Ancienne cathédrale Sainte-Marie d’Oloron-Sainte-Marie 

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La page intitulée « Cathédrale Sainte-Marie d’Oloron » du site Internet Wikipedia nous apprend ceci : « L'église d'Oloron a été détruite en 848 par les vikings quand ils ont anéanti la cité. C'est au concile de Toulouse que l'évêché et la cité sont relevés. Le comte Centulle a décidé de reconstruire la ville d'Oloron. L'évêque Amat pose la première pierre de l'église Sainte-Croix, vers 1080, à l'emplacement d'un ancien édifice. C'est vers 1102 que le vicomte de Béarn Gaston IV le Croisé décide de construire une nouvelle cathédrale que l'évêque Roger Ier de Sentes commence à bâtir sur la rive gauche du gave d'Aspe. Après sa mort, en 1114, son successeur est Arnaud Ier d'Araux, moine de l'abbaye de Cluny, prieur de Sainte-Foi de Morlaàs. Son successeur, Arnaud II d'Izeste, moine de Cluny, prieur de Sainte-Foi de Morlaàs, lui succède jusqu'en 1168.

Il reste de cette cathédrale du XIIe siècle surtout le portail roman protégé par le clocher-porche ainsi que des éléments dans le transept
. ».

Les dates rapportées par le texte ci-dessus (848, 1080, 1102, 1114, 1168) sont suffisamment précises pour nous permettre de croire à l’existence de chartes écrites aux dates indiquées. Il serait donc intéressant de connaître ces chartes ainsi que leur exacte traduction. En effet, des affirmations telles que « l’église d’Oloron a été détruite en 848 par les vikings quand ils ont anéanti la cité » nous semblent suspectes de partialité. La destruction totale d’un bâtiment, l’anéantissement d’une ville, sont des faits de guerre rares et exceptionnels. Certes, à l’occasion d’un siège, une ville peut être incendiée. Mais une fois le conflit terminé, les dommages sont vite réparés. Si toutefois l’agresseur ne pressent pas dans la réhabilitation du monument ou de la ville un danger ultérieur. Auquel cas, il procède à la destruction systématique de tout ce qui peut constituer un obstacle à sa politique de pacification. Si nous émettons des doutes, c’est parce la destruction de la cité d’Oloron ne correspond pas à l’image qui nous a été donnée des vikings. Ceux-ci seraient des sortes de pirates capables d’attaquer par surprise et de faire des coups de main organisés. Mais ce type de stratégie exige une grande rapidité à la fois dans l’attaque ainsi que dans la retraite. Durant cette opération, l’agresseur n’a certainement pas le temps de procéder à une destruction systématique de la ville.

Cette prise de réflexion effectuée sur la première phrase peut être réitérée sur les phrases suivantes. Ainsi, que cache l’expression « pose la première pierre » ? Faut-il croire que les hommes du XIesiècle avaient les mêmes habitudes que ceux du XXIesiècle ? Poser une première pierre lors de la création d’un monument ? Nous ne le pensons pas. D’où l’utilité d’une traduction exacte du texte relatant l’événement.


Cette critique de texte étant faite, il est fort possible qu’il ne subsiste rien de la cathédrale antérieure à l’an 848. Ou même antérieure à l’an 1000.

Et c’est d’ailleurs ce que nous avons constaté. Nous n’avons pas vu en effet dans l’architecture de cet édifice de traces permettant de remonter à une date inférieure à l’an mille.

Le chevet (image 1) est du XIVesiècle. Il en est de même de certains éléments de l’intérieur (image 14). Le porche monumental (image 3) est, quant à lui, daté du
XIIesiècle.

Le seul indice qui pourrait éventuellement faire remonter la datation se trouve tout à fait en haut de l'image 13. On y voit derrière une baie triple une galerie bordée par une autre baie qui semble nettement plus ancienne que la première.


Il faudrait bien entendu pouvoir visiter cette galerie ainsi que l’ensemble de la tour-porche. Ce afin de vérifier s’il y a bien une plus grande ancienneté.

