Église Sainte-Croix d’Oloron-Sainte-Marie  

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Dans la page précédente consacrée à la Cathédrale Sainte-Marie d’Oloron, nous avons noté ceci : « L'évêque Amat pose la première pierre de l'église Sainte-Croix, vers 1080, à l'emplacement d'un ancien édifice. ». Nous avons émis quelques doutes sur cette phrase. La pratique bien actuelle de poser une première pierre lors de la construction d’un monument nous semblait difficilement transposable à des monuments plus anciens. Si tel était le cas, c’est-à-dire si la construction d’une église était précédée par la pose d’une première pierre, toute notre recherche serait inutile. Il suffirait de rechercher pour chacune des églises la première pierre de fondation.

Concernant la date de 1080, les documents qui la mentionnent - s’ils existent - doivent être soumis à un examen approfondi.


L’église Sainte-Croix apparaît relativement homogène (images 6 et 7). On note cependant des changements dans les constructions. Ainsi, l'image 12 révèle deux types de construction : sur le mur de gauche, une corniche traverse la fenêtre alors qu’une telle corniche n’existe pas sur le mur de droite. Il semblerait que ce soit le mur de gauche qui ait recouvert le mur de droite. On retrouve la même particularité (deux murs différents juxtaposés) sur l'image 7.

Sur l'image 9, on peut voir les arcs séparant les vaisseaux de la nef. Ce sont des arcs doubles. Nous estimons que ces arcs caractérisent une étape dans l’évolution de l’art roman, l’étape suivante étant le voûtement des vaisseaux. Cette étape associée au doublement des arcs est facilement identifiable, car le doublement des arcs est prévu dès la construction. Par contre, le voûtement des vaisseaux est plus difficilement identifiable, car il arrive souvent que le voûtement ne soit pas prévu dès la création du bâtiment mais effectué plus tard en remplacement d’une charpente.

Nous estimons que le doublement des arcs est une innovation postérieure à l’an 800 et que le voûtement systématique des vaisseaux s’est produit à partir des environs de l’an 1000.

Avec l’église Sainte-Croix, nous sommes en présence d’un édifice à arcs doubles et dont les trois vaisseaux sont voûtés. Selon notre propre estimation, cette église ne peut être que postérieure à l’an 800. Le problème est à présent de déterminer si le voûtement a été prévu dès l’origine - auquel cas elle serait postérieure à l’an 1000 - ou si elle était primitivement charpentée - auquel cas elle serait antérieure à l’an 1000 -. Les dates indiquées de l’an 800 et de l’an 1000 devant être considérées comme approchées avec une marge d’erreur de plus de 50 ans.


Dans le chapitre « Datation/ Les évolutions dans l’architecture des monuments du Premier Millénaire », nous avons étudié dans le détail les transformations successives faisant passer de la basilique romaine charpentée à la basilique romane voûtée. Ce passage n’a pas été simple. Dans une nef à trois vaisseaux d’une basilique romaine, il y a un décrochement entre le toit à deux pentes du vaisseau central et les toits des collatéraux. Ce décrochement permet la pose de fenêtres supérieures pour éclairer la nef. Si on décide de poser une voûte en remplacement de la charpente, on est confronté au problème suivant : le poids de cette voûte se porte tangentiellement au sommet des murs latéraux, qui risquent de céder à la pression.

Les solutions à ce problème sont nombreuses mais pas toujours très satisfaisantes (renforcement des murs, rétrécissement de la largeur des vaisseaux, abaissement des murs latéraux). Prenons par exemple l’abaissement des murs latéraux du vaisseau central. Il permet certes de poser une voûte, mais inversement, il occulte les fenêtres supérieures. C’est ce que l’on voit sur l'image 7 : une très belle voûte, mais pas de fenêtre supérieure et, en conséquence, une nef peu éclairée.

En conséquence, l’architecte qui a voulu voûter une nef qui était primitivement charpentée a été obligé de faire des choix, tant sur le plan architectonique que sur le plan esthétique. Les réussites ou les échecs des expériences de voûtement ont servi d’exemples pour la construction d’églises nouvelles.

Qu’en est-il de l’église Sainte-Croix ? S’agit-il d’une église antérieure à l’an mille qui a été postérieurement voûtée ? Ou au contraire s’agit-il d’une église nouvelle (pour l’époque) qui a été conçue dès l’origine pour être voûtée ?

Remarquons tout d’abord qu'extérieurement, les trois vaisseaux sont couverts par un toit à deux pentes (image 5).

Les images 10, puis 11, prises du collatéral, font apparaître ce qui semble être une faute sur le plan esthétique. Il existe un décrochement des corniches placées au dessus des chapiteaux de gauche et de droite. Nous pensons être en présence d’un de ces « choix » de l’architecte. Pour faciliter le voûtement du collatéral, il a préféré faire une faute sur le plan esthétique. Cela signifie-t-il pour autant que l’édifice était primitivement charpenté ? Nous ne le pensons pas. En fait, on s’aperçoit sur cette image 11 que tous les chapiteaux sont semblables, sans être parfaitement identiques. L’église semble avoir été construite en une seule étape de travaux (avec cependant quelques modifications ultérieures signalées ci-dessus).


Hormis le chapiteau de l'image 19, les chapiteaux de la nef ne sont pas historiés, alors que ceux de l’abside (images 15, 16 et 17) le sont. Cela signifie-t-il que l’abside et la nef appartiennent à des époques différentes ? Nous n’en sommes pas certains. Il est possible que l’abside, occupée par les clercs, ait eu un traitement décoratif spécial différent de celui de la nef (remarque : il ne faut pas se fier aux peintures criardes des chapiteaux : elles ont été faites au XIXesiècle).



Datation de l’église Sainte-Croix

Nous pensons que l’église Sainte-Croix a été construite en une seule étape de travaux, étape qui a peut-être duré plusieurs décennies car, autant qu’on en puisse juger sur ces images, la construction témoigne de certaines hésitations.

Le voûtement s’avère imparfait (vaisseau central abaissé). Ceci signifie qu’on est dans une période de recherche. Nous estimons que le voûtement ne sera pleinement acquis que peu avant l’an 1100, avec la construction de Vézelay. L’église de Vézelay est, par ses dimensions, nettement plus importante que l’église Sainte-Croix.

Nous avons parlé précédemment de la date de 1080 pour la « pose de la première pierre » de l’église Sainte-Croix. La nef de Vézelay était au moins en grande partie construite au moment de la prédication de la croisade, en 1096. Ceci signifie que les plans de cet édifice avaient été conçus bien avant, vers 1080. Il nous est difficile d’admettre que, alors que l’on savait construire des églises romanes très évoluées en Bourgogne, on était incapable de réaliser la même chose dans les Pyrénées. Nous estimons donc que la création de Sainte-Croix est bien antérieure à 1080. Notre évaluation est : an 1025 avec un écart de plus de 50 ans.