L’église Saint-Pierre-aux-Liens de Lamber (Ploumoguer) 

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Nous avons trouvé quelques renseignements sur cette église dans un site Internet sur le patrimoine de l’Iroise :

« Lamber, qui fut autrefois une trève de la paroisse de Ploumoguer, est une paroisse autonome depuis 1842. Pendant la Révolution, ce fut même une commune à part entière. Son nom breton est « Lann Per », c'est-à-dire « Monastère de Pierre ». Selon la tradition, au début du VIe siècle, Saint Pol Aurélien débarqua de Grande Bretagne à Ouessant, puis à Lampaul-Plouarzel où il fonda le monastère du Prieuré. Il passa ensuite à Lamber et confia à l'un de ses disciples appelé Pierre le soin d'y diriger une nouvelle communauté. Pol Aurélien séjourna ensuite à Lampaul-Ploudalmézeau puis à Kastell-Paul, aujourd'hui Saint-Pol-de-Léon, dont il fut le premier évêque. Le monastère de Lamber était sans doute situé de l'autre côté de la fontaine. Les restes d'un bâtiment à couloir central y furent retrouvés en 1930.

L'église actuelle est dédiée à l'apôtre Saint Pierre. Il s'agit vraisemblablement d'une confusion entre le disciple du Christ et le fondateur du monastère qui portait le même prénom. L'édifice date du XIe siècle, mais a subi d'importants remaniements. La fontaine, que surveille une petite statuette de Saint Pierre, pourrait avoir déjà fait l'objet d'un culte bien avant d'être christianisée.
»

Un de nos amis nous disait récemment que le métier d’historien exigeait une très grande humilité. Bien souvent, une affirmation péremptoire à partir d’un document pouvait être mise en défaut par la découverte d’un autre document. Il appartenait alors à l’historien d’admettre humblement son erreur ... ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.

Mais cette attitude humble de l’historien soucieux de ne pas dénaturer la vérité historique a une conséquence : l’exigence qu’il a vis-à-vis de lui-même, il doit l’avoir aussi vis-à-vis des autres historiens. Et donc l’esprit critique qu’il est en droit d’exprimer vis-à-vis de leurs travaux peut-être interprété comme de l’orgueil, une jalousie malsaine. S’il veut respecter la vérité historique, il est obligé de développer une grande prudence vis-à-vis des textes de ces auteurs.

Essayons d’examiner le texte ci-dessus. Commentons en particulier le début de phrase « Selon la tradition, au début du VIesiècle, ... » Qu’est-ce donc que la tradition ? Il existe en fait deux types de tradition : la tradition par transmission orale et la tradition par transmission écrite. Nous estimons que, concernant la tradition par transmission orale, la vérité n’excède pas le siècle et demi, soit environ 6 générations. Ceci signifie que des événements qui se sont passés il y a plus d’un siècle et demi, et qui nous sont connus seulement par transmission orale, sont fortement entachés d’erreurs. C’est bien le cas pour la plupart d’entre nous. Vivant en 2019, nous pouvons raconter des événements qui se sont produits durant la guerre de 1939-1945 et qui nous ont été racontés par des parents ou des grands-parents. Plus difficilement des événements qui se sont produits durant la guerre de 1914-1918, car les témoins directs ont tous disparu. Et, si nous sommes privés de sources écrites, aucun événement de la guerre de 1870.

La transmission écrite est, quant à elle, plus fiable. Mais faut-il y attacher le même prix que lui accordent nombre d’historiens ? Nous ne le pensons pas !

Revenons à la phrase : « Selon la tradition, au début du VIesiècle (en l’an 517, selon un autre site Internet), Saint Paul Aurélien débarqua de Grande-Bretagne à Ouessant, ... » . Comment sait-on cela ? Probablement par la Vita, ouvrage en latin composé en 884 par Gurmnoroc, prêtre et moine de Landévennec. Très probablement Gurmnoroc s’est fait l’écho d’une transmission orale qui, si l’on fait le calcul 884-517 = 367, était vieille de 367 ans. Soit deux fois plus que le temps (150 ans) de perte de crédibilité d’une histoire. Il y a donc de fortes chances que dans son ensemble l’histoire de la vie de Saint Paul Aurélien avec son débarquement à Ouessant, son passage à Lampaul-Plouarzel, puis Lamber, puis Lampaul-Ploudalmézeau, et enfin Saint-Pol-de-Léon, soit fausse. Et il est possible que ce périple de Saint Paul Aurélien ait été écrit, non pour raconter des événements réels dont on a eu connaissance par transmission orale, mais pour justifier des possessions de l’abbaye de Landévennec à Ouessant (Lampaul, port de cette île), Lampaul-Plouarzel, Lamber, Lampaul-Ploudalmézeau, île de Batz. Une telle hypothèse peut sembler iconoclaste. Mais le comportement global des communautés monastiques du Moyen-Âge vis-à-vis des saints et de leurs reliques susceptibles d’attirer des pèlerins (bagarres, vols de reliques, commerce de souvenirs ou de grigris, ....) la justifie.


Les images 1, 2 et 3 nous permettent de découvrir une belle croix pattée. Aucun renseignement ne nous a été donné sur cette croix. Est-elle d’origine ? Une origine que nous devrions situer au milieu du premier millénaire. Si c’est le cas, son état de conservation associé à sa faible épaisseur est surprenant. Nombre de croix pattées datées de la même époque sont beaucoup plus dégradées que celle-ci.

À l’extérieur (image 4), l’église apparaît dépourvue d’intérêt.

En pénétrant à l’intérieur, on découvre une nef à trois vaisseaux réunis sous un seul toit à deux pentes.

Il s’agit d’une nef basilicale portée par des piliers rectangulaires dont les angles ont été biseautés. Sans cette dernière remarque (angles biseautés), on se trouverait en présence d’une église à plan basilical analogue à Saint-Aphrodise ou la Madeleine de Béziers. Mais l'image 11 est révélatrice. On y découvre de part et d’autre de l’angle biseauté une fresque dont certains éléments, comme la tête humaine en haut de l'image 12, sont datables du XVesiècle. La coupure de la fresque est nette. Ce qui signifie que, à l’origine, l’angle n’était pas biseauté et que les piliers étaient à plan rectangulaire, comme à Saint-Aphrodise ou la Madeleine de Béziers. Nous estimons que, dans l’évolution de la basilique romaine, ces deux dernières basiliques sont plus proches de la basilique romaine que de la basilique romane. Et il doit en être ainsi de la basilique de Lamber.

Datation estimée pour l’église Saint-Pierre-aux-Liens de Lamber : an 700 avec un écart de près de 200 ans.


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