La chapelle São Frutuoso de Montélios à Braga
Lisons la page du site Internet
Wikipedia consacrée à cet édifice :
“Certains témoignages
historiques et la tradition orale laissent penser que le
site de la chapelle fut occupé originellement par une
petite villa romaine (autour de 560 av. J.-C.) et, très
probablement, par un temple dédié au dieu Asclépios.
En 656, Fructueux de Braga, alors évêque de Braga, fonde
sur le site, le monastère de Saint Salvador, qui devient
le centre religieux de la région. Il fait construire par
ailleurs la fameuse chapelle, ainsi que son futur tombeau.
Saint Valère confirme le fait, dans la biographie qu'il
lui a consacré, mentionnant que le saint qui fonda le
monastère y fut enterré, entre 665 et 666.
Entre le IXe et le Xe siècle, la
chapelle est reconstruite et redécorée. Un document daté
de 883 nous apprend que la chapelle est consacrée cette
fois à Saint Salavador, confirmant par ailleurs la date de
la première construction.”
Puis plus loin : “D'après
les notes laissées par le frère Manuel de Monforte en
1696, dans son Crónica da Província da Piedade, la
chapelle « a une forme de croix aux 4 côtés égaux; chaque
branche contient une chapelle fermée par un mur en
arc-de-cercle. L'une des chapelles, que l'on pourrait
désigner comme le pied de la croix, sert d'entrée. La
chapelle qui lui est diamétralement opposée, le haut de la
croix, sert de chapelle principale avec son autel. Les
deux autres chapelles, les bras de la croix, contiennent
les autels latéraux; (...) le petit espace de cette église
compte 24 colonnes : 4 du côté de l'entrée; 6 pour chacune
des chapelles et 8 dans la partie centrale... » “
Et encore : “La chapelle
de São Frutuoso reste une énigme et un exemple unique de
structure wisigothique en forme de croix grecque,
structure qui imiterait celle du mausolée byzantin de
Galla Placidia à Ravenne. Le volume principal de la
chapelle est surmonté d'une petite tour avec une croix,
couverte de tuiles arrondies. Sur la cime des murs de
calcaire se trouvent des corniches, bordées de frises, en
calcaire également, représentant une corde, des
demi-cercles, des rosettes à six pointes et des fleurs de
lys. “
Par principe, nous ne lisons les
commentaires sur un monument qu’après l’avoir visité. Ce
afin de nous faire une idée d’ensemble. C’est ce que nous
avons fait en ce qui concerne la Chapelle de São Frutuoso de
Montélios.
Pour nous aussi cette chapelle a constitué une véritable
énigme. Elle ne ressemble en effet à aucune autre.
Il y a d’abord son plan en croix à branches égales (image 1). On trouve
ce type de plan dans les églises d’Orient mais il est
beaucoup plus rare dans les églises d’Occident.
Le fronton de la façade Sud (images
2 et 3) est semblable à celui de temples romains.
Ou aux frontons de temples chrétiens du Veou
VIesiècle comme le baptistère Saint-Jean de
Poiriers ou la basilique Saint-Aphrodise de Béziers.
Le décor est aussi un peu surprenant. Ainsi sur l'image
8, la représentation du triangle entre deux
demi-cercles. Ce n’est pas la première fois que nous voyons
ce type de décor. Nous l’avons déjà vu sur une plaque
funéraire du musée archéologique de Trèves en Allemagne (image 8 de la page
correspondante). Cette plaque était datée du VIe-VIIe siècle. Il est possible que ce ne soit pas
seulement un décor, qu’il y ait une valeur symbolique
attachée au décor. C’est en tout cas ce que nous envisageons
concernant la plaque de Trèves.
L'image 10 révèle
la technique employée. Commençons par faire abstraction de
l’oculus circulaire qui a dû être percé ultérieurement afin
d’éclairer l’entrée. On s’aperçoit que les blocs de pierre
ont tous un profil rectangulaire. Pour obtenir l’impression
de triangle ou de demi-cercle, les artisans ont creusé la
pierre comme s’il s’agissait d’un bas-relief. Cette
technique est toute différente de celle des « arcatures
lombardes » où l’impression de relief est donnée par la
forme et la position des pierres assemblées. Où est la
différence ? Dans le cas présent, il s’agit d’un décor pur -
avec peut-être une symbolique attachée - dont on aurait pu
se passer en réalisant un mur lisse. Alors que la technique
des arcatures lombardes peut avoir une fonction
archiotectonique.
La même image
10 permet de découvrir les deux frises sculptées.
Celle du dessus (agrandissements dans les images
4 et 5) est formée d’un décor de corde et de
fleurs de lys inscrites dans des arcs. Nous n’avons pas
étudié ce type de décor, mais il semble dater le l’antiquité
tardive.
La frise du dessous, très fine, imite une corde (images
11 et 12).
L’intérieur (image
13) est plus surprenant encore. Une arcade portée
par deux colonnes cylindriques sépare chacune des branches
de la croix de la croisée centrale. Les arcs de cette arcade
sont légèrement outrepassés.
Plusieurs observations peuvent être faites. Tout d’abord,
l’examen de l’oculus de l'image
14 et plus encore celui de l'image
15, montre qu’il existe deux parties bien
distinctes : la voûte en avant et le mur extérieur en
arrière. Cette séparation signifie-t-elle que l’une est
postérieure à l’autre ?
