Cathédrale Notre-Dame du Réal à Embrun 

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Nous rappelons que, bien que ce chapitre sur les monuments soit consacré à l’étude d’édifices du premier millénaire, nous pouvons être amenés à décrire certains édifices postérieurs à l’an mille d’un siècle, voire même deux. Et ce, afin de bien faire apparaître les différences architecturales entre des édifices appartenant à des siècles différents.

C’est ce qui s’est passé concernant la Cathédrale Sainte-Marie d’Embrun.


Selon la page du site Internet Wikipedia consacrée à cette église, elle aurait été construite « entre 1170 et 1225, époque de transition entre le style roman et le style gothique ». Sur quels documents se base le rédacteur de cette page Internet ? Nous l’ignorons. Cependant, une telle datation est possible. Les images de 1 à 4 de l’extérieur montrent que cet édifice est bien un édifice de transition entre le roman et le gothique. Ainsi sur l'image 1, les arcs en plein cintre sont romans. Par contre, la grande rosace est gothique.



Cependant, l'image 5 de la nef montre (selon nous) que la voûte gothique pourrait être postérieure à l’an 1225. Il est cependant possible que la voûte ait été installée ultérieurement à une construction initiale, mais nous n’avons pas de certitude là-dessus.

Il y a en Italie, plus particulièrement en Lombardie, un style tout particulier de porches (image 10). Leur voûte est portée par de fines colonnettes reposant sur des torses de lions (images 12 et 13). Nous nous sommes posés il y a plusieurs années la question de leur datation. La scène nous semblait trop primitive. Par ailleurs, nous n’en comprenions pas le symbolisme. Nous partons du principe que plus une représentation est incompréhensible, plus elle est ancienne. Aussi, nous avions envisagé que cette représentation pourrait être antérieure à l’an 1000. Mais ce n’est pas le cas ici. D’une part, nous constatons que, pour cette cathédrale, l’arc doubleau soutenant la voûte est légèrement brisé (image 10). C’est encore plus flagrant pour le porche de l’église voisine du village de Guillestre (Hautes Alpes) (image 17). En conséquence, on peut dater ce type de porche de la fin du XIIe siècle ou début du XIIIe siècle. Il est cependant possible qu’il reproduise un modèle antérieur. Mais après avoir vu ces deux porches, nous doutons que les porches les plus anciens du même type puissent être antérieurs à l’an mille. Cela étant, la question de leur signification continue à se poser. Nous sommes en effet persuadés que les œuvres d’art du Moyen-Âge ne doivent pas être interprétées comme on explique certaines œuvres d’art contemporain : beaucoup de verbiage et de logorrhée, le tout assorti d’une indication du prix de l’œuvre et de la cote du créateur, mais avec le principe de base de ne pas chercher à comprendre. Nous pensons que les œuvres du Moyen-Âge devaient avoir une signification comprise de tous. Nous nous doutons bien sûr que l’image du lion, tantôt agressif, tantôt protecteur, doit représenter le pouvoir temporel. Mais nous avons l’impression qu’un texte nous manque pour expliquer l’ensemble. Par comparaison, d’autres scènes comme la représentation d’un homme et d’une femme nus, ou d’une femme dialoguant avec un homme doté d’une paire d’ailes, représentations fréquentes au Moyen-Âge, sont immédiatement explicables : dans le premier cas, c’est le « Paradis Terrestre », dans le second cas , c’est « l’Annonciation ». Et ce, parce qu’il existe un texte appelé la Bible qui parle de ces deux événements, et de nombreux commentaires qui justifient l’importance de ces deux événements. En l’absence de ces textes, ces deux scènes seraient plus incompréhensibles encore que les sculptures de lions.


Les images 20 et 21 montrent que le chevet est décoré d’arcatures lombardes. Mais il faut noter que ces arcatures lombardes sont très différentes de celles déjà vues au Nord et au Sud des Pyrénées. Nous pensons que vu le grand nombre d’édifices à arcatures lombardes, leur construction s’est étalée sur plusieurs siècles. Nous serions ici en présence d’une des dernières étapes de ce type de décor. Nous le datons de la deuxième moitié du XIIesiècle.

Nous avons dit auparavant que les voûtes gothiques pourraient avoir été installées ultérieurement. Cette hypothèse semble être confirmée par l'image 21. On y voit en effet que le mur pignon du vaisseau central est distinct du mur Est du collatéral.

Malgré ce, nous ne pouvons faire remonter de beaucoup la datation de cette cathédrale. En revenant à l'image 5, nous constatons que les arcs qui soutiennent les murs gouttereaux du vaisseau central sont doublés et brisés. Selon notre estimation, ils ne peuvent être antérieurs à l’an 1100 et dateraient plutôt de la deuxième moitié du
XIIesiècle.

Datation que nous proposons pour cette cathédrale : an 1080 avec un écart estimé de 50 ans.