La basilique Notre-Dame d’Orcival 

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La page du site Internet Wikipedia consacrée à cet édifice nous apprend ceci : « La basilique Notre-Dame fait partie des 5 églises romanes d'Auvergne dites « majeures », avec la basilique Notre-Dame du Port à Clermont-Ferrand, l'église Saint-Austremoine d’Issoire, l’église de Saint-Nectaire, l’église Notre-Dame de Saint-Saturnin. L'église Notre-Dame d'Orcival fut édifiée entre 1146 et 1178. Au XIe siècle, une église située à l'Est du village accueillait une statue de la Vierge extrêmement vénérée ; une légende prétendait qu'elle avait été sculptée par Saint Luc. Tout porte à croire que la basilique actuelle fut édifiée en raison du succès grandissant d'un pèlerinage. Notre-Dame d'Orcival devint alors le nouveau lieu d'accueil de la célèbre statue, conservée aujourd'hui dans le sanctuaire de l'église, et qui est depuis l'objet d'un pèlerinage annuel, le Jeudi de l'Ascension.

La basilique a été gravement endommagée par les forts séismes qui secouent la région en 1477 et 1490.

La basilique Notre-Dame d'Orcival présente un remarquable chevet roman auvergnat constitué d'un étagement de volumes de hauteur croissante, deux absidioles adossées aux bras du transept, quatre chapelles rayonnantes, le déambulatoire, le chœur, les bras du transept, le « massif barlong » , le clocher octagonal
... ».

Par la suite, la page du site décrit avec une très grande précision ce chevet roman.


Nous rappelons nos doutes en ce qui concerne les datations des églises dites « romanes ». Et, dans le cas présent, la datation indiquée ci-dessus : « L’église Notre-Dame d’Orcival fut édifiée entre 1146 et 1178. ». Cette information donnée sur le ton de la certitude n’est pas étayée. Il est certes possible que des chartes datées de 1146 et de 1178 existent, mais par expérience, nous savons que de telles chartes sont peu explicites en ce qui concerne les constructions proprement dites. Par ailleurs, s’il est une leçon que doit nous apprendre l’actuel site, c’est qu’un bâtiment roman n’a pas été édifié dans son ensemble en 30 ans. On nous objectera sans doute que ce que nous venons de dire semble entrer en contradiction avec une autre de nos idées : tout projet de construction doit être réalisé dans un délai de moins de 30 ans. En fait la contradiction n’est qu’apparente. Le délai de 30 ans ne concerne que la construction initiale ou des ajouts à cette construction initiale, ajouts qui peuvent être postérieurs de plusieurs siècles à la dite construction initiale. Et nous savons, grâce à ce site, que la plupart des bâtiments dits romans ont été modifiés au cours du temps (construction de transepts, remplacement des chevets, voûtements, ...).

En conséquence, et avant même d’étudier plus attentivement les images de cette église, nous affirmons, avec une certitude affichée de plus de 90%, que la datation entre 1146 et 1178 de la construction initiale, est sujette à caution et que, en admettant même qu’une telle datation corresponde à la réalité, l’ensemble de l’édifice n’est pas concerné par cette datation, certaines de ses parties (le clocher, les toitures) pouvant lui être postérieures.


L’auteur du texte de Wikipedia confirme en partie ce que nous venons d’écrire. Il ajoute en effet la phrase, « La basilique a été gravement endommagée par les forts séismes qui secouent la région en 1477 et 1490. ». Si la basilique a été gravement endommagée en 1477 et 1490, elle a été réparée. Il doit exister des restes de ces réparations, restes qui ne peuvent dater de la fourchette (1146, 1178). Nous avouons n’avoir pas vu au cours de notre courte visite de trace de ces réparations.

Nous allons à présent étudier plus attentivement cette église. Examinons tout d’abord son plan (image 1). Nous y voyons un ensemble chœur-transept, réservé aux clercs, à peu près aussi important que la nef réservée aux laïcs. Ce qui apparaît disproportionné par rapport à la pratique usuelle (espace réservé aux laïcs 3 à 4 fois plus important que l’espace réservé aux clercs). D’où l’idée que le chevet a pu être installé après la nef en remplacement d’un chevet plus ancien. Cette idée de construction d’un nouveau chevet en remplacement d’un chevet plus ancien n’a rien d’original. Nombre d’églises ont une nef romane et un chœur gothique, alors que le contraire (nef gothique et chœur roman) est moins répandu.

