L’église de Saint-Gildas de Rhuys (Morbihan) 

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Étude architecturale

L’abbaye de Saint Gildas de Rhuys est de fondation très ancienne. Elle aurait été pillée et partiellement détruite par les Normands. Et restaurée ou reconstruite à partir de l’an 1008 par Félix moine de Saint Benoît sur Loire.
La nouvelle église est consacrée par l’évêque de Vannes en 1052. Mais ce n’est pas tout ! « A la suite d’un ouragan survenu en 1118 qui, dit la chronique, « renversa les bâtiments » » (réf : Marc Déceneux dans « Bretagne Romane »), une nouvelle campagne de construction est effectuée.

L’édifice que   l’on voit actuellement (image 1) ne ressemble en rien à l’édifice original. Une image de l’abbaye datée de 1632 montre que, à cette époque, l’église n’était pas dotée d’une nef. On reconnaît sur les images 1 et 2 l’actuel transept et le chœur prolongé d’une chapelle axiale. L’actuel clocher n’existait pas. Mais par contre, il existait un clocher à la croisée du transept. De même la chapelle sud-est et, probablement aussi, la chapelle  Nord-Est, greffées sur le déambulatoire du chœur, n’existaient pas en 1632 (image 2: la chapelle de gauche est la chapelle axiale, celle de droite est la chapelle Nord-Est.)

L’image 3 représente l’intérieur de l’édifice avec  le transept et le chœur. Celui-ci est doté d’un déambulatoire. Il s’agit ici d’un déambulatoire dit «  intérieur ».  Ce type de déambulatoire peut avoir été construit à l’intérieur des limites d’un chœur construit à une époque antérieure.

Sur cette image 3 on  peut déceler un détail intéressant.  En effet l’entrée du déambulatoire du chœur (située à gauche entre les deux statues) est surmontée d’un arc nettement outrepassé: un arc, tout à fait différent des autres arcs visibles sur la photographie. Selon nos observations, ce type d’arc pourrait être un marqueur caractéristique d’un édifice de la fin du premier millénaire.



Les chapiteaux du déambulatoire et du chœur présentent des caractères « anciens ». On retrouve presque les mêmes dans des églises attribuées au premier millénaire (Nant, Charroux, Menat). Selon Marc Déceneux ils pourraient avoir été récupérés sur un édifice plus ancien. Les caractéristiques sont les suivantes (voir l’ image 4) : chapiteaux dérivés du corinthien, avec des volutes d’angle, présentant deux parties bien distinctes : au-dessus, des feuillages stylisés ; au-dessous des entrelacs.


Les images suivantes présentent des chapiteaux. Certains ont été creusés pour un usage de fonts-baptismaux (cuvettes à plan octogonal) ou de bénitiers. Il y en aurait 6 déposés dans cette église. Deux d’entre eux (le 7 et le 8) seraient de plus grande taille que les autres. La forme à 4 faces de ces chapiteaux permet d’envisager qu’ils appartenaient à la nef de l’église primitive. Une nef de type basilical à 3 vaisseaux, les murs du vaisseau central étant soutenus par des colonnes cylindriques portant ce type de chapiteau.



Essai de datation

 

Hormis les chapiteaux précédemment  évoqués on ne sait pratiquement rien de l’église primitive. Il faudrait réaliser une étude taxonomique de ces chapiteaux (la taxonomie est une science, branche de la biologie, qui a pour but d’organiser et de classer les êtres vivants et de les regrouper  en entités appelés taxons. Cette science permet d’identifier et de classer de nouvelles espèces). Dans le cas présent, l’étude taxonomique des chapiteaux consisterait à les mesurer et à déduire de leurs dimensions celles de l’église disparue.

Le « taxon » de cette église disparue pourrait être Saint Martin de Volonne, en Provence : cette église possède une nef à 3 vaisseaux charpentés. Les murs latéraux du  vaisseau central sont portés par des colonnes cylindriques supportant des chapiteaux à 4 faces.  Les colonnes cylindriques ne sont pas monolithes mais constituées de petits moellons appareillés. Il en a été probablement de même pour Saint Gildas de Rhuys  car on ne voit pas les restes de colonnes monolithes. A Saint Martin de Volonne le chevet est constitué de 3 absides : une abside centrale  encadrée par deux absidioles. Les  trois absides étant dans le prolongement de chacun des vaisseaux.

L’arc outrepassé de l’entrée du déambulatoire dont il a été question dans le commentaire de l’image 3 pourrait être l’arc d’entrée de l’absidiole nord.




Voici donc le possible déroulé des travaux : dans un premier temps il y a construction de cette nef à 3 vaisseaux prolongée d’un chevet à 3 absides.
Ce premier bâtiment daterait du premier millénaire (an 750 avec un écart estimé de 150 ans).

Il y aurait eu ensuite construction du transept et,  peut-être, dans le même temps, construction d’un nouveau chevet. Ce chevet aurait été constitué d’une grande abside formée d’un avant-chœur rectangulaire et d’un chœur semi-circulaire. Cette abside aurait enveloppé simultanément en les supprimant,  les 3 absides  précédentes. Ce serait l’abside que l’on voit actuellement. Ces travaux pourraient avoir été effectués sous l’abbatiat de Félix dans la première moitié du XIe siècle.

Enfin une nouvelle étape de travaux, au début du XIIe siècle a dû consister à la construction du déambulatoire, à l’intérieur de l’abside.

Voilà donc un possible cheminement. Cependant beaucoup de questions restent en suspens. On peut en effet penser que les chapiteaux à 4 faces qui sont sur les piliers du déambulatoire proviennent du premier édifice. Mais qu’en est-il des chapiteaux  à 3 faces du même déambulatoire ? Si eux aussi ont fait partie du premier édifice  comment était celui-ci ?




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