Église paroissiale Saint-Sylvestre de Colombiers 

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L’église Saint-Sylvestre de Colombiers, autrefois désignée sous le nom de Sainte-Colombe et qui aurait donné son nom au village, ne présente a priori aucun intérêt artistique. Elle a été presque entièrement rebâtie au XIXesiècle et nous ne l’avons pas représentée sur cette page. Dans la phrase précédente, c’est le mot « presque » qui se révèle intéressant.

Le « presque » n’est autre que le chevet précédé d’une travée qui constitue l’avant-chœur de l’église actuelle (images 1, 2 et 3).

L’église est citée sous le nom de Sainte-Colombe dans une donation datée de l’an 957.

Le clocher (image 1) pourrait sembler ancien. En fait il aurait été construit en 1663. On pourrait imaginer qu’il ait été construit sur des bases anciennes (souvent les textes de l’époque sont insuffisamment précis). Nous verrons en fin de document que, au vu des constructions, rien ne permet de l’envisager.


Les images 4, 5 et 6 font apparaître des éléments de corniches de bord de toit. On constate que tous les décors sont identiques. On note de haut en bas : une bande plate, un rang de petits carrés appelés « billettes », un rang de « denticules », rectangles de dimensions plus grandes que les billettes, 2 rangs de billettes, et enfin une bande plate.


La présence de ces corniches en matériau de remploi sur les constructions modernes (image 4), une présence analogue à l’intérieur même de l’avant-chœur (image 9), une absence symétrique de toute autre décor de corniches, montrent que l’édifice initial devait être entièrement décoré, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, avec ce type de corniches.

Jusqu’à présent le décor dit « de billettes » était attribué à l’art roman et daté du XIeou du XIIesiècle. Diverses observations nous conduisent à contester cette estimation. Bien sûr, il est toujours possible que ce décor, facile à mettre en œuvre, ait été reproduit aux XIeou XIIesiècle, voire même ultérieurement. Cependant nous pensons que la plupart de ses représentations sont antérieures à l’an 1000. Et d’ailleurs l’analyse que l’on va faire de ce bâtiment confirmera cette hypothèse.

Le décor de billettes et de denticules est directement issu de l’antiquité. On le retrouve associé à d’autres décors comme les fleurons sur des corniches, ou des chapiteaux de l’antiquité romaine. On constate que dans le cas de Colombiers le décor n’est pas un simple damier comme on le voit souvent, mais qu’il témoigne d’un travail recherché. On a aussi un décor de billettes et denticules dans l’église voisine Saint-Félix de Bayssan mais là encore le travail est différent.




Lorsque nous avons visité l’église de Colombiers, nous n’avons pas prêté attention aux deux chapiteaux de l’arc triomphal précédant l’avant-chœur. Ces deux chapiteaux sont identiques. Chacun d’eux est posé sur une pierre cylindrique ornée de cannelures faisant office d’astragale. L’arc triomphal qu’ils portent est brisé. Celui-ci aurait été fait à l’époque gothique lors du voûtement de l’avant-chœur. Les chapiteaux pourraient dater de la même époque (mais rien n’est sûr : les chapiteaux à grande feuille d’eau existent aussi pour le premier millénaire). Par contre les pierres cylindriques cannelées font plus penser à l’antiquité classique qu’à l’époque gothique. Constatons qu’en dessous d’elles, les traces d’arrachement montrent qu’il devait y avoir une colonne cylindrique adossée au mur, détachée de celui-ci au 2/3.

L'image 11 de l’abside montre que la fenêtre axiale est plus grande que ses voisines. En fait, initialement les 3 fenêtres étaient identiques. Lors de la restauration extérieure du chevet par Gabriel Gondard, l’état initial a été reconstitué.


Les images suivantes de 12 à 18 montrent divers objets retrouvés lors de fouilles effectués dans les années 1986 et 1987. Ces fouilles ont été exécutées dans les années 1986 et 1087 par Gabriel Gondard, déjà cité, ainsi que Pierre et Marie-Chantal Vaissière. Les fouilles ont été brusquement interrompues par la DRAC (Direction Régionales des Affaires Culturelles) qui a décidé de prendre l’affaire en main et a envoyé des archéologues confirmés. Les archéologues sont repartis chez eux en promettant d’établir un rapport. Depuis on est sans nouvelle de ce rapport. Et il n’y a même pas eu d’enquête auprès des volontaires fouilleurs pour savoir où avaient été effectuées les découvertes.

Nous espérons que cette page va permettre d’en savoir davantage sur cette église.

