Cathédrale Notre-Dame du Réal à Embrun
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Nous rappelons que, bien que ce chapitre sur les monuments
soit consacré à l’étude d’édifices du premier millénaire,
nous pouvons être amenés à décrire certains édifices
postérieurs à l’an mille d’un siècle, voire même deux. Et
ce, afin de bien faire apparaître les différences
architecturales entre des édifices appartenant à des siècles
différents.
C’est ce qui s’est passé concernant la Cathédrale
Sainte-Marie d’Embrun.
Cependant, l'image
5 de la nef montre (selon nous) que la voûte
gothique pourrait être postérieure à l’an 1225. Il est
cependant possible que la voûte ait été installée
ultérieurement à une construction initiale, mais nous
n’avons pas de certitude là-dessus.
Il y a en Italie, plus particulièrement en Lombardie, un
style tout particulier de porches (image
10). Leur voûte est portée par de fines
colonnettes reposant sur des torses de lions (images
12 et 13). Nous nous sommes posés il y a
plusieurs années la question de leur datation. La scène nous
semblait trop primitive. Par ailleurs, nous n’en comprenions
pas le symbolisme. Nous partons du principe que plus une
représentation est incompréhensible, plus elle est ancienne.
Aussi, nous avions envisagé que cette représentation
pourrait être antérieure à l’an 1000. Mais ce n’est pas le
cas ici. D’une part, nous constatons que, pour cette
cathédrale, l’arc doubleau soutenant la voûte est légèrement
brisé (image 10).
C’est encore plus flagrant pour le porche de l’église
voisine du village de Guillestre (Hautes Alpes) (image
17). En conséquence, on peut dater ce type de
porche de la fin du XIIe siècle ou début du XIIIe siècle. Il est cependant possible qu’il
reproduise un modèle antérieur. Mais après avoir vu ces deux
porches, nous doutons que les porches les plus anciens du
même type puissent être antérieurs à l’an mille. Cela étant,
la question de leur signification continue à se poser. Nous
sommes en effet persuadés que les œuvres d’art du Moyen-Âge
ne doivent pas être interprétées comme on explique certaines
œuvres d’art contemporain : beaucoup de verbiage et de
logorrhée, le tout assorti d’une indication du prix de
l’œuvre et de la cote du créateur, mais avec le principe de
base de ne pas chercher à comprendre. Nous pensons que les
œuvres du Moyen-Âge devaient avoir une signification
comprise de tous. Nous nous doutons bien sûr que l’image du
lion, tantôt agressif, tantôt protecteur, doit représenter
le pouvoir temporel. Mais nous avons l’impression qu’un
texte nous manque pour expliquer l’ensemble. Par
comparaison, d’autres scènes comme la représentation d’un
homme et d’une femme nus, ou d’une femme dialoguant avec un
homme doté d’une paire d’ailes, représentations fréquentes
au Moyen-Âge, sont immédiatement explicables : dans le
premier cas, c’est le « Paradis Terrestre », dans le second
cas , c’est « l’Annonciation ». Et ce, parce qu’il existe un
texte appelé la Bible qui parle de ces deux événements, et
de nombreux commentaires qui justifient l’importance de ces
deux événements. En l’absence de ces textes, ces deux scènes
seraient plus incompréhensibles encore que les sculptures de
lions.
Les images
20 et 21 montrent que le chevet est décoré
d’arcatures lombardes. Mais il faut noter que ces arcatures
lombardes sont très différentes de celles déjà vues au Nord
et au Sud des Pyrénées. Nous pensons que vu le grand nombre
d’édifices à arcatures lombardes, leur construction s’est
étalée sur plusieurs siècles. Nous serions ici en présence
d’une des dernières étapes de ce type de décor. Nous le
datons de la deuxième moitié du XIIesiècle.
Nous avons dit auparavant que les voûtes gothiques
pourraient avoir été installées ultérieurement. Cette
hypothèse semble être confirmée par l'image
21. On y voit en effet que le mur pignon du
vaisseau central est distinct du mur Est du collatéral.
Malgré ce, nous ne pouvons faire remonter de beaucoup la
datation de cette cathédrale. En revenant à l'image
5, nous constatons que les arcs qui soutiennent les
murs gouttereaux du vaisseau central sont doublés et brisés.
Selon notre estimation, ils ne peuvent être antérieurs à
l’an 1100 et dateraient plutôt de la deuxième moitié du
XIIesiècle.
Datation que nous
proposons pour cette cathédrale : an 1080 avec un écart
estimé de 50 ans.