La cathédrale de Trèves
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La ville de Trèves, en Allemagne, mais située tout près de
la frontière avec le Luxembourg, surprend quelque peu. Cela
vient du grand nombre de monuments romains qu’on y retrouve
: deux thermes, une porte monumentale (la Porta Nigra), une
grande basilique. Et certains de ces monuments comme la
Porta Nigra ou la basilique sont parmi les plus prestigieux
de l’Empire Romain. Cette présence est donc le signe d’une
présence importante des romains dans les parties
septentrionales de l’Empire (Cologne, Coblence, Mayence,
Strasbourg, Metz, …). Plus particulièrement sur les bords du
Rhin ou de la Moselle.
Les images
1 et 2 montrent que l’on se trouve en face d’un
ensemble très complexe de deux grandes églises. Sur l'image 1, le plan de la
cathédrale est représenté en bas, couleur rose, tandis que,
au-dessus, vers la droite, l’édifice polygonal gris est
l’église Notre-Dame et, à droite, toujours en gris, se
situent les bâtiments épiscopaux entourant le cloître. Sur
l'image 2, on
découvre, derrière la tour de l’église Saint-François, à
gauche, la cathédrale, et, à droite l’église Notre-Dame.
Nous n’étudierons pas cette dernière.
La cathédrale nous est révélée dans l'image
3.
L'image
3 et, plus encore, l'image
4 , nous donnent l’impression qu’on se trouve en
présence du chevet de la basilique. C’est-à-dire de
l’ouvrage Est qui contient le chœur de l’église. Ce n’est
pas le cas. En fait on est en présence d’un ouvrage Ouest
(les allemands l’appellent « westwerk »). Cet ouvrage
contient une abside (image
5). Cette abside est encadrée par deux tours (image 6) , elles même
encadrées par deux tourelles d’escalier (image
4).
Ce type de construction consistant à
doter le côté Ouest d’une contre-abside est caractéristique
des constructions dites « carolingiennes ». Le mot «
carolingien » vient de « Charles ». Des « Charles » , il y
en a eu plusieurs, de Charles Martel à Charles le Chauve.
Mais on pense au plus célèbre d’entre eux, Charlemagne, qui
vivait au début du IXesiècle. La logique voudrait
donc que cette partie de l’édifice date aussi du IXéme
siècle, voire du Xesiècle. Et nous pensons que
c’est le cas. Cette partie de l’édifice pourrait être
antérieure à l’an mille. Remarquez aussi le décor
d’arcatures lombardes et de arcs polychromes. Nous estimons
que les arcatures lombardes ont été développées sur
plusieurs siècles (Xe-XIesiècle) et,
pour la polychromie, à peu près à la même époque (alentours
de l’an mille).
Le petit appareil de pierres de la
contre-abside (image 7)
est aussi caractéristique du premier art roman. Un premier
art roman que les historiens de cet art situent au
XIesiècle et que nous estimons nous même
antérieur de plus d’un siècle, voire deux.
On constate que cet appareil est différent de celui que l’on
trouve sur le mur Nord (image
8), appareil formé d’une alternance de lits de
pierres et de briques. Ce dernier type d’appareil est
visible dans les fortifications romaines attribuées au IVesiècle
par les historiens de l’art. Là encore nous sommes en train
de remettre en question la datation.
Les images
suivantes 10, 11 et 12
de la nef font apparaître une architecture très tourmentée
avec un apparent mélange de styles (arcs brisés et arcs en
plein cintre) et des travées de différentes largeurs.
Sur l'image 13 ,
légèrement différente de l'image
12, on a fait apparaître, encadrées en bleu, deux
anomalies. Ces anomalies intitulées « Chapiteau 1 » et «
Chapiteau 2 » ont été respectivement reproduites dans les images 14 et 15.
Il est difficile de reconnaître le
chapiteau 1, inséré dans la maçonnerie (image
14). Par contre le chapiteau 2 de l'image
15 et un autre chapiteau de l'image
16, sont parfaitement identifiables. Ce sont des
chapiteau à crochets (ou feuilles d’acanthes très
stylisées).
