L’église Santa María de Lebeña 

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Nous n’avons pas eu l’occasion de visiter l’église Sainte-Marie de Lebeña lors de nos divers séjours en Espagne. Les images ci-dessous sont extraites d’Internet.

Les informations sur cette église, prises sur divers sites Internet qui la qualifient de « mozarabe » et la datent du Xesiècle, sont peu nombreuses et peu documentées. Inversement les pages que Jacques Fontaine y consacre dans son livre « L’art mozarabe » de la collection Zodiaque révèlent une analyse beaucoup plus approfondie.

Les images de 2 à 7 montrent l’extérieur de l’édifice. Il n’y a pas grand-chose à apprendre de ces images. La galerie en avant-plan sur l'image 3 semble être moderne. De plus, nous avons appris à la lecture des sites Internet que cette église aurait subi des restaurations et que, à cette occasion, le campanile (image 6) aurait été déplacé. Il faudrait savoir si au cours de ce déplacement certaines formes n’ont pas été affectées. Très certainement, les encadrements de baies ont été remplacés. Mais reproduisent-ils des formes anciennes ? La question est importante car on peut voir des arcs en plein cintre outrepassés soutenus par des impostes débordant seulement vers l’intrados (images 6 et 7). Ces éléments sont caractéristiques d’une période de peu antérieure à l ‘an 1000 (an 900 avec un écart estimé de 100 ans).


L’examen intérieur nous semble beaucoup plus intéressant. Il semblerait en effet que l’intérieur ait été peu touché par les restaurations  (images 8, 9 et 10). Mais examinons tout d’abord le plan (image 1). Dit « à croix inscrite », il s’apparente à celui de certaines églises du Proche-Orient (églises géorgiennes ou arméniennes). La différence venant du fait que dans les églises du Proche-Orient, la croix inscrite est « grecque ». Ce qui signifie que les branches sont égales. Alors qu’ici elles ne le sont pas.

L’étude des chapiteaux pourrait se révéler intéressante pour la datation. Malheureusement, nous ne disposons pas des images nécessaires à cette étude. Constatons seulement qu’ils sont de type corinthien et que leurs tailloirs sont très développés. L’emploi de chapiteaux corinthiens pourrait signifier un « retour à l’antiquité ». Un tel retour a été l’œuvre de Charlemagne, mais on sait qu’il y a eu dans l’histoire d’autres « retours à l’antiquité » et à ses valeurs : la Renaissance, par exemple.

Remarquons que les arcs sont très nettement outrepassés.


La pierre sculptée de l'image 11 , intitulée « devant d’autel », a été trouvée au cours des restaurations. Elle était disposée à plat, à l’envers, et servait de marche au pied de l’autel. Il est possible que, disposée verticalement, elle ait servi de face-avant à l’autel principal. Les représentations de rosaces, rouelles, svastikas, existent de part et d’autre des Pyrénées, mais leur interprétation reste du domaine de l’énigme. Il existe en effet une apparente contradiction entre la régularité du tracé de chacune des figures circulaires et le désordre de leur disposition. Une hypothèse : un premier fondateur a fait sculpter le grand disque central en imposant sa marque, un second a suivi en imposant sa propre marque dans un autre disque et là où il restait de la place, et ainsi de suite...

Les modillons sculpté de l'image 12 sont-ils l’œuvre d’une restauration ou sont-ils d’origine ? Ils nous semblent en effet trop bien conservés pour avoir été exposés en plein air pendant un millénaire.



Datation

Cette datation s’avère délicate. Il faut comprendre que le mot « mozarabe » a sans doute profondément influencé les chercheurs, certains voyant une influence « arabe » dans son architecture, d’autres la niant, mais tous étant attachés à la légende asturienne de la Reconquista. Nous pensons que, au moins durant les premiers temps, l’invasion arabe n’a que très peu influencé les comportements des autochtones. Surtout dans les régions montagneuses du Nord de l’Espagne. Effectuons une comparaison avec la colonisation de l’Algérie par les français. Elle a commencé en 1830 et s’est terminée en 1962. Soit 132 ans de colonisation. En 1962, les français d’Algérie occupaient majoritairement les villes et fort peu les campagnes. Encore moins les montagnes. Dans toute colonisation, la puissance colonisatrice essaie de s’emparer des richesses du pays qu‘elle occupe. En premier lieu le commerce (qui se trouve dans les villes, puis les ressources naturelles (mines, terres agricoles riches). Le colonisé se réfugie dans le service au vainqueur ou dans les montagnes, terres pauvres. S’il se réfugie dans les montagnes, il devient indépendant du colonisateur et développe une culture propre. C’est ce qui a dû se passer pour les populations du Nord de l’Espagne. Certes, elles ont pu être en partie influencées par les arabes, mais nous pensons qu’elles ont subi des influences de populations chrétiennes voisines, voire plus éloignées, de l’autre côté des Pyrénées. Et nous pensons que ce serait plutôt ces populations chrétiennes qui auraient influencé les arabes dans certaines créations architecturales comme l’arc outrepassé.

Concernant l’église Sainte-Marie de Lebeña, nous notons l’existence d’une croisée de transept lancée sur 4 arcs outrepassés. Nous avons remarqué des croisées de transept semblables en France. Y compris avec des arcs outrepassés (légèrement) comme au Moutier-d’Ahun. Nous pensons que, du moins pour la France, ces croisées sont antérieures à l’an 1000.

Jacques Fontaine nous dit que « l’esthétique présidant à la répartition réticulaire des espaces, et donc, du moins en partie, des volumes, ressemble à celle d’une mosquée plus qu’à celle d’une église ». Nous avouons que nous n’y connaissons pas grand chose aux mosquées. Il nous semble que l’intérieur d’une mosquée est une grande salle rectangulaire dotée de rangées de colonnes permettant de supporter un toit. Les seuls aménagements sont le mirhab orienté vers la Mecque et la chaire du prédicateur. Le plan au sol de cette église montrant de multiples espaces séparés par des murs ne s’apparente pas à celui d’une mosquée. Il en est de même pour le plan en élévation. Ce plan en élévation nous fait plus penser à la partie Est de Saint-Jacques de Béziers ou à celui d’églises wisigothiques que nous aborderons plus loin.

Notre datation pour cette église : an 900 avec un écart estimé de plus de 100 ans. Cette datation est beaucoup moins précise que celle proposée pas certains sites Internet (Xesiècle). Mais ces datations sont contestées par d’autres chercheurs qui proposent le XIe, voire le XIIesiècle.