Cependant, ce n’est pas pour cela que nous étudions cette église, mais à cause de son portail monumental (image 3). Nous avons dit précédemment que ce portail était du XIIesiècle. Comment savons-nous cela ? Parce que nous l’avons lu sur un site Internet. Et si nous avions cherché ailleurs, nous aurions lu la même chose. Cette opinion est unanime. Mais correspond-elle à la réalité ? Ne serait-il pas possible que cette datation ait été lancée une fois et depuis jamais remise en question ? Mais comment aurait été trouvée la première datation ? On aurait tendance à croire que le premier qui l’a émise savait ce qu’il faisait. Mais il est possible que son raisonnement ait été purement élémentaire : les arcs de ce tympan sont en plein cintre, donc le tympan est roman, mais l’art roman date du XIeou du XIIesiècle, et ce tympan a l’air plus évolué, donc il date du XIIesiècle.

Essayons d’être un peu plus objectifs. La partie supérieure du tympan (image 8) est décorée d’une scène de « Déposition de Croix ». Il faut savoir que ce type de scène est extrêmement rare sur un tympan de portail. De fait, c’est la première fois que nous la rencontrons. D’une façon générale, les représentations en rapport avec la Passion de Jésus-Christ sont rares et ne concernent que deux épisodes : la Cène et la Crucifixion. Et des deux scènes, la Crucifixion avec le soldat Longin, apparaît la plus ancienne, du Xeou XIesiècle (d’après des miniatures de manuscrits).

Autant que nous le sachions, les premières représentations de scènes de dépositions de Croix dateraient du XIVeou du XVesiècle. C’est-à-dire après la période dite romane. Il faut bien comprendre que certaines scènes bibliques (la Création, le Péché Originel, la Nativité, l’Adoration des Mages, la Crucifixion, la Résurrection, etc.) sont intemporelles. Elles sont représentées à toute époque. Et ce, parce qu’elles représentent un dogme intangible de la foi chrétienne. D’autres scènes peuvent être représentées plus épisodiquement, en fonction de la conjoncture du moment.

Ainsi au XVesiècle, on voit apparaître de spectaculaires «Mise au Tombeau », ou bien des « Pieta » (la Vierge Marie portant le corps mort de son Fils). Et à la même époque, une plus grande importance est donnée aux obsèques des particuliers. À la même époque aussi, apparaissent des tableaux de « Déposition de Croix ».

En conséquence, ce tympan, à première vue roman du XIIesiècle, pourrait bien être postérieur de plusieurs siècles.

Un autre élément vient à l’appui de cette thèse : la délicatesse de la facture.

Et il y a aussi la hallebarde placée à côté du soldat de l'image 5. Et tant d’autres points de détail, comme les costumes des personnages qui font envisager une autre datation que le XIIesiècle.


Les images de 15 à 18 présentent des sarcophages anthropomorphes dits « mérovingiens » datés du VIeou VIIesiècle.

Cette datation sur deux siècles des sarcophages est susceptible de s’améliorer au fur et à mesure des recherches sur les inhumations. À la différence de notre propre datation, des monuments anciens pour laquelle nous ne disposons pas pour l’heure de moyens d’évaluation scientifique, la datation des ossements peut être effectuée grâce à la méthode du C14. Cette méthode ne constitue pas la panacée car les marges d’erreur sont importantes. De plus, la date des ossements n’est pas forcément la même que celle du sarcophage qui les contient. Cependant, on peut espérer que grâce à un grand nombre de découvertes, les méthodes statistiques permettront d’affiner les datations.

Remarque : nous n’aimons pas du tout le mot « mérovingien », car il fait référence à un peuple qui n’a jamais existé.



Datation de l’édifice

Une fois n’est pas coutume ! nous ne donnerons pas de datation. De toute façon, hormis les sarcophages, aucun élément ne semble être antérieur à l’an mille.

L’important pour nous était de démontrer qu’un portail dit roman ou d’apparence romane ne date pas forcément du XIIesiècle. Il semble que nous ayons réussi à le prouver (ou du moins à avoir de fortes présomptions) en ce qui concerne le portail de Sainte-Marie d’Oloron. Ce « coup de canif » dans une certitude qui semblait avérée permet d’imaginer la possibilité d’autres « coups de canif » pour d’autres portails qui pourraient se révéler antérieurs à l’an mille.