On constate aussi dans la nef l’alternance des piliers de type R1110 et de type R1111, La présence de piliers de type R1110 fait envisager que le vaisseau central de la nef primitive n’était pas voûté, mais charpenté.


Mais avant de passer à l’étude de la nef, examinons le massif dit « barlong ». C’est à dire le bâtiment situé sous le clocher (images 2 et 3) . Supprimons par la pensée le clocher octogonal, puis prolongeons, toujours par la pensée, vers le centre, les traits des toits en appentis. Que voit-on apparaître ? une maison à plan rectangulaire dotée d’un toit à deux pentes.

Nous pensons que cette « maison » pourrait avoir été l’ancien transept. Plus tard, le clocher aurait été ajouté. Parlons maintenant des églises « majeures » d’Auvergne. Les auteurs en compte cinq (Notre-Dame-du-Port de Clermont, Issoire, Orcival, Saint-Nectaire, Saint-Saturnin), mais il y en aurait eu nettement plus en ajoutant d’autres moins conservées : Mozac, Menat, Châtel-Montagne. Il y a quelque chose de remarquable dans ces « églises majeures » d’Auvergne,  c’est que la plupart sont des églises d’anciens monastères. Pourtant, on ne voit pas dans ces monastères un élément qui nous paraît caractéristique : le cloître. Certes, il existe parfois des cloîtres comme à Menat ou Artonne, mais en nombre réduit, et ils datent d’une époque plus tardive que l’église.

Nous envisageons la possibilité suivante : primitivement, le monastère n’était autre que l’église elle-même. Les moines devaient être logés dans les étages supérieurs des croisillons du transept, du massif « barlong » et de l’ouvrage Ouest (nous pensons qu’il devait exister un ouvrage Ouest qui a été détruit et remplacé par un mur presque aveugle : images 9 et 10). Les déplacements s’effectuaient grâce aux galeries supérieures de la nef (image 14).


Venons-en maintenant à l’étude de la nef. Les images 14, 15 et 16 de l’intérieur de la nef montrent que, primitivement, les piliers devaient être de type R1110. Le vaisseau principal devait être charpenté. Les collatéraux quant à eux étaient voûtés d’arêtes sur doubleaux plein-cintre.

Le vaisseau central qui devait être plus élevé a été voûté ultérieurement. La pose des voûtes, faite à un niveau plus bas, a provoqué l’obstruction des fenêtres supérieures.

Nous pensons que le chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes est plus récent que la nef.

Datation estimée pour ce chevet : an 1150 avec un écart de 50 ans.


L'image 22 de la crypte ne nous permet pas d’envisager une datation de celle-ci. Nous ne pensons cependant pas qu’elle puisse être plus ancienne que le reste des bâtiments.


La plupart des chapiteaux sont à feuillages (images 23, 25, 26). Le chapiteau de l'image 24 représenterait un avare entraîné par deux monstres. Sur le tailloir du chapiteau, une signature : « FOLDIVES ».

Le chapiteau de l'image 27 représente un homme barbu (Dieu) tenant les mains de deux personnages dont le visage a été remplacé par des sortes de feuillages. En voyant ces personnages, on songe aux chapiteaux sculptés de la crypte de Saint-Bénigne de Dijon. Il est possible que ce chapiteau signifie la domination de Dieu représentant la religion sur les puissances temporelles.


Datation envisagée pour la nef de la basilique Notre-Dame d’Orcival : an 1025 avec un écart de 75 ans.



Ajout du 10 janvier 2025

Nous avons pu visiter cette église début juin 2024, en compagnie d'Alain et Anne-Marie Le Stang. Les 15 images suivantes de 31 à 45 ont été prises lors de cette visite. Elles viennent compléter les images précédentes.

