Abbatiale Saint-Barthélémy de Bénévent-l'Abbaye  

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Voici ce qu‘en dit la page du site Internet Wikipedia consacrée à cet édifice : « En 1028, Umbert, chanoine de Limoges, fonde un monastère de religieux de l'ordre de Saint Augustin, dans un lieu appelé Segondelas (à 1 km de Bénévent). Ce monastère fut transféré peu de temps après (vers 1030) sur son emplacement actuel. Le monastère doit son nom, au fait que l'on y plaça à l'origine des reliques de Saint-Barthélémy, rapportées de Bénévent, en Italie. »

La lecture « entre les lignes » du texte permet de penser que la date approximative de 1030 est celle de la fondation initiale du monastère de Bénévent. En effet, dans bien d’autres cas, les communautés religieuses devaient être invitées à venir s’installer dans des bâtiments déjà construits, parfois longtemps auparavant. Dans le cas présent, on peut imaginer le scénario suivant : en 1028, le chanoine Umbert, homme disposant probablement de soutiens importants, crée une communauté. Il la loge provisoirement à Segondelas. Puis, lorsque la communauté est formée ou lorsque de nouveaux bâtiments sont construits, il les loge à Bénévent.

Il est donc probable que la construction du monastère ait débuté vers l’an 1030. Cela ne signifie pas cependant que l’ensemble du monastère ait été construit à cette date.


Extérieurement, l’église semble à nef unique (image 1). Qui plus est, cette nef, crépie, ne semble pas romane. Le chevet, par contre, est manifestement roman. Cependant, on note des différences au niveau des fenêtres. Celle, à double ressaut, du déambulatoire (image 4), est différente de celles des chapelles rayonnantes. Les deux fenêtres sont aussi différentes de celles de la tour-lanterne (image 3). Celles-ci sont encadrées de colonnettes. On peut envisager la succession de constructions suivante : en premier lieu, mur extérieur du déambulatoire. Puis les chapelles rayonnantes. Et enfin la tour-lanterne.

Le déambulatoire pourrait avoir appartenu à l’église primitive. Par contre, la tour-porche (image 5) semble plus récente. Avec son arc légèrement brisé, le porche (image 6) date des environs de l’an 1100.

Parmi les sculptures de l'image 7, on peut voir des oiseaux affrontés. S’agit-il d’une représentation « d’oiseaux au canthare » analogue à celle de l’église Saint-Martial de Sainte-Fortunade (Corrèze) ?


Lorsque nous avons visité cette église, en septembre 2015, notre recherche comparative sur l’architecture des églises romanes était déjà lancée et nous commencions à avoir des idées de synthèse. Aussi nous avons été très surpris en découvrant l’intérieur de la nef (images 8, 9, 10).

Cette nef en effet ne ressemble à aucune autre. Elle apparaît romane, comme en témoignent les chapiteaux situés en haut des piliers. On retrouve dans ces piliers et les arcs qui les relient le profil caractéristique hérité des basiliques romaines.

Cependant, de nombreux détails posent question. Ainsi, l’absence de collatéraux. Il existe bien des passages entre les piliers et les murs latéraux, mais ces passages ne sont pas suffisants pour constituer de véritables vaisseaux (image 9). Il y a aussi toujours sur cette image 9 le fait que les arcs entre piliers soient brisés. Et puis, au-dessus de ces arcs, ces ouvertures témoins probables d’une galerie de circulation. Le fait que ces ouvertures soient très proches du sommet des arcs ne correspond pas au style roman. Bien sûr, il existe d’autres églises comportant de telles anomalies, mais c’est en général dû à des réfections des parties supérieures. Et dans ce cas, on trouve des traces de ces réfections dans le fait que les travées sont différentes. Or, rien de tel sur l'image 9. Toutes les travées sont parfaitement semblables : cette nef a été réalisée sur un plan organisé. Il s’agit bien d’une première construction.

Et immédiatement, une déduction s’impose : soit cette première construction est d’époque romane (XIIesiècle) . Et dans ce cas, on se trouve en présence d’une œuvre exceptionnelle réalisée par un architecte qui se détache totalement des contraintes de son époque. Soit il s’agit d’une œuvre néo-romane.

