La crypte de l’église Saint-Mélar de Lanmeur
La crypte de Saint Mélar est intimement reliée à l’histoire (ou la légende) de Saint Mélar. Son père, Saint Miliau, était roi de Domnonée (la Domnonée aurait été un royaume englobant en Bretagne, le Léon et le Trégor, et, de l’autre côté de la Manche, le Dévon). Miliau aurait été assassiné par son frère Rivod, comte de Cornouailles. Rivod aurait par la suite cherché à assassiner le jeune Mélar. Après diverses péripéties, Mélar aurait été décapité. Son corps aurait été enterré dans la crypte de Saint Mélar.
Nous conseillons au lecteur désireux d’obtenir davantage
d’informations sur la légende de Saint Mélar de consulter le
site Internet :
http://www.infobretagne.com/lanmeur-melar-crypte.htm
Nous pensons que toute légende détient une part de vérité.
En l’occurrence, il n’est pas du tout irréaliste d’envisager
qu’un roi et son fils aient pu être assassinés par un des
membres de leur famille dans l’intention d’usurper le
pouvoir. Les écrits de Grégoire de Tours pour le Haut
Moyen-Âge ou les pratiques de certains rois anglais pour le
Moyen-Âge ou la Renaissance nous révèlent que de tels actes
ont pu exister. On peut aussi envisager tout aussi
raisonnablement que la ferveur populaire, assortie à la
haine éprouvée à l’encontre du nouveau roi, ait transformé
les innocents en martyrs, puis en saints.
Concernant la crypte de Saint-Mélar,
voici ce que nous apprend le site Internet précédemment
nommé :
« L'Église paroissiale
de Lanmeur abrite sous son sanctuaire le plus ancien
monument religieux de toute la Bretagne bretonnante :
c'est la crypte de Saint Mélar, laquelle remonte jusqu'au
VIe siècle, et que la tradition populaire
regarde comme le tombeau du jeune martyr dont elle porte
le nom. [...] ».
Puis plus loin : « [...] Ce
monument vénérable de la foi du passé est à présent
enseveli sous terre ; mais il n'en a pas toujours été
ainsi. Dans chacun des murs latéraux, sont percées deux
petites fenêtres, très étroites, avoisinant d'une façon
significative les pilastres qui correspondent aux piliers
ornés. Ces fenêtres n'ont que 0m20 ou 0m25 d'ouverture
entre leurs tableaux, mais elles ont des ébrasements très
évasés vers l'intérieur. Le mur occidental a trois
fenêtres, et le mur oriental une simple baie
rectangulaire. Ces ouvertures servaient à éclairer
l'oratoire sacré dans le temps où il n'était pas
complètement enfoui sous terre ; elles pouvaient servir
aussi à regarder de l'extérieur le tombeau du saint qui,
étant donné la position des fenestrelles latérales
groupées presque au droit des piliers sculptés, devait
être placé entre ces deux piliers, et non à l'abside.
».
Nous sommes d’accord avec l’analyse précédente qui nous
apprend que cette crypte devait être à l’origine une
confession. Les fenêtres, à ébrasement vers l’intérieur,
semblent bien être ce qu’on appelle des « fenestrellae »,
c’est à dire des fenêtres permettant à des pèlerins situés à
l’extérieur du bâtiment de voir le tombeau du saint
(images 10 et 11).
Les pèlerins pouvaient voir le tombeau par les fenêtres
installées dans les côtés Ouest, Nord et Sud. Mais pas côté
Est. De ce côté-là, il devait y avoir à l’intérieur, l’autel
réservé au culte.
Nous sommes un peu moins d’accord avec la première partie du
texte : « L'Église
paroissiale de Lanmeur abrite sous son sanctuaire le plus
ancien monument religieux de toute la Bretagne bretonnante
: c'est la crypte de Saint Mélar, laquelle remonte
jusqu'au VIe siècle ». Nous pensons
en effet que ce bâtiment n’est peut-être pas aussi ancien.
Comme nous l’avons dit, ce bâtiment est une confession et,
au vu de l’organisation des fenêtres et de la symétrie
presque parfaite, il a été bâti dans l’intention d’être une
confession, un martyrium. C’est-à-dire d’abriter le corps
d’un martyr. Or, le culte des martyrs qui a toujours existé
durant les deux millénaires de l’ère chrétienne aurait pris
plus d’importance aux IXe, Xeet
même XIesiècles. C’est aux alentours de l’an
mille qu’on assiste à de grandes cérémonies de transfert de
reliques. Certes, il est possible qu’il y en ait eu
auparavant et dont les textes relatant ces cérémonies ont
été perdus. Il faut aussi envisager que, les reliques étant
considérées comme des trésors, elles ont pu faire l’objet de
multiples transferts.
