Autres monuments de Corrèze susceptibles de dater du Ier millénaire  

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Les édifices décrits dans cette page ont été identifiés comme pouvant dater du premier millénaire. Mais rien n’est certain. Ces églises ne nous sont connues que par quelques images extraites d’Internet. Seule une visite approfondie pourrait permettre une meilleure évaluation.

Les cinq édifices étudiés dans cette page sont les suivants : l’église Saint-Martin de Laguenne, les fonts baptismaux de l’église de Louignac, l’église Saint-Pierre-ès-Liens de Noailhac, l’église Saint-Bonnet de Saint-Bonnet-la-Rivière, l’église Saint-Martial de Sainte Fortunade.



L’église Saint-Martin de Laguenne

Extérieurement, le chevet de l’église Saint-Martin de Laguenne ne semble pas marquer un quelconque intérêt (image 3). Par contre, à l’intérieur (image 4), l’arc triomphal, outrepassé, ainsi que les chapiteaux qui le portent, font envisager une datation antérieure à l’an mille. Mieux encore ! Accolés aux piliers porteurs de cet arc, face à nous, deux colonnes noires portent des chapiteaux … qui ne portent rien (sur l'image 4 et le chapiteau à l'extrême droite de l'image 2). L'image 5 décrit en détail la colonne Sud. On peut voir en arrière-plan l’absidiole Sud.

Il faut bien comprendre qu'au cours du Moyen-Âge, tout avait un sens. Ces colonnes qui ne portent rien, et donc qui ne servent actuellement à rien, ont autrefois servi à quelque chose. Il est facile d’imaginer que ces colonnes ainsi que d’autres qui se trouvaient dans la nef ont servi de piliers porteurs du vaisseau central d’une nef à trois vaisseaux. L'image 6 de l’église vue du Nord Ouest permet de compléter cette imagination par la visualisation des trois vaisseaux réunis sous un toit à deux pentes. Certains éléments caractéristiques comme les chapiteaux à feuilles dressées ou l’étroitesse des collatéraux, ou encore le fait qu'il y ait trois entrées, une pour chaque vaisseau, sur la façade Ouest , nous font estimer la datation suivante : an 850 avec un écart de 200 ans.




Les fonts baptismaux de l’église de Louignac

Nous ne connaissons de cette église que les fonts baptismaux (images 7 et 8). Ceux-ci présentent un grand intérêt dû à l’originalité du modèle : têtes démesurées par rapport aux corps, yeux écarquillés, barbes ramenées sous le menton, etc. Bien que cette pièce soit chrétienne (elle porte le motif de la croix pattée portée sur une hampe), son interprétation symbolique est délicate.

Datation estimée : an 700 avec un écart de 200 ans.



Église Saint-Pierre-ès-Liens de Noailhac

Le nom du village Noailhac est probablement issu du latin « Novilla » qui signifie « Nouveau village ». Le nom apparaît dans l’œuvre de Grégoire de Tours pour désigner quelques fondations de prédécesseurs de ce prélat. Il daterait donc du Veou du VIesiècle.

Cependant, une telle ancienneté n’apparaît pas dans les images de cet édifice, que ce soit à l’extérieur (image 9), ou à l’intérieur (image 10).

Les fonts baptismaux (image 11) sont, quant à eux anciens, mais de datation difficile. Nous avons déjà eu l’occasion de voir des fonts baptismaux décorés comme celui-ci d’arcades. Celles-ci doivent très probablement avoir un sens symbolique, mais celui-ci nous échappe. Nous avons songé à la Jérusalem Céleste destinée à accueillir le baptisé. Mais cette cité céleste dont parle l’Apocalypse de Saint Jean est carrée avec 12 portes, alors qu’ici le pourtour est circulaire avec, semble-t-il, 24 arcs. Datation estimée : an 700 avec un écart de 200 ans.

Une datation analogue est proposée pour le chapiteau de l'image 12 qui représente la Tentation d’Adam et d’Ève. Cette scène est présente dès l’antiquité tardive (sarcophage du musée lapidaire de Narbonne), mais elle est amplement développée durant tout le Moyen-Âge. Ici cependant, on note beaucoup d’éléments permettant d’envisager une grande ancienneté (vêtement du personnage de droite, tête échevelée au-dessus de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, fruit défendu saisi par Ève et non Adam). La tête du personnage de droite semble posée sur une croix. Ce personnage pourrait donc être le Christ venu racheter la faute d’Adam et Ève. L’absence d’auréole confirme l’ancienneté de la représentation.


