La basilique Saint-Austremoine d’Issoire
Divers sites Internet font une
description très détaillée de cette église. En voici
quelques extraits : « L'abbatiale
Saint-Austremoine est une ancienne abbatiale bénédictine
construite durant le premier tiers du XIIe
siècle, et plus précisément vers 1130, ce qui en fait la
deuxième des cinq églises majeures de Basse-Auvergne.
Elle est dédiée à Austremoine de Clermont ou Stremonius,
premier évêque deClermont-Ferrand et évangélisateur de
l'Auvergne à la fin du IIIe siècle.
Les restaurations du XIXesiècle ont rendu à
l'église sa polychromie intérieure (entre 1857 et 1859)...
L'abbatiale Saint-Austremoine, construite en arkose (une
sorte de grès), présente un remarquable chevet roman
auvergnat constitué d'un étagement de volumes de hauteur
croissante...
Le chœur, le déambulatoire et les chapelles rayonnantes,
tous couverts de tuiles, possèdent une corniche largement
débordante ornée d'une frise en damier et soutenue par des
modillons à copeaux...». Le reste est à
l’avenant.
Nous avouons être un peu déçus par ces longues descriptions
qui nous semblent un peu stériles. Quelques photographies
suffisent pour se faire une idée. De telles descriptions
étaient autrefois très utiles, car les photographies étaient
rares. Et il était plus difficile de se faire une idée de
l’architecture du monument. Il fallait de même utiliser un
vocabulaire très adapté, difficile à assimiler pour un
simple touriste.
Nous estimons qu’à l’heure actuelle, la description précise
d’un monument à l’aide d’un vocabulaire très académique, n’a
plus raison d’être. Nous n’avons pas besoin de savoir ce
qu’est une « frise en
damier » ou des «
modillons à copeaux ». Sauf si la « frise
en damiers » est caractéristique d’un certain type
de monument (sa date de construction, l’ordre religieux qui
l’a créé, le symbolisme qui lui est associé...).
Nous aurions préféré que l’auteur des descriptions
précédentes nous explique de quelle façon il a pu déterminer
que l’église « a été
construite durant le premier tiers du XIIesiècle
et, plus précisément, vers 1130. ».
Compte tenu du défaut d’argumentation d’assertions analogues
concernant les plus de 800 monuments que nous avons étudiés,
assertions que nous avons critiquées pour la plupart, nous
ne pouvons qu’émettre un avis réservé sur celle concernant
la datation de la basilique d’Issoire.
Cela étant, il ne suffit pas de
critiquer, mais d’apporter des éléments susceptibles de
fournir une datation.
Le plan de l’édifice (image
2) est presque parfaitement symétrique. Ce qui
témoigne d’un bon état de conservation par rapport à
l’édifice original.
Nous n’avons pas pu le vérifier sur place, mais il
semblerait que le transept soit contemporain de la nef. Pas
le transept dans son ensemble, mais seulement les
croisillons Nord et Sud qui débordent par rapport à la nef (image 3). Dans un
premier temps, la partie centrale, dont la largeur
correspond à celle de la nef (vaisseau central et
collatéraux), aurait été surélevée et surmontée d’un toit à
deux pentes parallèle au toit à deux pentes de la nef. Dans
un deuxième temps, une tour octogonale aurait été élevée sur
la croisée du transept.
Cependant, on constate sur ce plan une
bizarrerie. Elle concerne l’absidiole axiale greffée sur le
déambulatoire du chevet (plan de l'image
2). On remarque en effet que le chevet est « à
déambulatoire et chapelles rayonnantes ». Dans un tel type
de chevet, les chapelles rayonnantes sont disposées en arc
de cercle à intervalles réguliers. C’est le cas ici. Sauf
que la chapelle axiale vient s’intercaler entre deux
chapelles rayonnantes (images
4 et 6). Cette originalité témoigne de deux
étapes de construction dans ce chevet. Deux hypothèses sont
envisageables. Soit un premier chevet a été construit avec
déambulatoire et quatre chapelles rayonnantes. La chapelle
axiale aurait été ajoutée plus tard. Pour la deuxième
hypothèse, la chapelle axiale aurait précédé les chapelles
rayonnantes. Et peut-être même le déambulatoire du chevet.
Nous estimons que c’est cette deuxième hypothèse qui est la
bonne. En effet, la chapelle axiale est prioritaire par
rapport aux autres. L’architecte qui a procédé à la
construction du déambulatoire et des chapelles rayonnantes
devait normalement placer en priorité cette chapelle axiale
et disposer les autres par rapport à celle-là.
Actuellement, la nef est recouverte dans
son ensemble, vaisseau central et collatéraux, par un toit à
deux pentes (image 3).
Nous pensons que, à l’origine, les toits à une pente des
collatéraux étaient plus bas que ceux de la nef. On voit en
effet sur l'image 3 que,
en ce qui concerne les fenêtres du mur Nord, celles des
parties supérieures sont plus décorées que celles des
parties inférieures. Ce qui laisse envisager que ce mur Nord
a été surélevé.
Par ailleurs, on constate sur les images
8 et 10 que le vaisseau central est voûté sur
doubleau. Mais ... il n’y a qu’un seul doubleau alors qu’on
a cinq piliers. Le doubleau repose sur une demi-colonne
adossée. Il existe une autre demi-colonne adossée à un
pilier, mais elle ne porte pas d’arc doubleau. Un doubleau
devait être prévu à cet endroit. Nous pensons qu’il devait y
avoir un doubleau tous les deux piliers (les parois extrêmes
faisant office de doubleaux). Inversement, on constate que,
concernant les collatéraux, il y a un doubleau pour chaque
pilier.
