L’abbatiale de Landévennec 

• France    • Bretagne    • Article précédent    • Article suivant    


Les ruines de l’abbatiale de Landévennec

Nous pouvons donner quelques renseignements sur cette abbatiale grâce à la visite minutieuse effectuée cette année par Alain et Anne-Marie Le Stang. Des panneaux explicatifs jalonnent l’itinéraire de visite, devant permettre d’identifier les structures découvertes lors des fouilles. Nous avons cependant constaté que les colorisations associées aux légendes des plans sont illisibles et que, en conséquence, l’interprétation se révèle très délicate.

Texte d’un panneau indicatif concernant la partie haute de la nef visible au premier plan de l'image 4 : « La nef, partie haute : La nef romane, dans sa partie supérieure a fait l’objet, à la fin du XIXesiècle d’une tentative de mise en valeur par le comte de Chalus, propriétaire des lieux. Afin de ménager des espaces propres à recevoir des plantes, quelques piliers furent rebâtis. Les bases des colonnes abîmées ou disparues, furent remplacées par des interprétations libres : grappes de raisin, ancre de marine, sans aucun rapport avec l’iconographie romane. Seul le premier pilier à droite est d’origine.

La restauration effectuée de 1984 à 1987 respecte le parti adopté il y a un siècle par le Comte de Chalus.

Au-delà du quatrième pilier, la nef est barrée par un mur transversal qui marque une rupture de niveau du sol. Ce mur correspond à la façade de l’église carolingienne,
IXe , Xesiècles
. ».

Les images 5 et 6 font apparaître les grappes de raisin introduites au XIXesiècle. Par contre, le chapiteau à entrelacs de l'image 7 semble, lui, être d’origine préromane.


Autre texte d’un panneau indicatif concernant la partie basse de la nef visible sur l'image 8 : « La nef, romane, XIe, XIIesiècles : Vers la fin du XIesiècle, semble-t-il, la communauté de Landévennec entreprend d’agrandir l’église abbatiale. La France à cette époque se couvre d’un « blanc manteau d’églises » - le monastère vit une période d’équilibre. La grande abbaye de Fleury Saint-Benoït-sur-Loire qui abrite les reliques du père des moines d’Occident ainsi que celles de Saint-Pol-Aurélien, exerce une grande influence sur la Bretagne.

L’abbatiale de Landévennec se dote d’un transept et d’un chœur à déambulatoire et à chapelles rayonnantes. La nef est prolongée vers l’Ouest, malgré les difficultés posées par la topographie. La petite église des origines est abandonnée, sa nef voûtée d’arêtes abritera désormais la sacristie ; un mausolée est bâti à l’angle Sud-Ouest de la croisée du transept, sans doute sépulture seigneuriale dont la tradition fait le tombeau du roi Gradlon.

Piles et colonnes engagées sont dotées de chapiteaux et des bases ornées de motifs qui puisent dans un corpus de formes et de thèmes que l’on ret
rouve à la même époque dans d’autres églises de Bretagne : entrelacs, palmettes, fougères, etc. Quelques chapiteaux montrent un décor historié, traité de façon fruste. ».

Quelques clics sur Internet suffisent à montrer que l’expression, « La France à cette époque se couvre d’un blanc manteau d’églises » a été écrite par le moine Raoul Glaber mort vers 1047. C’est à dire plus de 50 ans avant la « fin du XIesiècle ». censée dater cette nef romane.


Autre panneau explicatif : « L’église carolingienne IXesiècle : Il semble que la construction de la « grande église » carolingienne, que les fouilles dégagent peu à peu, ait été entreprise à la suite de l’Édit de Louis le Débonnaire.

Elle se réalisera en deux campagnes de travaux. Son achèvement sera marqué par le transfert à partir de la « petite église » antérieure, des reliques de Saint Gwénnolé qui seront déposées dans un tombeau dressé dans le chœur.

Une architecture de bois a vraisemblablement recouvert le tombeau, ménageant un accès visuel ou physique à la « confession » du père des moines de Bretagne ..
. ».

Nous n’aimons pas les mots, « mérovingien », et, « carolingien »,. Le premier laisse penser qu’il existait un peuple mérovingien. Ce qui n’est pas le cas. Quand au second qui fait allusion à la dynastie des « Charles » (Charles Martel, Charlemagne, Carloman, Charles-le-Chauve …), il nous amène à croire que les « Charles » ont été des éléments essentiels dans la politique générale durant la période VIIIe, IXe, Xesiècles. Or ce n’est pas le cas. Si l’on en croit la légende locale, l’abbaye de Landévennec aurait été fondée par Saint Gwénnolé, issu des Îles Britanniques. Même si cette légende est susceptible d’être remise en question, il est douteux que les rois de France et à leur suite les empereurs d’Allemagne, résidant hors de Bretagne, soient intervenus dans la fondation de l’abbaye de Landévennec.