Comme le dit le texte, la confession primitive ne devait pas
être enterrée comme elle l’est actuellement. Et il n’y avait
probablement pas au milieu de cette pièce rectangulaire les
colonnes que l’on voit actuellement. À quoi auraient-elles
pu servir ? Bien au contraire, elles gênaient la visibilité
du tombeau. Par contre, lorsque la nouvelle église
Saint-Mélar a été construite au dessus de la confession, il
a été nécessaire de couvrir la confession pour installer le
plancher de l’église supérieure. À ce moment-là, des
colonnes monolithes ont été ajoutées. Puis au-dessus, des
chapiteaux. Et des arcs doubleaux permettant de porter des
voûtes d’arêtes.
En conséquence, la partie supérieure de la crypte peut-être
considérée comme romane (du XIeou XIIesiècle).
Lorsqu‘on observe les images des
colonnes et des chapiteaux de cette crypte, on constate
qu’ils sont dépareillés : les dimensions semblent toutes
différentes. Un tel désordre apparent peut surprendre : dans
toutes les églises romanes, les dimensions des colonnes, des
chapiteaux et des tailloirs sont identiques. En fait, nous
avons constaté cela à plusieurs reprises en ce qui concerne
les cryptes.
Il faut bien comprendre que dans la construction d’une
église romane, il est nécessaire d’obéir à des règles
strictes concernant la taille des pierres et leur
positionnement (horizontalité, verticalité). En effet, la
structure architecturale d’une église est soumise à un grand
nombre de contraintes tant internes (ex : masse des voûtes)
qu’externes (ex : force du vent). Pour une crypte qui ne
porte pas l’église supérieure, mais seulement son plancher,
ces contraintes sont minimes. On peut donc se libérer des
règles strictes lorsqu’on veut l’édifier. Bien sûr, si la
crypte est construite en même temps que l’église supérieure,
on peut respecter ces règles. Mais s’il existait auparavant
une structure enterrée, on peut aménager cette crypte « à
l’économie », avec du matériau de récupération.
C’est ce qui semble avoir été le cas pour la crypte de
Saint-Mélar. Les colonnes et les chapiteaux ont été très
probablement récupérés sur un monument antérieur.
Parmi les 8 colonnes cylindriques, seules deux (celles de
plus grand rayon entre lesquelles devait être installé le
tombeau du saint) portent un décor. Il s’agit de sortes de
lianes ramifiées portant des bourgeons (image
12). Bien sûr, nous cherchons à établir des
correspondances entre ce décor et celui d’autres pierres
sculptées (voir, par exemple, l'image
33 dans la
page précédente). Cependant, jusqu’à présent, nous
n’avons pu établir avec certitude une telle correspondance.
Il semblerait cependant que ces deux colonnes ont pu
appartenir à un temple « païen » antérieur ou contemporain
aux premières églises chrétiennes.
Datation envisagée
pour la première confession ayant donné naissance à
l’actuelle crypte de Saint Mélar : an 850 avec un écart de
150 ans.
Ajout de nouvelles images
(novembre 2020)
Nous avons effectué une visite rapide de cette crypte, fin
août 2020. Cette visite nous permet d'ajouter 6
photographies à note galerie d’images (images
de 13 à 18). Mais elle ne change pas grand chose
au texte précédent. Une petite surprise cependant : cette
crypte est beaucoup plus basse que ce que nous avions
imaginé. Pour y circuler, il faut courber l'échine. Elle
s'apparente bien à certaines confessions pour lesquelles le
tombeau du saint est suspendu, permettant aux fidèles de
ramper au-dessous de ce tombeau afin que leurs vœux soient
exaucés. Cette particularité confirme l'archaïsme de la
crypte que nous avions datée de l'an 850 avec une
incertitude de 150 ans.
Parmi les nouvelles images, trois
détaillent les colonnes monolithes (images
15, 16, 17). Sur l'image
18 de la nef supérieure, on découvre quelques
éléments romans (chapiteaux, arcs). Mais des indices trop
ténus et une visite trop hâtive nous empêchent de tirer des
conclusions quant à la forme de l'église primitive.
Seule réelle nouveauté : un chapiteau déposé dans la crypte
(images 13 et 14).
Il s'agit d'un chapiteau sculpté sur trois faces. Le thème
est énigmatique. Décoratif ? Symbolique ? Et si oui, quel
symbole ? En tout cas, les cœurs reliés entre eux par des
lianes s'apparentent un peu au décor des colonnes monolithes
de la crypte.