La collégiale Saint-Victor-et-Sainte-Couronne d’Ennezat
La page du site Internet Wikipedia
consacrée à cette église nous apprend ceci : « Au
Moyen Âge, la région est peu sûre, mais Ennezat ne connut
pas de période de troubles, et au Xesiècle,
c'était une ville assez importante... Vers 1060, un
chapitre de douze chanoines est fondé par le duc Guillaume
VI d'Aquitaine en l'honneur des saints Victor et Couronne.
... Si on connaît la date de fondation du chapitre, rien
n'est certain au sujet de celle de l'église. En effet, il
semble peu probable pour les spécialistes qu'elle ait été
construite en même temps (1060). D'une part, les premiers
édifices cohérents de ce type en Auvergne n'ont été créés
qu'à partir du début, voire de la seconde moitié du XIIe siècle (Notre-Dame-du-Port , Orcival,
Saint-Austremoine à Issoire...). D'autre part, la nef ne
va pas dans le sens d'une construction au XIe
siècle, mais plutôt dans la seconde moitié du XIIe
siècle.
L'église a une particularité, puisqu'elle a un double
style, roman et gothique, l'architecture gothique
s'appuyant sur l'architecture romane.
Le narthex, la nef et le transept sont les seules parties
romanes conservées. Elles sont en arkose, une pierre
calcaire qui proviendrait de carrières au Nord du
département. La nef de l'église mesure environ 18 mètres
de longueur, ce qui est plutôt important (légèrement plus
grande que Notre-Dame-du-Port à Clermont-Ferrand).
L'église a subi de nombreuses modifications au XIXe
siècle, lors de campagnes menées par l'architecte local
Mallay pour les Monuments Historiques (liste de 1840).
... On peut aussi remarquer dans le transept deux triplets
à mitre triangulaire, participant au décor, et typiques de
l'Auvergne. »
Nous allons reprendre pour le commenter une partie du texte
: « Vers 1060, un
chapitre de douze chanoines est fondé... il semble peu
probable pour les spécialistes qu'elle ait été construite
en même temps (que la fondation du chapitre en
1060). D'une part, les
premiers édifices cohérents de ce type en Auvergne n'ont
été créés qu'à partir du début, voire de la seconde moitié
du XIIesiècle … D'autre part, la nef ne va pas
dans le sens d'une construction au XIe siècle
mais plutôt dans la seconde moitié du XIIie
siècle. »
Nous sommes là confrontés à un vrai déni de la réalité. Si
un chapitre est fondé en 1060, c’est qu’une église existait
à Ennezat à cette date. Et une église suffisamment
importante pour favoriser l’implantation d’un chapitre. Il
est possible qu’elle ait été détruite, mais il faudrait
avoir des traces de cette destruction. Et puis, l’histoire
des 300 dernières années fait mention de très peu de
destructions totales d’églises. Nous pensons qu’il devait en
être de même dans les temps antérieurs.
Faute de preuves d’une destruction, un raisonnement logique
cohérent reviendrait à admettre qu’une partie au moins de
l’église actuelle d’Ennezat existait en 1060. La suite toute
aussi logique consisterait à éventuellement remettre en
question les datations des autres églises d’Auvergne. Et en
particulier de poser la question : sur quels critères les
spécialistes se sont basés pour affirmer : «
les premiers édifices cohérents de ce type en Auvergne
n'ont été créés qu'à partir du début, voire de la seconde
moitié du XIIe siècle » ?
En fait, le seul raisonnement apparemment cohérent est le
suivant : « l’art gothique est né en Île-de-France dans la
seconde moitié du XIIesiècle. À la même
époque, les habitants du Sud de la France étaient trop
stupides et ils ont continué à construire dans le style
roman. ». De fait il s’agit bien d’un raisonnement très
répandu il y a une quarantaine d’années Et la suite est tout
aussi logique : « En conséquence, les églises romanes
d’Auvergne datent de la seconde moitié du XIIesiècle
». Il ne vient à l’idée de personne et en particulier des
provinciaux du Sud qui applaudissent à ces divers
raisonnements que les églises romanes d’Auvergne ont pu être
construites un ou deux siècles avant les cathédrales
gothiques d’Ile-de-France, et comme elles étaient déjà
construites au XIIesiècle ,on n’a pas jugé
nécessaire d’en construire d’autres dans le style gothique.