Nous aimerions en savoir davantage sur la « grande église » qui nous est révélée par la phrase, « Il semble que la construction de la « grande église » carolingienne, que les fouilles dégagent peu à peu, ait été entreprise à la suite de l’Édit de Louis le Débonnaire. ». Il est probable que la connaissance de cette « grande église » ait été apportée grâce à des textes anciens.


Un dernier panneau explicatif nous donne des précisions sur la sacristie (images 13 et 14) : « Sacristie : Ce local, autrefois voûté d’arêtes, a servi successivement de sacristie du XIIeau XVIesiècle et de buanderie au XVIIesiècle. Il se trouve placé au cœur de ce qui semble avoir été le sanctuaire du premier monastère. Peut-être s’agit-il de la nef de la « petite église » où, selon Gurdisten (IXesiècle) Saint Gwénnolé fut d’abord inhumé avant que ses reliques ne soient déposées dans le chœur de la grande église où le tombeau est toujours visible. Des maçonneries apparaissent sous les murs romans ... »

Cette fois-ci encore, les informations que ces panneaux explicatifs sont censés nous apporter se révèlent peu éclairantes. Nous avons essayé de rechercher quelles pouvaient être les parties anciennes sur le plan de fouilles de l'image 14. Sous toutes réserves, le résultat est reproduit sur l'image 15. On devine le plan d’une petite église à nef rectangulaire et chevet carré. Le pan de mur qui sépare les deux pièces pourrait être une simple banquette. Quant aux pans de murs extérieurs, on pense à des bases de contreforts. Mais, nous le répétons, tout cela est sous réserve d’un examen plus approfondi.

Le texte nous signale que cette « petite église » existait au IXesiècle, « selon Gurdisten ». Le même texte ne la date pas. Pourtant, si on en croit la légende, le monastère de Landévennec aurait été fondé par Saint Gwénnolé au Vesiècle. Il serait logique pour les conservateurs du lieu d’affirmer que l’on est en présence de l’abbatiale primitive de Saint Gwénnolé. Même s’ils risquent de tricher un peu avec la vérité historique. Au lieu de cela, ils risquent d’accréditer l’idée d’une église du IXesiècle. Pourtant cette église, malgré sa petitesse, pourrait bien être l’abbatiale primitive. Il faut savoir en effet que, aux premiers temps du christianisme, les monastères étaient constitués de cénobites. Ces cénobites étaient des moines qui vivaient comme des ermites mais, à la différence de ceux-ci, ils n’étaient pas isolés mais en relation avec une communauté. Les liens avec cette communauté pouvaient être relativement lâches mais réguliers. Actuellement, certains monastères d’Orient sont formés de communautés de cénobites : certains moines vivent réellement en communautés, tandis que d’autres logent à l’écart, mais reviennent au monastère pour les célébrations du dimanche ou des grandes fêtes religieuses. Ces monastères des premiers temps du christianisme étaient tous différents des monastères du VIIIesiècle. Lesquels préfigurent les monastères romans (grande abbatiale, salle capitulaire, cuisine, réfectoire, dortoirs, cloître). Les premiers monastères présentaient un aspect inorganisé : un centre formé d’une petite église, faisant aussi office de salle capitulaire, et de quelques petits bâtiments indifférenciés. Avec, dispersés aux alentours, des cellules de cénobites.. La « petite église » citée plus haut pourrait bien correspondre à l’église principale du monastère primitif.

La « grande église » dite carolingienne pourrait correspondre à la nef de l’église basse (image 3). L’église haute aurait été ajoutée à une date plus tardive. Si les restaurations faites au XIXesiècle n’ont pas modifié l’ordonnancement des piliers, ceux-ci devaient être de type R1110 (image 5). Ce qui signifié selon nous que les collatéraux de la nef étaient voûtés et que le vaisseau principal était charpenté. Cette grande nef, homogène dans sa partie haute, était prolongée par un transept débordant. L’ensemble nef-transept daterait selon nous des environs de l’an mille.

Le chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes aurait été installé plus tard (fin XIesiècle ?) en remplacement d’un chevet plus ancien. À quoi voyons-nous cela ? D’une part, nous avons constaté en d’autres occasions que les chevets à déambulatoire et chapelles rayonnantes étaient d’invention tardive dans l’art roman (fin du
XIesiècle).