L'image 17 est
apparemment anodine. Mais si on passe à l’image
suivante 18 d’un
détail on remarque que la maçonnerie a recouvert un arc
préexistant. En revenant à l'image
17 on constate que cet arc n’est pas seul concerné
: il en existe deux de part et d’autre de la travée. De plus
on détecte le tracé des piliers qui portaient ces arcs ainsi
que l’existence d’un autre arc situé au-dessus des baies de
la galerie supérieure.
On déduit de ces constatations que l’actuel bâtiment a
utilisé les murs d’un bâtiment précédent au moins aussi
élevé que l’actuel.
Le portail représenté sur les images
20 et 21 ne présente pas pour notre étude un
intérêt particulier sur le plan architectural, mais
esthétique. Il est signalé comme étant roman. Nous pensons
plutôt qu’il se situe dans une période de transition entre
le roman et le gothique (fin du XIIesiècle).
Les dernières images
24, 25, 26 et 27 nous montrent les plans ou
reconstitutions effectuées par les archéologues allemands
qui ont étudié cette cathédrale. Les deux images qui nous
semblent les plus intéressantes sont les images
23 et 25. Le plan de l'image
23 fait apparaître que les deux grands édifices
primitifs occupaient un emplacement plus important que les
deux actuels : près de deux fois plus pour la cathédrale,
près de trois fois plus pour l’église Notre-Dame.
Malgré son manque de netteté (photographié à travers une
vitre), le dessin de l'image
25 témoigne de l’ampleur de l’ensemble.
Conclusions
La première des conclusions à tirer, c’est que les
archéologues allemands ont effectué un travail remarquable.
La reconstitution est précise et semble très bien
documentée. Bien que nous n’ayons pas compris les
explications en allemand, nous pensons que leur démarche a
été fort différente de celle des historiens français de
l’art. A partir des éléments qu’ils avaient découverts, ils
ont essayé de retrouver l’édifice primitif. Pour le même
édifice, en France, un historien de l’art aurait décrété
tout de go, au vu des arcs brisés, qu’il était du XIVesiècle
… ce qui était censé suffire à notre information.
La deuxième conclusion nous semble beaucoup plus importante.
Rappelons tout d’abord quelle a été notre démarche tout au
long de la rédaction des pages de ce site. Nous avions
auparavant constaté que la date de l’an 1000 était une sorte
de « mur de Berlin », une barre infranchissable pour les
historiens de l’art qui estimaient que tous les édifices
antérieurs à l’an 1000 avaient disparu. Et nous avons
démarré notre recherche en faisant sauter cette barre de
l’an 1000, en acceptant l’idée qu’il pouvait subsister des
édifices antérieurs à l’an 1000.
Mais, sur le coup, nous n’avons pas réalisé qu’il pouvait
exister une autre barre : l’an 400. C’est à dire la date à
partir de laquelle plus aucune construction n’aurait été
réalisée. Pourquoi l’an 400 ? Parce que, à partir de cette
date, on assiste à diverses « invasions barbares », dont
celle des wisigoths qui prennent Rome en 410.
Et à y regarder de près, on s’aperçoit que cette date de 400
constitue bien une barre pour les chercheurs. Ainsi,
lorsqu’ils parlent des murailles antiques des villes du Nord
de la France, le mot « fortification romaine du IVesiècle
» revient régulièrement. Comme si on n’avait pas pu
construire des fortifications au Veou au VIesiècle,
c’est à dire après l’an 400 !
Il faut à présent revenir aux deux chapiteaux précédemment
décrits (images 15 et 16 ).
Nous avons déjà dit que c’étaient des chapiteaux à crochets
ou à feuilles lisses. Ce sont des chapiteaux d’un style issu
du corinthien, mais fort différent de celui-ci. On donne
parfois le nom de chapiteau composite à un chapiteau issu du
corinthien. Mais ici l’écart est très grand et on ne peut
pas qualifier ce type de chapiteau de « composite ». La
question est donc la suivante : serait-il possible que ces
chapiteaux appartiennent à une époque tardive ? Après l’an
400 ? Voire plus ?
Cela signifierait que, au moins une des deux grandes
basiliques de Trèves appartient à une époque tardive, au Veou
VIesiècle. C’est-à-dire en pleine période des
« Grandes Invasions » , période supposée être de décadence.
Nous ferons prochainement le même type d’observation en ce
qui concerne les cryptoportiques d’Arles.