Autres églises de Poitiers susceptibles de dater du Ier millénaire (page 2/2)
Les deux églises de Poitiers étudiées
dans cette page sont : l’église
Saint-Hilaire et l’église
Sainte-Radegonde.
L’église
Saint-Hilaire
Selon la page du site Internet Wikipedia
décrivant cette église : «
Hilaire, originaire de Poitiers, est devenu évêque au
milieu du IVe siècle. Il a été le grand
défenseur, en Gaule, de la foi chrétienne orthodoxe qui
s'opposait alors à l’arianisme triomphant. Il avait fait
construire pour sa sépulture, hors les murs, dans le
cimetière sud de la ville, une chapelle dédiée aux saints
Paul et Jean, martyrs romains morts en 362. Il y fut
enterré entre son épouse et sa fille, Sainte Abre.
Des fouilles conduites par l'INRAP en 2007 et 2008 sur un
terrain proche de l'actuelle église Saint-Hilaire le Grand
ont mis au jour une nécropole paléochrétienne. Ce serait
donc autour de la tombe de Saint-Hilaire que s'est
développé un complexe funéraire et religieux à partir du
IVe siècle comprenant une basilique, des
édifices annexes et un cimetière. En 412, le site est
détruit par les Vandales et en 453 par les Huns. »
Aussi précises soient-elles, ces informations nous
apprennent-elles vraiment quelque chose ? Il est difficile
de le savoir. S’il est probable que Saint-Hilaire a été
enterré avec son épouse et sa fille dans une chapelle dédiée
aux saints Paul et Jean, nous ne sommes pas certains que
cette chapelle se trouve à l’emplacement de l’actuelle
basilique Saint-Hilaire, même si des fouilles ont permis la
découverte d’une nécropole paléochrétienne. L’article ne dit
pas si ces fouilles ont réellement mis en évidence une
basilique et des édifices annexes. Enfin, nous sommes
surpris par la dernière phrase : «
En 412, le site est détruit par les Vandales et en 453 par
les Huns. ». Comment les auteurs de ce texte
ont-ils trouvé cela ? Existe-t-il un texte d’époque
signalant que ce site, une nécropole, a été détruit d’abord
en 412 par les Vandales puis, en 453, par les Huns ? Nous en
doutons. De même que nous doutons que ces dates précises
aient été trouvées grâce aux fouilles archéologiques. Plus
probablement, l’information provient d’un historien du XIXesiècle
qui, cherchant la basilique du IVesiècle et ne la
trouvant pas, en a déduit qu’elle avait été détruite. Selon
lui, les destructeurs ne pouvaient être que des barbares :
les Vandales et les Huns. Et ce qui n’était qu’une hypothèse
est très vite devenu une certitude.
Poursuivons notre lecture de la page du
site Internet Wikipedia : «
Une nouvelle basilique est construite. Mais les dimensions
et l'emplacement ne sont pas connus même si son existence
est attestée...
Dès le VIIIe siècle, l'ensemble basilical
devient une collégiale. Durant cette période, le site est
dévasté d'abord, par les musulmans conduits par Abdiraman
en 732, puis en 863 et en 865 par les Vikings. Par crainte
de nouvelles incursions, les moines emportent les
ossements de Saint-Hilaire en sécurité au Puy-en-Velay.
En 935, les comtes de Poitou deviennent abbés laïcs de la
basilique. Le titre sera transmis en 1204 aux rois de
France. La décision de sa fortification est prise en 939.
Au XIe siècle, débute la construction de
l'édifice actuel (dédicace le 1er novembre
1049). Vers 1022-1028, l'évêque de Chartres, Fulbert,
serait devenu le chef des chanoines de Saint-Hilaire. ...
Il serait donc le commanditaire de ces travaux.
La construction commence par le clocher-porche, puis le
transept probablement non voûté, et se poursuit par la nef
sans les voûtes et les collatéraux. Elle se termine par le
chevet et le déambulatoire. L'inauguration de l'église se
fait en présence de 13 archevêques et évêques, de la
comtesse Agnès de Bourgogne, troisième épouse du comte
Guillaume V le Grand (vers 959-1030), qui participa
largement au financement des travaux, et de son fils
Guillaume VII Aigret, comte de Poitou et duc d'Aquitaine
(mort en 1058).
Vers 1060-1070, la charpente couvrant la nef est, selon le
texte des Miracles de Saint-Hilaire écrit vers 1115-1130,
remplacée par une voûte en pierre pour éviter les
incendies. Pour porter le poids de cette voûte, les
architectes ont dû construire des piliers intermédiaires
pour réduire la largeur de la nef centrale. De plus, des
arcs sont édifiés entre les piliers et les murs pour
consolider l'ensemble.
En 1074, le pape Grégoire VII place l'abbaye sous la
protection du Saint Siège et une charte en 1078 limite le
nombre de chanoines de la basilique à 60... »
On retrouve dans ce texte la pléthore de destructions par
des barbares décrite précédemment. Ici, destruction par les
arabes puis, à deux reprises, par les vikings. Nous avons eu
l’occasion à plusieurs reprises de critiquer cette manie
qu’ont eu les historiens le parler de destructions par les
barbares. Alors qu’aucun document ne permet de penser qu’il
y ait eu des destructions massives. Certes, concernant les
normands, les textes font référence à des pillages. Mais les
pillards ne songent qu’à réaliser des coups de main. La
retraite doit être aussi rapide que l’attaque. Dans cette
perspective, l’agresseur ne doit pas perdre son temps à
détruire des édifices. Et surtout pas y mettre le feu car
cela risque d’attirer l’attention du voisinage.