Bien que le transept et le chevet soient bien détaillés sur les images de 2 à 6, nous avons ajouté l'image 31 afin de montrer l'importance du transept barlong. La partie située sous le clocher de croisée est ornée d'une belle arcature décorée de colonnettes et de chapiteaux, un décor comparativement plus riche que celui des parties inférieures. Nous avions émis dans le texte ci-dessus écrit précédemment que les parties supérieures de la nef, et, en particulier, celles du transept barlong, pouvaient avoir été utilisées comme locaux monastiques (salle du chapitre, écritoire, bibliothèque, et éventuellement, promenoir (en remplacement du cloître), cuisine, réfectoire, dortoir).

Comparons les images 32, du mur Nord de la nef, et 33, du mur Sud de la nef. On observe dans la partie médiane 3 grands arcs pour le mur Nord, et 4 pour le mur Sud. Les deux façades apparaissent totalement différentes mais il s'agit là en fait d'une différence de décor. La mur Sud est nettement plus orné que le mur Nord. Dans sa partie supérieure, on retrouve le même type de décor (chaque fenêtre est encadrée par une triple arcature) que la partie sous clocher du transept barlong.

La partie supérieure des murs extérieurs Sud et Nord de la nef correspond aux galeries supérieures de la nef visibles sur les images 14, 15 et 16, qui communiquent avec le vaisseau central grâce à des baies géminées (image 37). Il y a donc là, au-dessus de chaque collatéral, une galerie de même largeur que le collatéral. On peut donc envisager que cette galerie n'est pas un simple couloir de communication, mais une grande pièce qui aurait pu servir de dortoir.

Image 36 : Vue de l'église en direction du fond.

Images 34 et 35 : Porte Sud et détail de la ferronnerie. Il faut admirer les détails des ferrures de cette porte. On devrait d'ailleurs plutôt parler de « pentures » pour désigner ce type de ferronnerie composée de bandes de ferraille clouées sur le bois d'une porte. Dans le cas présent, les larges bandes de ferraille ont été travaillées à la forge pour former un ensemble de volutes. Les barres de fer ne sont ni soudées ni vissées. Il s'agit là d'un véritable chef-d’œuvre ignoré par le touriste de passage.


Image 38 : Deux chapiteaux de la nef. Celui de gauche porte une représentation caractéristique que nous avons désignée sous le nom de « monstre protégeant ». La scène en général représentée est celle d'un corps humain ou d'un masque, disposé dans l'angle et dominé par une gueule. Ici la gueule a été remplacée par les ailes de deux oiseaux. Le chapiteau de droite est décoré de grandes feuilles d'acanthe et, au-dessus, des pampres de vigne.

Image 39 : Chapiteaux à entrelacs de feuillages.

Image 40 : Chapiteau aux aigles.

Image 41 : Chapiteaux de feuillages.

Image 42 : Sur ce chapiteau, deux hommes portent des moutons (thème observé auparavant à Besse-en-Chandesse).

Image 43 : Deux chapiteaux du déambulatoire.

Image 44 : Chapiteau à feuillages.

Image 45 : Vierge à l'Enfant. L'image que nous avons ici est un peu plus nette que celle de l'image 30. Grâce à cette netteté, on peut voir que le petit personnage sur les genoux de la Vierge n'a pas les traits d'un enfant, mais plutôt d'un adolescent, voire d'un jeune adulte. On se pose la question : est-ce bien l'Enfant Jésus ? Ce n'est pas Jésus Enfant. Et encore moins Jésus bébé. Cette statue n'est certainement pas une représentation de la Nativité. Par ailleurs, l'Enfant ne porte pas de nimbe crucifère, ni la Vierge d'auréole. Nous pensons que ce type de statue pourrait montrer la Vierge présentant, non pas son Fils, mais l'évêque ou le futur évêque à la communauté des fidèles.


Datation

Nous avions auparavant envisagé pour datation de la nef de la basilique Notre-Dame d’Orcival : an 1025 avec un écart de 75 ans.
Nous proposons à présent : an 1050 avec un écart de 75 ans.