Reprise de l 'étude de cet édifice en novembre 2022


Lors d'un séjour en Corrèze, notre petit groupe d'amis (Alain et Anne-Marie Le Stang, mon épouse et moi-même) a pu visiter l'église de Noailhac et prendre une série de photographies. Auparavant, les images étaient issues des galeries d'Internet. Cette visite nous permet, d'une part d'ajouter davantage d'images, et d'autre part, d'approfondir la question concernant l'évolution de la construction et la datation.

Nous avons ainsi pu identifier deux corps de bâtiments, qui ont peut-être été construits à des dates différentes : l’avant-chœur et le chœur.


L'avant-chœur


Ce que nous appelons l’avant-chœur se situe à la base du clocher (image 14). Intérieurement (image 15), cet espace rectangulaire, voire carré, est voûté, semble-t-il, en plein cintre. La voûte est limitée à l'Ouest et à l'Est par des arcs doubleaux brisés. Il est possible que ces arcs doubleaux aient été construits postérieurement en remplacement d'arcs en plein cintre. Mais cela doit être vérifié. Ce qui nous fait émettre cette hypothèse vient du fait que les arcs brisés relèvent du gothique alors que les chapiteaux qui les soutiennent relèvent du roman, voir du préroman.

La voûte en plein cintre de cet avant-chœur est portée par deux arcades adossées aux parois Nord (image 16) et Sud (image 21). Jusqu'à une date récente, nous ne portions pas attention à cette disposition. Mais nous l'avons retrouvée à plusieurs reprises dans le Sud de la France (Gers, Charente, Dordogne. Presque à chaque fois, cette salle constitue la base d'un clocher. Il arrive même parfois que cette salle (et le clocher qui la surmonte) vienne clore l'édifice à l'Est. Ce qui signifie qu'elle constitue le chœur de l'édifice. En conséquence, nous envisageons qu'à l'origine, ces édifices (ou du moins certains d'entre eux) aient été à chevet carré. Et qu'un chœur semi-circulaire ait été construit ultérieurement. C'est peut-être le cas en ce qui concerne cette église de Noailhac.


Le mur Nord de l’avant-chœur


Nous analysons trois chapiteaux (vus d'Ouest vers l'Est) :

Image 17 : Chapiteau de l'arc triomphal. On reconnaît le thème récurrent de « Daniel et les lions ». Nous rappelons cependant que selon nous, cette appellation qui fait référence à un épisode biblique pourrait être erronée. L'image pourrait être symbolique : maîtrise du temporel par le spirituel (ou de la force par le droit ?). Cette idée est renforcée par la position accroupie de l'homme. Nous pensons que l'image de l'homme émergeant des feuillages vue à Saint-Bénigne de Dijon a été déformée en celle de de l'homme aux jambes relevées ou encore en celle de la sirène à deux queues. En tout cas, cette représentation semble être préromane.

Image 18 : Chapiteau de la colonnade. Lions se mordant mutuellement. Image assez nouvelle pour nous : à ajouter dans la catalogue assez fourni des thèmes romans ou préromans.

Images 19 et 20. Chapiteau de l'arc absidal : le Péché Originel. Ce chapiteau avait été étudié précédemment (voir ci-dessus). Nous confirmons que le personnage de droite est bien le Christ. Sa tête est ornée du nimbe crucifère. Sans toutefois l'auréole qui devait entourer la croix. Le caractère préroman de la représentation se confirme.


Le mur Sud de l’avant-chœur (image 21)

Nous analysons trois chapiteaux (vus d'Ouest vers l'Est) :

Image 22 : Chapiteau de l'arc triomphal. Masques crachant des feuillages. La datation est ici plus délicate, de telles représentations pouvant être préromanes ou romanes.

Image 23 : Chapiteau de la colonnade. Hommes à demi accroupis. Il semblerait que ce chapiteau soit décoré sur les quatre faces. Le personnage de gauche situé dans le coin est à demi inséré dans la maçonnerie.

Image 24. Chapiteau de l'arc absidal : Feuillages. Là encore, la datation est problématique.


