construction initiale sur deux travées de l’ancienne
nef. On constate sur le plan que la largeur de la nef
correspond à deux travées. On constate par ailleurs qu’il y
a un prolongement entre les vaisseaux de la nef, les
vaisseaux du chœur et les absides du chœur. Si tel est le
cas, cela signifie que l’église primitive est sans doute
préromane.
L'image 18 montre
une nef comparable à celles de Saint-Étienne et de la
Sainte-Trinité : les arcs qui soutiennent les murs latéraux
du vaisseau central sont doubles et en plein cintre. Des
demi-colonnes engagées permettent de soutenir les arcs
doubleaux qui supportent les voûtes d’ogives de la nef, de
construction postérieure. On a vu précédemment que les
églises de Saint-Étienne et de la Sainte-Trinité pouvaient
dater des environs de l’an 1050. Toutes deux auraient été
fondées, la première par le duc Guillaume, la seconde par la
reine Mathilde. Bien que nous ne soyons pas sûrs de la
véracité de cette histoire, et dans l’attente d’une
confirmation par confrontation avec d’autres monuments, nous
adoptons cette datation pour l’église Saint-Nicolas : an
1050 avec un écart de 50 ans.
L’église
Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Falaise
Mais la grande différence avec les églises de Caen réside
dans le fait que, ici, les chapiteaux sont historiés (images 20 à 27). On
voit en effet des animaux ou des hommes dans des situations
difficilement compréhensibles. Certaines scènes sont connues
depuis l’antiquité. Ainsi, les deux quadrupèdes symétriques
entourant un arbre de vie (image
20) font référence aux « oiseaux au canthare » du
IVesiècle. De même pour les oiseaux affrontés
de l'image 23. Les
entrelacs de serpents (images
22 et 25) font penser aux entrelacs barbares.
D’autres scènes sont plus énigmatiques : le montreur d’ours
(image 21),
l’oiseau portant un cheval (image
26), les forgerons (images
24 et 27). Nous pensons que plus une scène est
difficile à interpréter, plus elle est ancienne. En
conséquence, nous estimons la datation de l’église
Saint-Gervais-et-Saint-Protais à l’an 950 avec un écart de
150 ans. Une telle datation correspondrait aux données
historiques : la ville de Falaise aurait été fondée avant
celle de Caen.