Église de Perse (Espalion)
Blottie dans la verdure, l’église rouge
Saint-Hilarian-Sainte-Foy de Perse fait penser aux églises
toulousaines bâties en briques (image
1). On réalise son erreur en s’en approchant (image 3). Dans les
faits, c’est un beau grès rouge qui a été utilisé pour la
construire.
Son plan (image 2)
fait penser à celui d’une église à trois vaisseaux. On est
néanmoins surpris par la forme des collatéraux de la travée
la plus proche du sanctuaire. S’agit-il bien de collatéraux
d’une nef à trois vaisseaux ? S’agit-il de croisillons d’un
transept ? Comment se fait-il que chacune de ces deux pièces
soit divisée en quatre par un pilier central ?
Dernière remarque : sur le plan, les absidioles sont
indiquées comme datant du XIe siècle, alors que
l’abside daterait du XIIe siècle. Pour nous une
telle datation ne signifie qu’une chose : les absidioles
sont antérieures à l’abside. Mais cela ne signifie pas que
ces absidioles sont réellement du XIe siècle.
Elles peuvent être antérieures à l’an 1000. Et de fait, leur
plan circulaire outrepassé à l’intérieur, polygonal à
l’extérieur, évoque des formes antérieures à l’an 1000.
L’étude du magnifique portail (image
4) ne rentre pas dans le cadre de notre propre
étude. Bien que d’aspect primitif, il est, selon nous,
postérieur à l’an 1000 (peut-être du XIesiècle).
Sur l'image 5, le
sarcophage à logette céphalique datant du VIIeou
VIIIesiècle montre qu’il devait y avoir là une
église datant de cette période.
Un modillon sculpté (
image 6) représente un sagittaire lançant une
flèche sur un monstre qui s’accroche à une colonne. Si la
scène est explicite, le symbole qui lui est attaché demeure
énigmatique. La représentation du sagittaire est, selon
nous, antérieure à l’an 1000. Mais elle a dû perdurer et ce
modillon est de beaucoup postérieur à cette date, au moins
du XIIesiècle.
Image
7 : vue de la nef. S’agit-il d’une nef à un
vaisseau ? ou à trois vaisseaux ?
Images 8 et
9 : Vue de la salle sud. Est-ce un bas-côté d’une
nef à trois vaisseaux ? Est-ce le croisillon Sud du transept
? Ce que l’on peut constater, c’est que cette image
9 ressemble beaucoup à l'image
18 de la chapelle supérieure de Saint-Pierre de
Bessuéjouls : mêmes arcs jumeaux reposant sur une colonne
cylindrique. La différence étant que Saint-Pierre de
Bessuéjouls semble nettement plus ancien.
Cette ressemblance nous invite à nous interroger. Ne serions
nous pas en présence, à Perse et à Bessuéjouls d’un type
d’église très original différent de ce que nous connaissions
jusqu’à présent ? En effet, à Bessuéjouls, nous n’avons pas
évoqué les termes de « église à 3 vaisseaux » ou de «
transept ». Car le plan de Bessuéjouls ne s’apparente pas à
celui d’une église à trois vaisseaux ou à celui d’une église
à une nef dotée d’un transept.
Par ailleurs on distingue sur l'image
9 les 3 chapiteaux représentés agrandis dans les images 13 (en haut à
gauche), 14 (en
dessous et à droite du chapiteau précédent) et
15 (en dessous et à droite du chapiteau précédent).
Image
10 : l’absidiole Nord. On remarque que l’arc
triomphal est outrepassé par dépassement du tailloir.
Image 11 : cette
plaque dite « carolingienne » a été réutilisée comme plaque
mortuaire.
L'image
12 pourrait représenter David et Goliath (le
personnage de gauche semble tenir une fronde). Mais la scène
pourrait aussi bien représenter un combat entre deux
seigneurs. Quant au cavalier sur la droite, sa tonsure fait
penser à un moine. Et l’épée qu’il saisit semble aussi mince
qu’une plume. Ya-t-il là une métaphore sur la puissance de
l’écrit ?
Ce très beau chapiteau, de facture soignée fait
indubitablement penser à une œuvre relativement récente (XIIesiècle). Or la ressemblance avec les
chapiteaux des images 13,
14 et 15 est étonnante : même forme globale, même
décor « à billettes » des tailloirs, même robe du « David »
de l'image 12 et
de « l’orant » de l'image
15.
Venons en à ces 3 chapiteaux :
Celui de l'image 13 représente
le Christ reconnaissable à son nimbe crucifère, entouré de
disciples. La scène est classique de l’art roman. Cependant
« la mandorle » tenue par les disciples et qui enveloppe le
Christ ne ressemble pas aux mandorles du XIIesiècle,
qui sont en forme d’amande. Elle s’apparente plus à des
formes que l’on trouve dans les manuscrits appelés « Beatus
» qui sont datés du Xesiècle.
Sur l'image 14 apparaissent
les « oiseaux au canthare », scène déjà présente chez les
romains. Les oiseaux emprisonnent des boules dans leurs
serres. On trouve la même scène sur un chapiteau de Conques.
L'image 15 est
encore plus significative puisque sont mêlés dans une même
scène deux décors caractéristiques de l’antiquité tardive :
l’orant, personnage aux bras levés, et les oiseaux au
canthare.
Il ne faut bien sûr pas s’emballer et en déduire que ces
trois chapiteaux, imitant des thèmes iconographiques du IVesiècle,
datent eux-mêmes du IVesiècle. Il est fort
possible que le même thème iconographique ait été conservé
pendant plusieurs siècles. Mais dans ce cas, il faut se
poser des questions telles : « Pour quelles raisons ce thème
iconographique a-t-il été conservé alors que d’autres ont
disparu ? ».