L’église Saint-Jean-Baptiste de Baños de Cerrato
Selon le site Internet Wikipedia, « Quand
le roi Réceswinthe (649-672) fait consacrer le 3 janvier
661 la petite église de San Juan Bautista de Baños à
Palencia, il voue l’église à Saint Jean-Baptiste,
précurseur du Christ…».
Nous aurons l’occasion de revenir un peu
plus loin sur cette information donnée par Wikipedia. Pour
le moment, contentons nous de faire le tour de l’église et
d’en examiner certains détails. Un d’entre eux est le
portail d’entrée. L’arc qui le surmonte est outrepassé (image 3). La clé
sommitale de cet arc (image
4) est décorée d’une croix pattée. L’arc est
soutenu par une imposte décorée (image
5). Pour en revenir à la croix pattée, on
retrouve la même sur l'image
16 où elle décore une autre clé d’arc, l’arc
d’entrée de l’abside centrale. Une telle observation
pourrait relever de l’anecdote. Mais d’une part, la date de
661 est placée tout à côté de la clé de l'image
16 et permet donc de dater l’ornement de croix
pattée. Et d’autre part, nous avons déjà vu une croix pattée
sur une clé d’arc. C’était à plus de 800 km de là, à
Saint-Couat
d'Aude. L’image est accessible sur notre site Internet à cette page
(Monuments/France/Occitanie/Aude/Églises à arcatures
lombardes, images 19, 20
et 21).
Poursuivons notre tour de l’édifice et examinons la claustra
de l'image 8. Un
examen rapide nous avait fait envisager une datation
récente. Mais la présence d’un fin cordon sur tout le
pourtour ainsi que le décor de l’imposte de l’arc outrepassé
nous invite à penser que cette fenêtre est d’origine.
Les
images suivantes de
10 à 14 permettent de découvrir l’intérieur de la
nef. On constate sur l'image
14 que les arcs sont faiblement outrepassés. Le
caractère outrepassé apparaît plus fort dans la voûte de
l’abside principale (image
15). À noter un détail important : il n’y a pas
d’arc triomphal : il y a passage direct de la nef à l’abside
principale sans l’intermédiaire d’un arc séparant les deux.
À remarquer aussi sur les images
14 et 15 qu’il existe une discontinuité entre la
nef et l’abside principale : la corniche de l’arc d’entrée
de l’abside (qui passe au-dessus de la croix pattée) pénètre
en ses extrémités en arrière des murs de la nef. Nous avions
envisagé dans un premier temps que la nef ait été construite
avant l’abside. Nous devons envisager le cas contraire : une
construction de la nef après la construction de l’abside.
Cependant cela entrerait en contradiction avec le schéma
évolutif proposé par l'image
24 extraite d’Internet.
Venons en à présent à l'image
16 présentant une plaque de marbre scellée entre
des modillons sculptés. Elle porte une inscription dont la
traduction nous est donnée dans le livre «
L’art préroman hispanique I » de la collection Zodiaque
: « Précurseur du
Seigneur ô martyr Jean-Baptiste, garde en ta possession ce
séjour bâti à titre d’offrande, que je t’ai pieusement,
moi le roi Récesvinthe, par dévotion personnelle à ton
nom, consacré en toute propriété, la treizième année qui
suivit ma glorieuse association à la royauté, l’an six
cent quatre-vingt-dix-neuf de l’ère ». Remarque
: il s ‘agit de l’ère hispanique, l’an 699 de cette ère
correspondant à l’an 661 de la nôtre.
Datation
Il peut paraître stupide d’introduire un paragraphe «
Datation » après avoir donné la traduction de ce document
épigraphique : la date de 661 est évidente. Ce n’est
pourtant pas si évident que cela. Depuis la création de
notre site, nous répétons que les dates qui nous ont été
fournies jusqu’à présent n’apportent aucune certitude sur la
datation. C’est le cas ici, même si le document est très
important. En effet, cet acte de fondation ne fournit qu’une
étape dans le processus de construction du bâtiment. Nous
avons déjà vu que la nef et l’abside avaient sans doute été
construites séparément. La série de plans de l'image
24 (issue du Net) indique un processus de
construction en trois étapes. Elle diffère d’une autre série
de 3 plans parue dans le livre «
L’art préroman hispanique I » de la collection
Zodiaque. Comme on le voit, il y a eu plusieurs
constructions successives. À laquelle de ces constructions
fait allusion la plaque de Recesvinthe ?
Nous pensons que dans l'image
24, le plan du milieu intitulé «
Iglesia de Recesvinto » est celui qui correspond le
mieux à ce qui pourrait être l’œuvre de Réceswinthe. Ce plan
a été reconstitué après des fouilles. Mais, selon l'image
24, il existait auparavant une basilique chrétienne
dont la nef est identique à celle de Récesvinthe. L’œuvre de
Récesvinthe correspondrait donc, non à la totalité du plan,
mais au seul chevet en forme inusitée de râteau à trois
dents. Il ne resterait de ce chevet que l’abside principale.
Il existe une explication à cette forme de chevet. Il faut
savoir que les wisigoths avaient adopté l’hérésie arienne
qui niait la doctrine orthodoxe en affirmant qu’il y a
primauté du Père sur le Fils et l’Esprit. Réceswinthe aurait
été le roi wisigoth ayant abandonné l’hérésie arienne pour
rallier la doctrine orthodoxe. En conséquence, il aurait
fait construire un édifice à l’image de la doctrine
orthodoxe. Les trois absides identiques représenteraient les
trois personnes identiques du même Dieu : le Père, le Fils
et le Saint Esprit.
Il reste le problème de la nef, différente du chevet.
A-t-elle précédé l’œuvre de Réceswinthe ? l’a-t-elle suivie
? Nous pensons (sans preuve formelle) qu’elle l’a suivie. Il
est possible qu’elle ait remplacé une première nef
paléochrétienne (plan de gauche de l'image
24). À quelle époque ? Le plan de cette nouvelle
nef fait apparaître un certain archaïsme qui n’existait plus
à l’époque romane. Ce serait donc une nef préromane. Les
chapiteaux imités du corinthien des images
19 et 20 sont « à feuilles dressées ». Nous en
avons vus auparavant, datés des alentours du IXe
ou Xesiècle. C’est la date que nous
envisageons pour cette partie.
En résumé
:
Le chevet : la date de fin des travaux est l’an 661.
La nef à colonnes de marbre et chapiteaux imités du
corinthien : an 900 avec un écart de 100 ans.