L’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean d’Abbetot
L’église Saint-Jean-Baptiste (image
1) semble ne présenter aucun problème. Un panneau
disposé à l’entrée de l’église (image
2) nous informe sans appel que cette église est
du XIe siècle ainsi que la présence d’une
crypte et de fresques.
La visite de la nef n’est pas très révélatrice. Il s’agit
d’une nef (images 4 et 5
) unique (plus difficile à dater qu’une nef
multiple), couverte d’un plafond de bois en forme de carène
de bateau. Au premier examen, nous ne voyons dans cette nef
aucun signe de grande ancienneté.
C’est en pénétrant dans le transept (ou
l’étage inférieur du clocher) que l’on découvre les
premières fresques (image
7). Ces fresques sont principalement de couleur
ocre rouge. Le décor imite la maçonnerie de pierres, le
jointoiement de celles-ci étant souligné. Ce type de décor
est caractéristique du XIVeou XVesiècle.
On retrouve la même datation pour les fresques situées dans
l’avant-chœur (images 12
et 13). Les portraits sont typiquement des
créations de la fin du Moyen-Âge.
Ces peintures décorent des chapiteaux (images
9 et 10). Ceux-ci sont de facture simple. Nous
envisageons - mais sans certitude avérée - une datation
comprise entre l’an 1150 et l’an 1250.
L’examen de la crypte n’est pas plus éclairant (images
15 et 16).
Tout dans cette église nous fait
envisager une datation romane relativement tardive (XIIesiècle).
Bien sûr, la recherche globale que nous effectuons est loin
d’être terminée (et ne le sera sans doute jamais en ce qui
nous concerne) et nous avons encore de très grosses
difficultés à dater un édifice au siècle près. Ce, d’autant
que les églises à nef unique comme celle-ci, nous sont moins
familières que les basiliques à nefs triples.
Cependant l’étude systématique que nous faisons commence à
porter ses fruits et nos estimations deviennent de plus en
plus plausibles. Elles le sont certes pour nous. Mais elles
le seront aussi pour tout observateur impartial qui
acceptera de reprendre le flambeau.
Aussi nous n’avons pas compris pour quelles raisons cette
église a été datée du XIesiècle. D’autant que
les spécialistes du Moyen-Âge ont la fâcheuse tendance à
dater du XIIesiècle toutes les églises
antérieures à l’an 1200. Sauf s’il existe un document daté
du XIesiècle mentionnant cette église.
Et c’est peut-être là l’explication : cette église serait
datée du XIesiècle parce qu’un document du XIesiècle la citerait.
Mais si c’est le cas que déduire de cela ? Comment concilier
les contradictions ?
Tout simplement en émettant l’hypothèse qu’un édifice
existait bien au XIesiècle, voire même bien
avant, mais qu’il ne reste aucune trace de cet édifice.
Nous allons réexaminer l'édifice plus
attentivement.
L'image 17 fait
apparaître à mi-hauteur du clocher un grand arc, avec sous
cet arc un appareil de pierres très irrégulier. Alors que,
au dessus, l’ouvrage est beaucoup plus soigné.
On retrouve cet arc mais sur le côté opposé (image
18). Et, cette image étant plus précise que la
précédente, on constate que l’arc est installé sur des
tailloirs et des chapiteaux en partie recouverts par le mur.
Cette grande arcade protégeait une ouverture. Notre idée est
qu’il y avait là, non pas un clocher unique, mais un
transept. Le clocher serait le reste de la tour de croisée
du transept, les croisillons Nord et Sud ayant été détruits.
Cette destruction serait ancienne, du XIVeou
XVesiècle : le revers du mur en appareil
irrégulier de l'image 17 est
reproduit sur l'image 7.
Il porte des fresques du XIVeou XVesiècle
et n'a pu être érigé qu’après la destruction des croisillons
du transept.
Cette église a donc subi des vicissitudes au XIVesiècle.
Il ne serait donc pas surprenant que des parties antérieures
au XIIesiècle aient été aussi détruites. Ce
serait le cas de la nef.
Dernière remarque : sur l'image
18, on voit en bas à gauche au-dessus d’une fenêtre
en arc brisé, les restes d’une porte à linteau monolithe
surmonté d’un arc. Le symétrique de cette porte apparaît
aussi, mais moins visible, sur l'image
17. Ces portes ressemblant aux portes à linteau en
bâtière, pourraient être préromanes mais nous attendons d’en
avoir étudié un plus grand nombre pour tenter une
estimation.
Datation
Nous pensons qu’il existait antérieurement à
l’édifice actuel une église. Cette église aurait été
réaménagée au XIIesiècle avec la création d’un
transept et d’un chevet. Plus tard, au XIVesiècle,
cette église aurait subi d’importantes destructions : la
nef, peut-être du XIesiècle, mais peut-être
aussi antérieure à cette date, et les croisillons du
transept. À la suite de ces destructions, elle aurait été
réparée à l’économie de moyens et décorée de fresques pour
un rétablissement du culte.
Par suite de la méconnaissance des restes des destructions
et parce qu’il faut bien proposer une datation, nous
acceptons la datation du XIesiècle proposée à
l’entrée mais avec une marge d’erreur plus importante : an
1050 avec un écart de plus de 100 ans.