D’autre part nous pouvons voir (image 3) que les chapelles rayonnantes du chevet sont dotées de grandes ouvertures. Ce n’est pas le cas de la chapelle du croisillon Nord du transept. L’apport d’un maximum de lumière est aussi une invention tardive de l’art roman.



Le musée de l’abbaye


Ce musée comporte de nombreuses pièces intéressantes, bien que pour la plupart, ce ne soient que des copies d’originaux visibles dans d’autres musées.

Image 21 : Croix pectorale des abbés de Saint Mathieu - VIIIesiècle (Fac-similé. L’original é été probablement sculpté dans un ivoire de morse). Nous sommes très intéressés par l’information : cette croix est du VIIIesiècle (ce qui signifie pour nous la datation : an 750 avec un écart de 50 ans. Alors que nous aurions proposé une datation beaucoup plus large. Par exemple : an 750 avec un écart de 150 ans. Cette datation très précise du VIIIesiècle peut nous servir. Car celui qui l’a écrite doit savoir pour quelles raisons il a proposé cette datation. Et éventuellement la justifier. Quant à nous, nous cherchons à dater les croix pattées de Bretagne. Cette croix est pattée. Le crucifix qu’elle porte est en attitude d’orant. Bien que son torse soit nu, il est vêtu d’un pagne dans sa partie inférieure. Sa tête n’est pas ceinte d’une auréole.

Image 22 : Sarcophage en bois. Nous n’avons pas d’information sur la datation de ce sarcophage qui doit pourtant être relativement facile à  établir par dendrochronologie ou analyse du C 14. Un panneau explicatif apporte cependant les précisions suivantes : « À gauche du porche d'entrée de l'église abbatiale carolingienne, une chapelle funéraire a abrité trois sarcophages en bois taillés dans un tronc d'arbre. Lors de la construction de l'église romane, dans la seconde moitié du XIe siècle, les travaux de fondation d'un pilier de la nef permirent la découverte de deux de ces sarcophages ... Le troisième se trouvait situé entre le pilier et le mur de l'église ... »

Image 23 : Ce chapiteau se révèle intéressant à cause du quadrupède vu verticalement. On observe au-dessus de ce quadrupède des volutes encadrant une sorte de triangle isocèle à angle très pointu.

Les images suivantes 24 à 31 font apparaître le même type de structure : des volutes encadrant un triangle. On pourrait penser qu’il s’agit là d’une ornementation répétitive sans lien direct avec une quelconque volonté d’exprimer un symbole. L'image 30 nous montre que ce n’est pas le cas, car nous avons là une représentation humaine très stylisée : un homme assis avec mains et pieds recroquevillés. Si les volutes ne semblent pas faire partie du personnage, le triangle qu’elles encadrent est bien une tête humaine. On retrouve des formes analogues, bien que moins faciles à identifier, sur les images 28 et 29.

Le chapiteau de l'image 26 est un peu différent des trois précédents. Nous y voyons cependant dans la partie centrale des palmes dressées faisant penser à un homme aux bras levés en attitude d’orant.


Sur l'image 27, apparaissent en dessous des volutes des petites fleurs faisant penser à des croix pattées.

Sur les images 28 et 29, apparaissent des croix dont les branches latérales et la branche supérieure sont pattées. Et dont la branche inférieure est droite. On retrouve des croix de formes analogues dans les croix de chemins du Finistère.

Le chapiteau de l'image 32 est tout à fait différent des autres. Il s’agit d’un chapiteau cubique de type rhénan.

Sur le chapiteau de l'image 33, on peut voir une femme portant une longue robe. Elle tient d’un côté une croix pattée hampée, et de l’autre, un rameau symbolisant sans doute l’arbre de vie. À remarquer que ce rameau ressemble à ceux des piliers de la crypte de Lanmeur (voir la page suivante).


Quant aux images 34, 35 et 36, ce sont des fac-similés de manuscrits anciens ayant été rédigés dans l’abbaye de Landévennec. Ces manuscrits s’apparentent fortement à des manuscrits irlandais. Nous pensons même que, au vu des différences existant entre les manuscrits irlandais comme le livre de Kell et le livre de Durrow, ces manuscrits bretons peuvent être considérés comme « irlandais » ou faisant partie d’un ensemble de manuscrits des îles britanniques.

Remarque
: le livre de Kells est daté des environs de l’an 800 et le livre de Durrow des alentours de l’an 700.