L’abbatiale de Moutier-d’Ahun  

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Voici quelques informations données par un panneau situé à l’entrée de l’abbatiale : « L’abbaye bénédictine de Moutier-d’Ahun est fondée en 997 par Boson II, comte de la Marche. Après une période faste, le monastère subit les vicissitudes des guerres. La nef est alors totalement détruite. Dans une volonté de renouveau, les moines demandent en 1611 le rattachement à l’ordre de Cluny » .

Ces informations sont tout de même un peu courtes. On aimerait en savoir un peu plus sur l’acte de fondation de 997. On sait en effet qu’un acte de fondation d’abbaye ne signifie pas grand-chose car le terme « abbaye » a deux sens différents : communauté d’hommes ou de femmes, locaux d’habitation de cette communauté. Dans tous les cas, la communauté ne peut exister durablement que s’il existe des locaux pour l’héberger. Tous les cas sont possibles : de la petite communauté qui se constitue autour d’un seul homme et qui se développe au cours des siècles, à la grande communauté que l’on installe à la place d’une autre dans des bâtiments construits plusieurs siècles auparavant.

Cependant, on retient de ces informations tout d’abord le nom de Boson. Ce nom revient assez souvent dans les textes du premier millénaire. Bien sûr, il ne désigne pas à chaque fois la même personne, mais il serait sans doute intéressant de faire une étude statistique sur ce nom. Désigne-t-il un individu franc ? Gaulois ?  Romain ? Wisigoth ?

Autre information : Boson II est comte de Marche. D’après la page qui lui est consacrée sur Wikipedia,  le comté de Marche aurait été créé par Boson I vers l’an 958. Mais, selon nous, très probablement, la Marche existait auparavant comme marquisat. Le mot de Marche serait un terme générique qui désignerait un territoire frontière entre le territoire régi par les francs et les autres territoires, une sorte de protectorat. Ce territoire serait gouverné par un administrateur du nom de «marquis », désigné par le roi des Francs.

On connaît un grand nombre de « marches ». La création des ces marches aurait débuté au VIIIesiècle. La marche de Bretagne aurait été créée en 753 par Pépin-le-Bref. Celle de Neustrie le fut en 861 par Charles-le-Chauve.

En ce qui concerne la création de la région qui nous intéresse, la Marche, située dans le Nord du Limousin, nous ne connaissons pas de datation, mais elle doit remonter au IXe siècle. Il est très difficile d’évaluer quel pouvait être le territoire des Francs durant ces périodes. La lecture de l’œuvre de Grégoire de Tours, qui vivait un à deux siècles auparavant, fait envisager une grande complexité des relations entre peuples.


Il ne reste pas grand-chose de l’abbatiale. La nef a été détruite. L’emplacement des piliers remplacés par des arbres peut être repéré sur l'image 1 dans l’embrasure du portail gothique.

Le chœur gothique n’a pu être photographié.

Cette abbatiale possédait un transept. Et donc une croisée de transept. Et, en conséquence, une tour de croisée de transept. Seule subsiste cette tour de croisée. Elle apparaît comme une tour isolée (images 2, 3 et 5). Mais il s’agit bien d’une tour de croisée.

Ceci signifie que, à l’origine, les parties inférieures étaient ouvertes en direction de la nef, du chœur, et des croisillons du transept.

Actuellement, il n’existe qu’une ouverture en direction du chœur.


  • Ces grandes ouvertures ont été obstruées sur les côtés Ouest, Nord et Sud. En ce qui concerne le coté Ouest, l’arc qui protégeait l’ouverture est visible sur l'image 3. Côté Nord, l’arc est plus apparent (image 5 et plus encore image 6). On voit en particulier sur cette image 6 par les différences d’appareils de pierres que l’ouverture a été bouchée. On remarque surtout que cet arc est légèrement outrepassé. Il est porté par de simples impostes. Celle de gauche (image 7) est décorée d’une rangée de feuilles inscrites dans des cercles. Revenant à la façade Ouest, on observe que l’arc est aussi outrepassé et porté par une imposte de même forme que la précédente. Une différence pourtant avec l’arc précédent qui était à simple rouleau : celui-ci est à double rouleau. L’existence d’un arc triomphal dont nous parlerons plus loin pourrait expliquer cette anomalie.

    Côté intérieur, on retrouve l’arc outrepassé qui permettait l’accès au croisillon Sud du transept. Il est situé au-dessus du tableau sur les images 8 et 9. Il est en partie caché par une cage d’escalier (image 9). Une colonne semi-cylindrique surmontée d’un chapiteau est aussi en partie visible à droite sur l'image 9. On retrouve ce chapiteau à gauche sur l'image 10. Il a son symétrique sur la droite. Ces deux chapiteaux devaient porter un arc triomphal. Au dessus de la fenêtre, apparaît l’arc de l'image 3 vu cette fois-ci de l’intérieur. La photographie donne l’impression que cet arc est en anse de panier. Il s’agit d’une fausse impression : cet arc est bien en plein cintre. L’illusion vient du fait qu’il est à double rouleau et que ses cotés sont cachés par la maçonnerie des cages d’escalier. Les arcs reposent sur des impostes analogues à celles vues précédemment (image 11).

    Le chapiteau de l'image 12 est décoré d’un entrelacs de feuillages.

    Comme nous l’avons dit précédemment, le transept et le chœur communiquent directement entre eux. Cette ouverture est en partie visible sur l'image 8 à l’extrême gauche. À remarquer que l’arc qui protège cette ouverture est posé sur un chapiteau situé à une hauteur plus grande que l’imposte du pan de mur Sud. Cet arc ne peut donc être comparé à l’arc outrepassé vu précédemment.

    En fait, il y a non pas un arc, mais deux arcs accolés. Les chapiteaux qui les portent sont représentés sur l'image 13 pour ceux du côté Sud et sur l'image 14 pour ceux du côté Nord. Deux chapiteaux sont « à feuilles dressées ». On retrouve ce style de chapiteaux dans les Asturies en Espagne. Ils sont datés du IXesiècle. Cependant, nous ne sommes pas tellement d’accord avec cette datation. De plus, dans le cas présent, la facture semble plus évoluée que dans le cas des Asturies.

    L'image 15 est celle d’une stèle funéraire gallo-romaine. La présence de cette stèle montre l’antiquité du lieu.



    Datation

    Bien sûr, seul le transept est concerné par cette datation. Il est possible que la nef ait été, comme cela arrive souvent, antérieure au transept.

    Le fait que les arcs de ce transept soient outrepassés milite en faveur d’une haute datation. La présence d’impostes, et non de chapiteaux et de tailloirs, va dans le même sens.

    Nous proposons une datation aux alentours de l’an mille. Pour une question de choix de drapeaux (avant ou après l’an mille ?), nous proposons la datation suivante : an 975 avec un écart de 100 ans.

    Ce transept constitue un modèle pour d’autres transepts comportant eux aussi des arcs outrepassés.


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