Venons en maintenant à notre propre
évaluation de cette église.
L’examen des parties extérieures (images de 1 à 6) ne permet pas une datation (du
moins dans l’immédiat). La façade Ouest (image
1) apparaît ancienne. En fait, c’est tout
l’ouvrage Ouest (image 4
) qui apparaît ancien. Cependant, nous ne sommes
encore en mesure d'évaluer correctement cette ancienneté.
L’appareil irrégulier nous fait envisager une datation
antérieure à l’an mille.
Le portail (image 2)
est probablement restauré en imitation du modèle ancien. Le
modèle original était protégé par un arc en plein cintre
polychrome s’appuyant sur les côtés latéraux d’un linteau en
bâtière. La zone comprise entre l’arc et le linteau a été
comblée par une mosaïque de petits losanges polychromes noir
et blanc. Ce type de décor, que l’on retrouve dans Velay et
le midi languedocien, pourrait être antérieur à l’an mille.
Le plan de l'image
7 ainsi que les images
8 et 9 montrent que les piliers sont de type R1110 et les arcs
reliant les piliers sont simples. Les collatéraux sont
voûtés d’arêtes. Le vaisseau principal est voûté en plein
cintre. Tout cela fait penser à l’abbatiale de Jumièges qui
a été provisoirement datée de l’an 1050 avec un écart de 50
ans.
La colonnade de l'image 12
est appelée un triplet. Ces triplets, formés de trois
arcs : un arc triangulaire au centre et, de part et d’autre,
deux arcs demi-circulaires, sont très surprenants ; on les
retrouve dans des formes architecturales, comme ici, ou dans
des représentations sculptées datant de l’Antiquité Tardive.
Il doit y avoir un symbole que nous n’arrivons pas à
définir.
On retrouve un triplet différent du précédent sur l'image
14 (croisée du transept).
L’église possède une belle série de
chapiteaux.
Certains sont à « feuilles dressées » , feuilles d’eau très
stylisées (images 16,
17, 18). Dans les Asturies, ce type de chapiteau
est estimé au IXesiècle. Mais nous pensons que
ces chapiteaux sont plus récents. Le chapiteau de l'image
19 est à feuilles stylisées.
Celui de l'image 20 est
le chapiteau de l’usurier : « Il s'agit d'un homme mort
soulevé par deux démons. Il porte autour du cou une bourse,
et entre ses pieds, est sculptée une aulula (sorte de pot en
terre rempli de pièces). Une banderole soutenue par deux
scribes porte une inscription latine : « Cando usuram
acepisti opera mea fecisti » qui peut être traduite par «
Quand tu as pratiqué l'usure tu as fait mon œuvre ». »
Celui de l'image 21 pourrait
représenter Adam et Ève au Paradis Terrestre, entourant
l’Arbre de Vie.
Celui de l'image 22 représente
la scène des « Oiseaux au Canthare », avec des Sphinx
remplaçant les oiseaux.
Sur l'image 23, on peut voir à gauche
des centaures et à droite des oiseaux encadrant des
faisceaux.
La croix déposée dans la nef (image
24) devait être primitivement posée sur un
fronton. Nous ne pensons pas qu’elle soit romane. Peut-être
du XIXesiècle ?
Datation
envisagée pour la collégiale
Saint-Victor-et-Sainte-Couronne d’Ennezat : an 1025 avec un
écart supérieur à 50 ans.
On retiendra cependant que la date de 1060 de création du
chapitre peut être précieuse, à la fois pour la datation de
cette église, mais aussi pour toutes les églises à piliers
de type R1110.