Pour le reste, nous notons que sur cette église, de nombreux
documents ont été conservés. Certains datent du début du XIe
siècle.
Cette église nous avait été signalée
comme la plus ancienne de Poitiers. Nous avons eu la
surprise de découvrir un édifice qui, au premier abord,
n’apparaissait pas ancien. Les plans de l’édifice (images
1 et 2) permettent de comprendre que seuls le
chevet et le transept seraient anciens.
Le chevet (images 3, 4, 5,
6 et 7) est à déambulatoire et chapelles
rayonnantes. Nous estimons que ce type de chevet est tardif
dans l’art roman. Il daterait des environs de l’an 1100. Et
non du début du XIesiècle comme semble l’indiquer
le texte.
Cependant, dans ce chevet, certains éléments pourraient être
plus anciens. Ce serait le cas des petites plaques
rectangulaires qui supportent en partie la corniche du
chevet (images 5, 6 et 7).
D’une part, le thème iconographique (animaux symboliques) de
ces plaques apparaît plus ancien que le décor végétal des
chapiteaux voisins. D’autre part, on constate que ces
chapiteaux recouvrent partiellement les plaques. On observe
même sur l'image 7 que
le chapiteau de gauche a été partiellement bûché pour faire
apparaître la plaque. Nous pensons que ces plaques
pourraient être de peu antérieures à l’an mille, mais ce,
sans grande certitude.
Le transept : les images
8 et 9 du transept montrent des hautes fenêtres
dépourvues de décoration. Ce sont des fenêtres de type «
carolingien ». Elles dateraient du
Xesiècle.
Les bas-reliefs de l'image
12 proviendraient eux aussi d’un édifice plus
ancien. Les deux plus grands sont de deux styles différents
: preuve qu’ils ont été déplacés. Quant aux plaques décorées
d’animaux fantastiques, elles s’apparentent aux plaques vues
sur le chevet (images 5, 6
et 7).
En haut et à gauche de l'image
14, on
observe une partie inachevée. Sans doute y avait-il là une
construction ou un projet de construction, mais nous
ignorons de quoi il s’agissait.
Sur l'image 15, on observe à
mi-hauteur de grands arcs. Ces arcs ne se retrouvent pas du
côté opposé (image 9).
Là encore, il nous est difficile de savoir quel était le
type de construction concerné. Il est possible que ces arcs
aient été placés là pour renforcer les murs lors du
voûtement de ce bâtiment jouxtant le croisillon Nord du
transept.
Concernant ce bâtiment, on peut voir sur le plan de l'image 1 un défaut
d’alignement des piliers. Défaut qui permettrait d’expliquer
les transformations.
Le croisillon Sud du transept est recouvert d’une voûte en
berceau plein cintre sur doubleaux plein cintre. Nous
estimons que ce type de voûtement est contemporain de l’an
mil.
Notons enfin la présence de deux
couvercles de sarcophages qui nous semblent très
intéressants. Le premier situé à l’intérieur de l’église est
en forme de toit à acrotères. La forme de ce toit est
inusitée (image 20).
Elle pourrait imiter un vrai toit édifié par un architecte
local. Les acrotères sont décorés (la figure de l'image
21 pourrait représenter une personnification du
Soleil, peut-être le dieu Apollon). Datation envisagée pour
ce couvercle de sarcophage : an 400 avec un écart de 200 ans
(nos lecteurs nous excuserons, mais nous ne sommes pas
spécialistes des sarcophages et attendons pour en dire plus
de disposer d’informations fiables).
L’autre couvercle de sarcophage est placé à l’extérieur sous
un enfeu (image 23).
Le thème central est une croix pattée portée par une hampe.
On trouve de telles croix sur des mosaïques de Ravenne datée
du VIIeou VIIIesiècle. Mais ici le
motif est plus complexe. La base de la hampe est enveloppée
par un entrelacs de lianes qui s’épanouit en feuillages. On
songe ici aux khatchkars d’Arménie, croix dont la base est
formée de racines qui se relèvent vers le haut (voir sur ce
site les monuments d’Arménie). Les plus anciens de ces
khatchkars dateraient du VIIIesiècle. C’est une
datation analogue que nous envisageons pour cette croix (image 24).
La datation que nous envisageons pour l’église Saint-Hilaire
n’est basée que sur la partie estimée la plus ancienne de
l’édifice, les croisillons Nord et Sud du transept : an 950
avec un écart de 100 ans.
L’église
Sainte-Radegonde
Le plan de l’église Sainte-Radegonde (image 27) ne fait
apparaître que deux parties anciennes : un porche Ouest que
nous n’avons pas eu l’occasion de visiter et les chevet à
déambulatoire (image 25).
La crypte (image 26)
est située sous l’autel majeur. Son entrée est visible sous
l’arc en anse de panier de l'image
25. Cette crypte contient le sarcophage de
Sainte-Radegonde dont le couvercle est en forme de toit à
quatre pentes.
Il est possible que cette crypte soit très ancienne. Bien
souvent en effet, les absides de monuments anciens ont été
partagées en deux par un plancher horizontal. La partie
inférieure était destinée au culte du saint local. La partie
supérieure servait aux célébrations. Dans le cas présent, il
est donc possible que la partie supérieure du chevet
primitif ait été supprimée et remplacée par la colonnade du
déambulatoire. Mais seul un examen minutieux avec une
comparaison des plans respectifs de la crypte et du chevet
qui la surmonte peut permettre de conclure.
En l’état actuel de nos connaissances sur cette église, nous
ne pouvons nous baser que sur la partie supérieure
(déambulatoire du chevet).
En conséquence, la datation envisagée pour l’église
Sainte-Radegonde est l’an 1100 avec un écart de 50 ans.