En conséquence, nous pensons que, dans la nef primitive, le
vaisseau central était charpenté. Les collatéraux devaient
être voûtés d’arêtes sur doubleaux comme ils le sont
actuellement. Les piliers primitifs devaient être de type R1110. Cette nef
devait être analogue à celle de l’abbatiale de Jumièges.
Il est même possible que cette nef soit
antérieure à celle de Jumièges. En effet, il semblerait que
les arcs reliant les piliers soient simples (à Jumièges ils
sont doubles). Cependant, il nous est difficile de le
vérifier, car les murs ont été recouverts de fresques au XIXesiècle.
Les chapiteaux de cette nef reproduisent des thèmes que nous
qualifions de « premiers », car pour certains nous
n’arrivons à en comprendre le sens.
Image 15 : Un
homme vêtu d’une sorte de robe dont le bas est évasé en kilt
est placé entre deux hommes nus ayant une corde attachée au
cou. La corde passe entre les mains et sur la tête de
l’homme habillé. La scène est difficilement compréhensible
et doit être rattachée à celle des « singes cordés ». C’est
peut-être un plaidoyer ou une critique de l’esclavage et de
la colonisation. Mais il est aussi possible qu’il y ait un
sens symbolique plus profond.
Image 16 : Le
thème des centaures (ou du sagittaire) est fréquemment
représenté dans l’art roman sans que l’on connaisse sa
signification. Ceux-ci, disposés symétriquement, tiennent
d’une main, un pampre de vigne (arbre de vie) et, de l’autre
main, une lance.
Image 17 : un
homme vêtu d’une sorte de kilt saisit des feuillages (arbre
de vie ?).
Image 18 : Autre
homme saisissant des feuillages (arbre de vie ?).
Image 19 : Autres
centaures brandissant des lièvres.
Image 20 : Image
devenue désormais classique des « oiseaux au canthare ».. Au
cours du temps, les oiseaux ont évolué en des êtres
hybrides.
Image 21 : Hommes
surgissant de feuillages.
Le déambulatoire est porté par des
piliers cylindriques portant des chapiteaux sculptés sur les
4 faces (image 22).
Ces chapiteaux (images
23, 24, 25, 26, 27) sont tout à fait différents
des précédents. Leur facture est plus soignée. Les
proportions sont respectées. Les personnages ont des traits
fins. Mais surtout, on est en présence de scènes de la vie
de Jésus, reconnaissable à son nimbe crucifère. Tout cela
fait penser à la sculpture gothique. On est certes toujours
en période romane, mais le gothique est en train de poindre.
En conséquence, nous pensons que le chevet à déambulatoire
date du XIIesiècle (an 1150 avec un écart de
50 ans).
Il serait aussi postérieur au transept : les absidioles (images 28 et 31) sont
dotées de chapiteaux (images 29, 30, 32, 33) d’un style nettement plus
proche de ceux de la nef que de ceux du déambulatoire.
Malgré ces différences de styles entre
chapiteaux permettant d’envisager plusieurs étapes de
construction, nous pouvons dire que tous ces chapiteaux sont
romans. Nous rappelons que d’après le Dictionnaire Petit
Larousse, « l’art roman est l’art hérité des romains élaboré
aux XIeet XIIesiècles ».
Nous avons repris à notre compte cette définition en
élargissant la période à la seconde moitié du Xesiècle,
la période précédente étant définie comme étant préromane.
Le fait que nous estimions tous ces chapiteaux romans
signifie que nous datons l’ensemble de l’église entre l’an
950 et l’an 1200 (dates limites étant elles-mêmes données
avec une marge d’erreur).
Il existe cependant un point qui mérite qu’on y accorde un
peu d’attention. Parmi les photos que nous avons prises,
nous avons repéré celle de l'image
36 d’un portail d’entrée. L’image est apparemment
banale et n’aurait pas retenu notre attention si nous
n’avions pas repéré les impostes soutenant l’arc qui
surplombe la porte. Celle de l'image
37 est décorée d’une corde. Quant à celle de l'image 38,
son profil a été vu dans d’autres églises de la
région (Miremont, Ris, ...). Nous estimons ces impostes
préromanes.
L’unique image de la crypte (image
39) ne nous apprend pas grand-chose sur celle-ci.
Il reste à examiner quelques médaillons du chevet
représentant des figures du Zodiaques (images
40, 41, 42). Ces figures nous semblent fortement
restaurées. Peut-être en imitation de modèles originaux. Il
est pratiquement impossible que des sculptures paraissent
aussi fraîches en un tel endroit exposé aux intempéries. De
toute façon, le déambulatoire étant daté du XIIesiècle,
ces sculptures ne peuvent être antérieures à cette période.
Datation
Nous ne tiendrons pas compte de la partie que nous avons
estimée préromane, identifiée sur les
images 36, 37, 38, mais insuffisamment documentée.
La nef actuelle a peut-être remplacé une nef plus ancienne.
Cette nef aurait subi au moins une modification : son
voûtement, aux alentours de l’an 1100. Le transept aurait
lui aussi subi des modifications (3 ?). Quant au chevet :
l’actuel chevet à déambulatoire à remplacé un chevet plus
ancien.
Notre datation de la nef : an 975 avec un écart de 100 ans.