Revenons à l'image 9. Qu’est-ce qui ne va pas selon nous dans cette image ? Qu’est-ce qui n’est pas typiquement roman ? Observons la retombée des arcs brisés. Elle s’effectue sur des impostes ou des corniches qui se prolongent en direction du mur. En dessous de ces impostes, il y a les piliers. Mais comment définir exactement chacun des piliers ? Si le pilier est situé sous le pourtour de l’imposte ou de la corniche, donc d’une grande largeur, on ne comprend pas l’ouverture de passage située au dessous de l’imposte. Si le pilier est plus étroit, on ne voit pas apparaître la trace de ce pilier sur le parement du mur ou sur l’imposte. Résumons-nous : si cette architecture était romane, on verrait à l’emplacement de la corniche une imposte clairement apparente ou un chapiteau.

Or ce chapiteau existe bel et bien.  Il se trouve situé à l’extrême droite sur l'image 10 alors qu’on ne le voit pas ailleurs. Ce chapiteau que l’on peut voir aussi sur l'image 11 appartient à la première travée de la nef, la travée qui soutient le clocher-porche. On voit par ailleurs sur l'image 1 que, extérieurement, cette travée est différente de celles de la nef.

Lorsque nous avons visité cette église, nous n’avons malheureusement pas songé à étudier plus en détail cette première travée. Cette étude pourrait sans doute permettre de résoudre le mystère de cette église. Elle ferait partie de l’église primitive, une église dotée de vrais collatéraux. Soit, au moment de la construction du clocher-porche, au-dessus de la première travée du vaisseau central, soit ultérieurement, on aurait renforcé le vaisseau central de cette travée en raccourcissant la largeur de collatéraux (leur toit existe encore sur l'image 1). Beaucoup plus tard, à une époque néo-romane, l’architecte chargé de refaire la nef l’aurait reprise à l’image de cette travée sans toutefois refaire des chapiteaux comme celui de l'image 11.


    Nous avons vu précédemment que le chevet avait pu être fait en deux étapes : d’abord le déambulatoire, puis les chapelles rayonnantes. Il est même possible qu’il y ait eu trois étapes. Nous commençons à réaliser que des déambulatoires ont pu être construits à l’intérieur de grandes absides construites auparavant grâce à l’installation de colonnes intermédiaires.

    Le croisillon Nord du transept (image 13) semble plus authentique que la nef. Nous n’avons cependant pas d’image pour confirmer cette hypothèse.

    Passons aux chapiteaux. Celui de l'image 14 déjà vu dans les images 10 et 11 appartiendrait à l’église primitive.

    Le chapiteau de l'image 15, situé dans le croisillon Nord du transept, montre une femme se tirant les cheveux. Nous ne connaissons pas l’interprétation de la scène.

    Nous ne sommes pas sûrs de l’authenticité des chapiteaux des images suivantes de 16 à 19. Cependant, nous constatons sur ces images une discontinuité du profil des corniches et des tailloirs qui fait envisager plusieurs étapes de travaux.

    Analogues aux « oiseaux au canthare », les griffons picorant une tête humaine de l'image 17 pourraient être romans. L’atlante de l'image 18 fait plus penser à des représentations du XIIIesiècle. Le masque cornu encadré de deux centaures de l'image 19 est plutôt caractéristique du XIVesiècle. En bref : une image très déroutante que nous n’arrivons pas à expliquer.

    Les chapiteaux du déambulatoire ( images de 20 à 24) datent probablement des environs de l’an 1100. L’ensemble est plus homogène (feuillages, masques vomissant des entrelacs). Cependant, le chapiteau de l'image 22 pose question. La scène représentée se révèle incompréhensible. Il est possible que cela soit dû à la nature d’un matériau difficile à sculpter (le granit ?).


      Datation

      Cette église qui, au tout début, semblait facile à analyser, se révèle plus complexe que prévu. Cependant, nous n’avons pas vu d’élément qui nous permette de la faire remonter avant l’an 1000. Une date comprise entre les années 1030 et 1050 envisagée dès le début est même problématique, car difficile à prouver au vu des éléments que nous possédons.

      Datation envisagée : an 1075 avec un écart de 50 ans.