L'abside (image 25)

Nous analysons quatre chapiteaux (vus du Nord au Sud vers l'Est) :

Image 26 : Chapiteau de l'abside. Chapiteau à feuillages.

Image 27 : Chapiteau de l'abside. Un homme et une femme, les bras entrelacés. La représentation de ce chapiteau vue ici pour la première fois nous semble moderne.

Image 28 : Chapiteau de l'abside. Deux hommes avec bras et jambes entrelacés. Le thème de ce chapiteau est observé ici pour la première fois.

Image 29 : Chapiteau de l'abside. Deux hommes avec bras entrelacés. À remarquer que les bras ne prennent pas naissance sur l'épaule au-dessous du cou, mais sur les oreilles. Pourtant ce sont bien des bras terminés par des doigts. Le thème de ce chapiteau est observé ici pour la première fois. Elle nous semble plus en rapport avec l'esthétique romane ou préromane que moderne. Le thème est énigmatique.

Image 30 : Les fonts baptismaux ont été décrits précédemment. Depuis cette description, nous avons eu l'occasion de voir d'autres fonts baptismaux à Bastanous dans le Gers. Ces derniers sont décorés comme ici de damiers et d'arcades. La différence étant que ceux de Bastanous sont à plan carré, chaque face étant décorée différemment. De plus, les arcades abritent des personnages. Les fonts baptismaux de Bastanous sont estimés préromans (an 700 avec un écart de 200 ans).


Datation envisagée pour la base du clocher de l'église de Noailhac : an 900 avec un écart de 100 ans (datation estimée à partir des deux chapiteaux : Daniel et les lions et le Péché Originel).




L’église Saint-Bonnet de Saint-Bonnet-la-Rivière


Il s’agit d’une église à plan centré. On sait que ces églises sont rares, on en a vu une autre précédemment. C’est l’église paroissiale de Saint-Michel en Charente. Et on en verra une autre en Nouvelle Aquitaine, celle de Charroux dans le département de la Vienne.

Nous pensons que ces églises sont plus des monuments civils que des églises. Et ce, bien que la plupart d’entre elles sont dotées d’absides. En conséquence de cet ajout, le plan de ces églises n’est pas tout à fait centré. Ce n’est pas le cas de l’église Saint-Bonnet dont le plan est parfaitement circulaire (images 31 et 32).

Nous pensons que ces édifices ont été édifiés avant l’an mille. Nous avons pu montrer dans certains cas que les absides avaient été ajoutées plus tard. On trouve de tels édifices dans toute l’Europe, les plus représentatifs étant la Chapelle Palatine d’Aix-la-Chapelle et Saint-Donat de Zadar.

Les murs de l’église de Saint-Bonnet sont formés de blocs irréguliers qui ne sont pas caractéristiques de l’époque romane, mais pourraient l’être de la période antérieure.

Nous sommes plus circonspects vis-à-vis des piliers et des chapiteaux qui les surmontent (images 33 et 34). Ils pourraient être le résultat d’une restauration importante au XVIIIesiècle. En tout cas, l’arc en anse de panier qui permet de communiquer avec le sanctuaire (au centre de l'image 34) ne peut être préroman, ... ni même roman.

Datation envisagée : an 750 avec un écart de 200 ans.



Ajout en Novembre 2022

Lors d'un récent déplacement un Corrèze, Alain et Anne-Marie Le Stang ont pu visiter ce monument et apporter des renseignements supplémentaires.

Un panonceau donnait les indications suivantes :

« Église Saint-Bonnet

Classée au titre des monuments historiques en 1911. Jusqu'à la Révolution, l'église de Saint-Bonnet-la-Rivière est une dépendance de l'abbaye de Solignac en Haute-Vienne.

Selon les sources, une première église, construite au XIe siècle ou au XIIe siècle, à côté du château, est détruite au XVIIe siècle à la suite d'un incendie. Une nouvelle église est alors construite dans le haut du bourg. La première messe y est célébrée en 1608. La tradition veut que sa construction soit liée à l'expiation d'un crime. Elle aurait été imposée par le pape selon le plan du Saint Sépulcre de Jérusalem (plan centré circulaire). La grande originalité de l'église de Saint-Bonnet-la-Rivière est ce plan particulièrement rare en Limousin.
[...] »

Il convient d'analyser le texte ci-dessus avec précaution. Certaines des informations qui nous sont apportées sont des lieux communs dépourvus de signification réelle. Ainsi la phrase, « une première église, construite au XIe siècle ou au XIIe siècle », constitue un de ces lieux communs. Pour les historiens de l'art, il n'y a pas d'église construite avant le XIe ou le XIIe siècle ! Durant une période de 600 ans, entre l'an 400 et l'an 1000, rien ne s'est passé : les gens ne sont pas nés, ils ne sont pas morts. Et bien sûr, ils n'ont pas construit d'église. Mais ils ont détruit les églises qu'ils n'avaient pas construit !