Image 12 : Il s’agit d’un sarcophage paléochrétien dit à « acrotères ». D’après les indications que nous avons eues, ce sarcophage a été utilisé à au moins deux reprises, les os du précédent défunt ayant été patiemment rangés dans un côté de façon à laisser la place au nouveau corps disposé en direction Est-Ouest, les pieds étant du côté de l’Est.

Ce sarcophage était disposé près de l’autel, à l’intérieur même de l’abside. D’autres sarcophages se trouvaient à l’extérieur, coincés sous les murs de l’abside. Il n’a pas été possible de les récupérer.


Concernant les images 13, 14 et 15, ce qui nous intéresse est une simple imposte, la seule que l’on découvre dans cette église. Une imposte peut en dire long sur un édifice. Celle-ci devait être placée sur un pilastre adossé à une paroi (elle est travaillée sur trois côtés, la face arrière (image 15) étant intégrée dans le mur). Cette imposte devait porter une poutre horizontale dans une nef probablement charpentée.


Les images 16, 17, 18 sont celles d’un autel paléochrétien. La forme surélevée imite des modèles païens gallo-romains. En conséquence la datation doit être proche de la fin de l’empire romain (IVe- Vesiècle). A remarquer la croix pattée qui serait d’inspiration wisigothique. A remarquer cependant que la croix pattée usuelle est à branches égales, toutes évasées. Ce n’est pas le cas ici. On constate aussi que dans la vue de face (image 16), la partie supérieure de la croix est inscrite dans uns structure triangulaire assez étonnante : au dessus des bras de la croix des demi-disques et, autour de la branche supérieure un arc outrepassé. On songe à des plans d’églises à trois absides. Sans doute y a t-il un aspect symbolique dans cette représentation. Lié à l’hérésie arienne ? C’est fort possible. Les adeptes de l’hérésie arienne ne reconnaissaient qu’un seul Dieu : le Père. Et ils affirmaient qu’il y avait primauté du Père sur le Fils et le Saint-Esprit considérés à leur tour comme des sortes de demi-dieux.


Revenons à présent au chevet.

L'image 19 établit que le mur extérieur de l’édifice, apparent au coin supérieur de la photographie se prolonge bien vers l’inférieur ente l’abside et l’absidiole (située à l’extrême droite sur la photographie).

L'image 21 est une image retouchée de l'image 20 déjà vue auparavant. On a tracé en noir (et trait plein) le contour des murs et des pignons de la nef primitive. Et en traits pointillés noirs le contour de pierres disposées en arrondi au dessus du sommet du cul de four de l’absidiole nord. Enfin on a dessiné en trait rouge le prolongement du pignon du toit.

Il apparaît que ce prolongement du pignon traverse l’absidiole. Ce qui est impossible. La conclusion est la suivante : l’absidiole et l’abside qui lui est associée sont postérieures à ce que nous avons appelé l’avant-chœur.



Schéma d’évolution du modèle


L’édifice primitif semble avoir été une église à nef unique dont on retrouve une partie au moins dans l’avant-chœur actuel. Il était décoré dans son ensemble par les corniches à billettes que nous avons décrites précédemment. Il devait y avoir une abside aux dimensions un peu plus réduites que l’actuelle (en fait c’était peut-être la même mais avec des murs de moins grande épaisseur). Des sarcophages auraient été déposés dans et autour de cette abside. Cette partie daterait du VIeou VIIesiècle. La date pourra sans doute être évaluée en fonction de la datation des ossements trouvés sur place.

Plusieurs siècles après, on a décidé de refaire l’abside. Et, en même temps, il a été décidé de construire une absidiole côté Nord. Et peut être une autre au Sud. Il y avait un mur de ville à cet emplacement, mais ce mur a peut être été construit après.

L’abside et l’absidiole sont à arcatures lombardes. De tels types d’absides sont voûtés en cul-de-four. Il est possible que la première abside n’ait pas été voûtée en cul-de-four, et que lors de la construction de la nouvelle abside, on ait décidé de renforcer les murs de l’ancienne par des arcatures lombardes pour pouvoir la voûter en cul-de-four.

Il existait sans doute une pièce précédant l’absidiole Nord mais elle a été détruite au moment de la construction du clocher. Les pierres disposées en arrondi (sous les traits en pointillé) auraient été placées là au moment de la construction du clocher pour protéger l’arc d’entrée de l’absidiole.

En résumé une construction du XIesiècle à arcatures lombardes aurait succédé à une autre du VIème - VIIesiècle.

En admettant même que cette analyse soit fausse, l’existence même de sarcophages et d’un autel induit à penser qu’il existait en cet endroit une église durant l’antiquité.