Sur l'image 14, on
voit qu’il existe un trou entre l ‘imposte, à droite, et le
mur. La corniche de celui-ci semble pénétrer sous l’imposte.
Sur l'image 19, le
décalage est plus apparent. La corniche, à droite, est
décorée d’une corde. L’imposte, à gauche, semble intacte et
détachée de la paroi. On dirait qu’elle ne porte rien. En
particulier l’arc de l’arcade (image
13). Cela est d’autant plus surprenant que sur l'image 20, l’ensemble de
l’imposte révèle un travail très soigné.
Ce travail très soigné, on le découvre
aussi dans la finesse des chapiteaux (image
18) ou le détail de l’imposte (image
21).
Le mystère s’épaissit encore si on compare les images
22 et 23. Sur l'image
22, prise de l’intérieur de la croisée en direction
d’une chapelle : au premier plan un grand arc repose en
partie sur les impostes. Juste derrière lui, deux colonnes
soutiennent des arcs plus petits. Et au-dessus encore, un
mur bien appareillé. On est en droit de s’interroger sur la
lourdeur de ce système. Qui semble faire double emploi.
N’était-il pas plus logique d’insérer les deux colonnes et
les trois arcs sous le grand arc, quitte à réduire les
dimensions des colonnes et des arcs ? À moins, bien sûr, que
les deux systèmes aient été construits à des dates
différentes.
Mais cela devient encore plus compliqué en passant de
l’autre côté de la colonnade. C’est à dire en effectuant une
prise de vue de l’intérieur de la chapelle (image
23). On s’attendrait à voir au-dessus des arcs un
plan de mur aussi régulier que dans l’image précédente. Or
ce n’est pas le cas : on assiste au départ d’une surface en
arrondi. Avec une nuance cependant : cette portion de mur
située sue les arcades est construite en briques, signe
d’une construction ultérieure.
Observons à présent sur la même image
23 , les impostes. Ce ne sont pas des impostes,
mais des plaques peu épaisses qui n’ont aucune fonction
portante.
Viennent ensuite les images
25, 26 et 27 qui font apparaître les différences
entre le haut d’une abside, à plan presque carré, et le bas
régulier et à plan semi-circulaire outrepassé.
La coupole centrale (image
28) est sans doute relativement récente.
Des bases de piliers ont été posées sur le sol des absides.
Sans doute pour marquer l’emplacement des piliers dont parle
Manuel de Monforte en 1696 (images
29 et 30).
Commentaires
et datation
Nous n’avons pas voulu dans un premier temps commenter le
texte de Wikipedia. Nous allons le faire maintenant.
Il est fort bien documenté. Cependant certains éléments
semblent cependant contradictoires.
Tout d’abord, on nous apprend que cet édifice semble une
imitation du mausolée de Galla Placidia à Ravenne. La
ressemblance est effectivement très troublante. Il existe
une différence cependant : le mausolée de Galla Placidia est
en briques, alors qu’ici c’est de la pierre.
Toujours selon Wikipedia la « construction
du mausolée (de Ravenne) fut décidée par l’impératrice
Galla Placidia ver 430. Elle mourut cependant à Rome, le
27 novembre 450 et fut très probablement ensevelie dans la
Rotonde Sainte Pétronile …et non dans le mausolée de
Ravenne .. ». L’article de Wikipedia semble
contester le fait que ce bâtiment ait été un mausolée. «… Il fut en réalité utilisé
comme oratoire à l’époque paléochrétienne et dédié à Saint
Laurent… ».
La contradiction, nous la voyons apparaître dans les deux
textes de Wikipedia. D’une part, le mausolée de Galla
Placidia aurait été édifié en 430. D’autre part, l’évêque
Fructueux construit son « futur tombeau « après l’an 656. Il
y a plus de 200 ans de différence entre ces deux dates pour
deux monuments presque semblables. Un tel écart est trop
important et pose problème.
Il faut donc revenir à l’origine des informations. D’une
part, qu’est-ce qui prouve que le « mausolée
de Galla Placidia » est bien attribuable à Galla
Placidia ? Et la même question doit être posée concernant la
fondation de l’évêque Fructueux. Est-il possible que les
deux attributions soient toutes deux fausses ? Nous pensons
que l’église São Frutuoso de Montélios doit être comparée
non seulement au « mausolée
de Galla Placidia » mais aussi au baptistère
Saint-Jean de Poitiers. Notre datation est la suivante : an
550 avec un écart de plus de 100 ans.
De toute façon, et comme nous l’avons vu précédemment, cet
édifice a dû subir un certain nombre de modifications au
cours des siècles. Au vu de ce qui reste, on doit pouvoir
retrouver reconstituer l’évolution de ces transformations et
l’édifice initial. Cependant, nous ne sommes pas en mesure
d’effectuer nous-mêmes cette délicate analyse.
La plupart des transformations ont dû être réalisées durant
le premier millénaire. Cependant, certaines ont pu être
opérées à une date plus récente. Ainsi, lorsque le frère
Manuel de Monforte décrit l’église en 1696 et mentionne
l’existence de colonnes à l’intérieur des petites chapelles,
il est possible que ces colonnes aient été installées peu
auparavant. Le cas était fréquent au XVIIesiècle
de placer des colonnes pour soutenir des baldaquins à
l’intérieur de chœurs.