Église Saint-Sylvain d'Ahun
L'église Saint-Sylvain d'Ahun (Creuse) fait partie d'un
groupe d'églises relativement restreint que nous ne pouvons
pas attribuer au premier millénaire. Néanmoins, nous devons
étudier ces églises à cause de la rémanence de certaines
techniques architecturales ou de symboles iconographiques.
Le fait que nous ne puissions pas attribuer cet édifice au
premier millénaire ne signifie pas pour autant que sa
première fondation soit postérieure à l'an mille. Il nous
faut en effet abandonner l'image d'Épinal d'une église
inchangée au cours du temps : la belle petite église romane
du XIIesiècle n'existe pratiquement pas.
Toutes les églises ont évolué. Dans la plupart des cas,
l'ossature de la nef subsiste. Par contre, le chevet est
souvent modifié. Et il peut y avoir ajout d'un clocher, d'un
ouvrage Ouest, de chapelles latérales.
Concernant l'église d'Ahun, le chevet, d'époque romane, est
plus ancien que le reste de l'édifice (image
1). Fatalement, le chevet roman devait être
précédé d'une nef, antérieure ou contemporaine de ce chevet.
On peut envisager le schéma suivant : l'église primitive
était doté d'une nef. Soit cette nef était unique (à un seul
vaisseau). Dans ce cas, elle devait être dotée d'un transept
sur lequel était greffées une abside et deux absidioles
(seule subsiste l'absidiole Sud). La nef et le transept
auraient disparu, tous deux remplacés par l'actuelle nef.
Soit la nef était à trois vaisseaux, les vaisseaux étant
dans le prolongement des absides. Dans ce cas, l'existence
d'un transept n'est pas obligatoire. La non existence de ce
transept signifierait que l'église primitive était plus
ancienne que l'actuel chevet.
Mais pour le moment, nous n'en sommes
pas là ! Nous avons pu visiter l'intérieur de l'église (image 8). Les très
belles boiseries cachent des chapiteaux qui pourraient se
révéler intéressants à étudier (image
9). La visite de la sacristie (que nous n'avons
pu faire) serait plus intéressante encore, car elle est
située dans l'absidiole Sud et son prolongement vers
l'Ouest, et il est peu probable qu'on y trouve des boiseries
camouflant les murs comme dans l'abside principale.
Les images 4 , 5, 6 et 7
sont celles de chapiteaux de l'abside principale. Certains
de ces chapiteaux apparaissent très archaïques. C'est le cas
en particulier de ceux des images
4 et 7. Il ne faut pourtant pas se tromper. Nous
estimons que le chevet, dans son ensemble, est postérieur à
l'an mille. Les arguments en faveur de cette estimation sont
nombreux. Les innovations par rapport à des chevets plus
anciens sont les suivantes : existence d'un avant-chœur,
grandes baies décorées de colonnettes surmontées d'un tore,
décoration par une arcade de l'étage au-dessus des fenêtres.
Ce chevet daterait donc du XIeou du XIIesiècle.
Les chapiteaux qui le décorent seraient de la même époque.
Voire même plus récents encore. Nous ne sommes pas certains
en effet que le chapiteau de l'image
4 soit contemporain du chevet. Il est très proche
de la bordure. Nous n'attachons pas un grand intérêt à ce
type de chapiteau. Il en est de même pour les modillons
sculptés dont l'iconographie peut pourtant être très
inventive. Cela vient du fait que, comme les toitures sont
souvent refaites, ces chapiteaux ou modillons peuvent aussi
être changés en même temps que les toitures. Ce qui perturbe
les datations.
Concernant les chapiteaux des
images 5, 6 et 7, ils appartiennent aux contreforts
de l'abside. Nous pensons que ces contreforts ont été posés
après la construction de l'abside et non en même temps.
C'est ce que l'on peut observer sur l'image
6 : le tailloir du chapiteau est en décalage par
rapport aux « sourcils » surmontant les fenêtres.
Concernant la crypte (images
10 et 11), nous n'avons pas pensé à vérifier si
son plan s'inscrivait dans celui de l'église supérieure.
Nous pensons néanmoins que c'est le cas. Cette crypte
pourrait donc être contemporaine de l'église supérieure,
voire même postérieure à celle-ci. Aux alentours de l'an
mille, on a assisté à la création de cryptes à l'intérieur
d'absides élevées par pose d'un plancher intermédiaire.
L'étage inférieur, mal éclairé, accueillait le tombeau du
saint (image 12).
L'étage supérieur était réservé au culte.
Cette église abrite plusieurs pièces sculptées qui ont
attiré notre attention. Il y a d'abord une belle vasque
servant de bénitier, mais qui était probablement à l'origine
une fontaine baptismale (image
13). Nous la datons du IXeou du Xe siècle, mais ce, sans preuve réelle car nous
ne disposons pas de source de comparaison.
La seconde pièce est plus énigmatique (image
14). Nous ne savons pas quelle était son utilité.
Peut-être servait-elle d'unité de mesure ? Les côtés
demi-cylindriques font envisager qu'elle puisse tourner sur
un axe.
Tout aussi mystérieuse est la pierre de gauche de l'image
15. Elle aussi a une forme demi-cylindrique,
cependant différente de celle de l'image précédente. Elle
aussi porte une inscription épigraphique. Sa face supérieure
a été creusée comme l'étaient les tables d'autel préromanes.
La pierre centrale sculptée en forme d'obus est tout aussi
énigmatique.
Datation estimée pour l'abside : an 1100 avec un écart de 50
ans.