Un autre de ces lieux commune est la légende selon laquelle les églises ont été construites selon le plan du Saint Sépulcre de Jérusalem : dans le plan du Saint Sépulcre de Jérusalem, il n'y a pas comme ici de noyau central.

Par contre, l'information selon laquelle cette église pourrait dater du XVIIe siècle est plausible. Nous avons en effet remarqué dans l'étude précédente que certains éléments comme un arc en anse de panier était moderne (postérieur au XVIe siècle) . Mais il y a aussi les chapiteaux des piliers (image 39) qui sont simples et dépourvus de décor et pourraient donc appartenir à une période moderne (au Moyen-Âge et dans cette région, rares sont les chapiteaux simplement épannelés). À l'inverse, le portail d'entrée (image 35) est typiquement roman. Il n'apparaît pas néoroman (XIXe ou XXe siècle) et le style des XVIIe et XVIIIe siècles est tout à fait différent du style de ce portail.

Par ailleurs, sur le plan de l'image 36, on constate un manque de cohérence dans l'espacement des piliers et des fenêtres. En conséquence, cette église n'est pas tout à fait à plan centré même si on enlève les bâtiments annexes comme la sacristie ou l'entrée.

L'hypothèse selon laquelle ce bâtiment pourrait avoir été construit ou presque totalement reconstruit au XVIIe siècle est plausible.

Cependant, le style de ce bâtiment n'est pas du tout un style du XVIIe siècle. Et de plus, même si au niveau du chœur les piliers ont été espacés, sans doute pour permettre à l'assemblée des fidèles de mieux voir les célébrations, ce bâtiment n'est pas adapté au culte chrétien.

Nous ne voyons qu'une possibilité. Il existait en cet emplacement ou à côté du château un édifice à plan centré. Peut-être à la suite d'un incendie ou après les désordres provoqués par les guerres de religion (les deux pouvant être liés), ce bâtiment a disparu ou a été très fortement endommagé. Il a alors été décidé de reconstruire une église. Mais de la faire comme la précédente avec peut-être des aménagements tels qu'un plus grand espacement des colonnes au niveau du chœur ou la suppression d'une galerie au-dessus du déambulatoire.

L'idée est donc que, même si cette église a été construite au XVIIe siècle, il existait auparavant un édifice à plan centré analogue à ceux que l'on voit un peu partout en Europe.



L’église Saint-Martial de Sainte Fortunade


Pour cette église aussi, les images de l’extérieur (images 41 et 42) ne laissent pas apparaître une quelconque ancienneté.

À l’intérieur (image 43), cette ancienneté apparaît seulement avec les chapiteaux des deux arcs (arc absidal et arc triomphal). Et encore! le manque de qualité de l’image nous empêche de savoir s’ils sont antérieurs ou postérieurs à l’an 1000.

Cette ancienneté pourrait se manifester dans l'image 44 où l’on voit la scène devenue à présent classique des « oiseaux au canthare ». On sait que cette représentation est connue dès l’époque romaine et qu’elle aurait disparu à l’époque romane. Par manque de données, nous ne connaissons pas la date (au siècle près) de disparition de ce symbole. Ce modèle pourrait faire partie des plus récents. Le symbole des « oiseaux au canthare », souvent représenté sur des tombes, pourrait être associé à la résurrection, l’âme des morts étant emportée vers le ciel par les oiseaux.

Un autre chapiteau représente le combat de deux hommes. Nous n’avons pas encore suffisamment de références pour arriver à dater ce type de chapiteau. Il est placé ici comme témoin. Peut-être qu’un jour, à force de comparer avec d’autres scènes de combats (armes, vêtements), arriverons nous à une classification, puis une datation, de ces chapiteaux.

Sous toutes réserves, la datation envisagée est la suivante : an 1050 avec un écart de 100 ans.


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