L’abbatiale Saint-Philibert de Saint-Philbert-de-Grandlieu
Cette église est surprenante et
mystérieuse à bien des points de vue. Regardons ce qu’en
disent les divers sites Wikipedia accessibles par Internet.
« Le nom de Saint
Philibert vient de Saint Philibert de Tournus (vers
616-vers 684), évangélisateur du Pays de Retz, fondateur
de l’abbaye de Noirmoutier. La ville qui s’appelait
auparavant Deas (nom probablement d’origine gallo-romaine)
a pris le nom du saint lors de l’installation de moines
venus de l’abbaye de Noirmoutier en l’an 800. ».
Puis plus loin : « L’abbaye
de Saint Michel de Grand-Lieu est une abbaye fondée au IXesiècle
par des moines bénédictins… Il ne subsiste que l’église
abbatiale et quelques bâtiments autour. »
« Édifice de style
carolingien, il a accueilli un temps le corps de Saint
Philibert…A la suite de l’attaque du site par les
Normands, les moines s’enfuient avec le corps du saint et
se réfugient à Tournus (Saône et Loire)… »
Puis, encore plus loin, «
La nef actuelle a été reconstruite après 847, la première
église datant de 815 ayant été détruite par les Normands.
Elle comporte 4 travées alors que l’ancienne en comptait
6….Les dix piliers actuels sont cruciformes et constitués
d’une alternance de pierres et de briques accouplées. A
l’origine, ces piliers étaient plus légers avant de subir
un renforcement. Les arcs datent de l’époque
carolingienne. Ils sont aussi caractéristiques du style
par l’emploi du motif alternant tuffeau et brique…
».
Notre première surprise a été de
découvrir que cette église était datée du premier millénaire
(plus exactement, après 847). Comment cela est-il possible ?
En effet, nous rappelons ici le principe quasi-dogmatique de
datation des historiens de l’art, principe que nous résumons
par cette boutade : « si un édifice est cité dans un texte
antérieur à l’an 1000, alors il est postérieur à l’an 1000
». Comment se fait-il que ce ne soit pas le cas ici ?
Une autre surprise a été de constater qu’il a fait l’objet
d’une véritable étude architecturale dont le texte ci-dessus
se fait l’écho.
En fait, cette attitude conforte notre opinion, à savoir que
lorsqu’une étude architecturale approfondie vient compléter
l’étude des textes, l’hypothèse d’une datation élevée finit
par devenir acceptable.
Cela étant , nous ne sommes pas tout à
fait d’accord avec la description qui vient d’être faite.
Tout d’abord sur l’attribution d’un style dit carolingien à
l’appareil en alternance de pierres et de briques.
L’appellation « carolingien » caractériserait des
productions du IXe ou du Xesiècle.
Or l’appareil en alternance de pierres et de briques se
retrouve dans des fortifications dites « du Bas-Empire » (IVe siècle) comme à Beauvais. Ou à la chapelle
Saint-Étienne du cimetière Saint-Donatien de Nantes datée du
VIesiècle. Un tel « grand écart » de sept
siècles nécessite une harmonisation de la part des
chercheurs.
Cependant, nous estimons que l’hypothèse selon laquelle les
piliers primitifs ont été renforcés par ce type d’appareil
en alternance de pierres et de briques, doit être retenue.
Nous pensons que, tôt ou tard, un instrument susceptible de
radiographier des piliers sera conçu et qu’il permettra de
découvrir les piliers primitifs cachés sous la maçonnerie.
Quelques remarques concernant les images en regard :
La façade occidentale (image
1) a été probablement totalement refaite et rien
ne semble subsister de la façade d’origine.
Sur l'image 2, on
distingue très nettement les différences entre les deux
corps de bâtiments. Sur celui de gauche (le plus ancien) on
peut voir, dans la partie supérieure, les 5 contreforts qui
limitent les 4 travées de la nef. Ce type de construction à
contreforts quadrangulaires se retrouve dans des
constructions dites carolingiennes (IXesiècle-Xesiècle).
Sur l'image 6, on
peut voir les fenêtres supérieures tronquées, preuve que
l’église a été en partie rabaissée.
Datation
N’ayant pas visité l’édifice, il nous est difficile de
proposer une datation. Cependant, nous pensons qu’elle
pourrait être plus ancienne encore que les dates proposées
de 847 et même de 815 : ce serait l’église primitive de la
cité de Deas avant sa prise en main par les moines de
Noirmoutier. Cette église aurait subi plusieurs
transformations telles que le renforcement des piliers. Mais
aussi peut être le renforcement des arcs porteurs des murs
latéraux du vaisseau central par la pose d’arcs doubleaux en
dessous de ces arcs.
Parmi d’autres transformations indépendantes de la nef, on
peut citer le transept et chœur. Le grand nombre de
transformations différentes est significatif d’une grande
ancienneté.
Il faut bien comprendre que l’histoire du premier millénaire
est celle d’un livre de cinq cent pages dont on connaît
seulement des fragments de cinq pages. Vouloir écrire cette
histoire à partir de ces cinq pages relève de la gageure.
Même parmi les pages que l’on connaît, il existe des zones
d’ombre. Il en est ainsi de l’Histoire de l’Abbaye de
Saint-Philibert. On croit la connaître mais ce ne pourrait
être que celle de la vie de Saint Philibert et de la
translation de ses reliques. Et il est probable que
l’histoire de l’abbaye a été plus dense et plus chargée que
celle des reliques du saint. Or on ne sait rien de
l’histoire ayant précédé la vie du saint (VIIesiècle).
Rien non plus entre le VIIe et le IXesiècle.
Et rien encore entre le milieu du IXesiècle et
le XIesiècle. Vouloir donc associer les
multiples transformations architecturales aux péripéties du
corps du saint nous semble donc quelque peu hasardeux.