Le Temple de Lanleff
• France • Bretagne • Article précédent • Article suivant
Nous n’avons pas eu l’occasion de visiter le Temple de Lanleff. Les images de 1 à 9 que nous reproduisons ici sont extraites d’Internet.
Cet édifice est connu sous le nom de « Temple de Lanleff ». Nous ne connaissons pas d’autre dédicace. Nous espérons qu’il nous sera possible de le visiter dans les mois qui viennent.
Nous pensons qu’il s’apparente aux autres monuments à plan centré étudiés dans ce site : la crypte de Saint-Bénigne de Dijon, le monument de Charroux, la nef de la cathédrale d’Aix-la-Chapelle, la rotonde de Neuvy-Saint-Sépulchre, Saint-Donat de Zadar. Et, plus près de là, l’église Sainte-Croix de Quimperlé.
Nous pensons que, primitivement, tous ces édifices n’étaient pas des églises mais des monuments civils. Ou plus exactement des monuments politico-religieux. Car à cette époque-là, le politique et le religieux n’étaient pas clairement dissociés.
Nous pensons que ces édifices étaient des « parlements ». C’est-à-dire des endroits où l’on se parle. Et la parfaite symétrie des bâtiments (cf. le plan de l'image 4) invite à croire que les « parlementaires » étaient un ensemble d’égaux (ici regroupés en douze tribus, ailleurs en huit tribus).
La plupart de ces édifices ont été transformés en églises par l'adjonction d’absides.
Leur datation est délicate, mais nous estimons qu’ils sont tous antérieurs à l’an mille. Cette estimation repose sur deux constats. D’une part, les techniques architecturales sont caractéristiques d’une période préromane. D’autre part, les textes postérieurs à l’an mille qui en parlent - il n’y a pratiquement pas de texte antérieur à l’an mille suffisamment explicite - ne mentionnent que des églises. Cela signifie que, avant même le passage de l’an mille, ces édifices avaient été transformés en églises. Et donc avaient perdu leur statut de parlement.
D’après les explications fournies par Internet, les hypothèses concernant le « Temple de Lanleff » ont été nombreuses et variées , certains évoquant une construction gallo-romaine, voire même antérieure à la période romaine, d’autres proposant une datation beaucoup plus tardive. Nous ne pensons pas que l’on puisse attribuer ce temple à une période romaine. Dans notre chapitre « Datation », nous avons voulu étudier l’évolution ayant permis de passer de la basilique romaine à la basilique romane. Nous pensons que cette évolution s’est étalée sur plusieurs siècles, du IVeau XIIesiècle. Et elle s’est faite progressivement. Ainsi, certains édifices sont plus romains que romans alors que d’autres peuvent être dits plus romans que romains. Nous pouvons ainsi dire que la nef de Langast étudiée précédemment est plus romaine que romane.
En ce qui concerne Lanleff, nous pensons qu‘elle est plus romane que romaine. Les piliers sont de type R1111. Ils portent des arcs doubles par l’intermédiaire de chapiteaux. Ce type de construction est analogue à celui du monument de Charroux, monument que nous avons estimé, peut-être un peu hâtivement, à l’an 750 avec un écart de 150 ans. Concernant Lanleff, nous proposons la date de l’an 850 avec un écart de 150 ans.
Il existe néanmoins une différence entre ce temple de Lanleff et les monuments à plan centré étudiés précédemment. Dans ces derniers monuments, il existe non pas un déambulatoire, mais deux superposés. Et le déambulatoire supérieur est doté d’arcades analogues aux arcades inférieures.
L'image 5 montre que le déambulatoire inférieur était couvert. Il devait donc exister un déambulatoire supérieur. Mais il n’y a pas d’arcade supérieure permettant aux personnes installées sur le déambulatoire supérieur d’avoir une vue sur la partie centrale. À cela, il faut ajouter le dessin énigmatique de l'image 7.
Un dessin dont nous n’avons pas de renseignement. Représente-t-il réellement le temple de Lanleff? L’image est bien différente de celles des images 1, 2 et 3, tant pour les parties intérieures de la rotonde (arc simples au lieu d'arcs doubles) que pour les parties extérieures (arcade à arcs simples sur tout le pourtour pour l'image 7, pas d’arcade pour les images 1, 2 et 3).
Ajout le 13 janvier 2023
Nous avons pu enfin visiter cette église en compagnie d'un
groupe d'amis en novembre 2022. Nous avions pu auparavant
prendre contact avec Mr Marc Jannot, habitant du lieu, très
attaché à l'entretien et à la préservation du site, auteur
de l'ouvrage Les
trois vies du « Temple » de Lanleff (nous
conseillons la lecture de son
site Internet).
Les images de 10 à 24
ont été prises lors de cette visite.
Par ses explications détaillées, Monsieur Jannot nous a fait
découvrir de nombreux détails de l'architecture de cet
édifice. Comme nous l'avions envisagé, le plan initial
devait être parfaitement centré (polygone à douze côtés).
Les absides auraient été ajoutées postérieurement, à une
date difficile à établir.
Monsieur Jannot a attiré notre attention sur un autre plan
centré carré situé à l’intérieur du dodécagone, observable
sur l'image 11.
Côté observateur, sur chaque pilier, sont accolées des
colonnes. On remarque que, tous les trois piliers, les
colonnes sont plus hautes que leurs voisines (c'est visible
sur l'image 11 :
les colonnes aux extrêmes sont plus hautes que celles du
centre). Et cela est vrai pour tout le pourtour. Le
dodécagone étant parfaitement régulier, le tracé des lignes
joignant deux à deux ces colonnes est celui d'un carré. Il
ne faut cependant pas tirer de conclusion trop hâtive de
cette observation. Il est possible que la présence de ces
quatre colonnes plus hautes soit fortuite ; qu'initialement,
il y ait eu 12 colonnes de grande hauteur, que quatre aient
été conservées et que ces quatre colonnes aient formé un
carré (une chance sur 27). D'autres solutions sont aussi
possibles.
La vue aérienne de l'image
10 révèle l'existence d'une église (dédiée à
Sainte Marie) tout à côté du « temple ». Nous n'avons pas
d'information sur cette église dont l'existence est
peut-être relativement récente. Dans l'onglet Son
histoire du
site lanleff-temple.fr, on note le paragraphe suivant
: «
Dans les années 1850, Arthur Le Moigne de La Borderie
découvrit une charte de donation rédigée par HENRI, comte
du Goëlo, en 1148, qui confirme les dons faits par EUDON
et son fils TRIHAN au prieuré Saint-Magloire de Léhon.
Parmi les possessions concédées, figure une église
“Sainte-Marie de Lanlem”. ». Il est possible que
cette église Sainte-Marie soit l'église voisine actuelle ou
une église l'ayant précédée et non l'actuel temple de
Lanleff. En tout cas la présence de deux églises voisines
dans un si petit hameau pose question. Une question qui
reprend celle que nous avions formulée auparavant :
serait-il possible qu'à l'origine, le temple de Lanleff ait
été un édifice purement civil ? En tout cas, nous ne voyons
pas dans cette construction de signe religieux distinctif
(croix, sarcophage, baptistère).
Revenons à l'image
11. On découvre, à un peu plus d'un mètre en
dessous du faîte du mur, un alignement de petites cavités
rectangulaires. Nous avons pensé que ces cavités
rectangulaires ont peut-être servi à l'encastrement de
poutres de bois. Mais immédiatement un problème s'est posé.
Si ces poutres de bois ont été posées en vue de traverser
l'espace dans toute la largeur de cette partie centrale
(plus de 10 mètres), la section de ces poutres (mesurable
par les dimensions des cavités) est trop petite. Il faut
donc envisager autre chose. Peut-être y a-t-il eu à une
époque donnée un pilier central intermédiaire ?
On constate aussi, peu au-dessus de cette rangée de cavités,
une différence de parement des pierres. Il est possible
qu'il y ait eu une surélévation à ce niveau.
On retrouve aussi une différence de parement, révélatrice de
deux étapes de travaux, sur l'image
13. Remarquer sur la même image les fenêtres à
linteau échancré.
Les images
suivantes, de 14 à 24,
témoignent d'une iconographie un peu surprenante : volutes
en forme de têtes humaines, personnages au corps filiforme
dotés de doigts démesurés. À noter aussi que les bases sont
autant décorées que les chapiteaux. Cette particularité, un
peu plus fréquente en Bretagne qu'ailleurs, est cependant
assez rare pour être signalée.
Cette visite ne nous a pas permis de répondre à toutes nos
questions. La première de ces questions est celle de sa
présence. Comment se fait-il, qu'en pleine campagne
bretonne, un tel édifice puisse exister ? Nous l'avons dit
précédemment, il ne ressemble à aucun autre. Nous avons, sur
ce site Internet, identifié et décrit 163 édifices à plan
centré dont 27 à deux étages (ce qui semble être le cas de
celui-ci). Mais les bâtiments à deux étages sont dotés, à
l'étage supérieur, de baies tournées vers l'intérieur. Ce
qui n'est pas le cas de celui-ci.
Ce qui surprend aussi c'est son isolement. Le bâtiment à
plan centré le plus proche est l'église Sainte-Croix de
Quimperlé, située à 120 kms. Et l'architecture de Quimperlé
est très différente de cette de Lanleff. Les autres édifices
à plan centré sont situés à plus de 300 kms. Soyons clairs
sur un point. Il est normal que ces édifices à plan centré
soient isolés. Probablement ces édifices étaient des centres
de pouvoir. Un pouvoir s'effectue au sein d'une région et
les régions sont séparées entre elles. Mais pour que le
pouvoir s'exerce sur tout un peuple, il faut plusieurs
centres de pouvoir pas trop éloignés les uns des autres.
Lanleff apparaît comme un cas unique. Si c'était l'édifice
d'un peuple, quel était donc le peuple (un petit peuple !)
habitant cette région ?
En ce qui concerne la datation, nos recherches un peu plus
récentes nous incitent à la corriger. Nous nous basons sur
les observations suivantes du déambulatoire, considéré comme
la partie la plus ancienne : arcs doubleaux portés par des
chapiteaux munis de tailloirs. Ces chapiteaux sont portés
par des colonnes demi-cylindriques engagées. Ces éléments
caractéristiques font envisager une datation aux alentours
de l'an mille. Cependant, cette estimation est tempérée par
l'archaïsme des chapiteaux et des bases. En conséquence,
nous proposons la datation suivante : an 950 avec un écart
de 100 ans. Cette datation est postérieure d'un siècle à
celle proposée auparavant.