Les églises de la ville de Zamora
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La ville de Zamora contient un bon nombre d’églises romanes
ou en partie romanes : la cathédrale, San Pedro et San
Ildefonso, Santa María la Huerta, San Juan, Santiago del
Burgo, Santa Magdalena et sans doute d’autres encore. La
visite de moins d’une demi-journée que nous avons faite dans
cette ville en 2004 ne nous a pas permis d’identifier dans
ces dernières églises romanes des parties préromanes. D’une
part la visite était trop rapide, les églises étaient pour
la plupart fermées et, en 2004 nous n’avions pas encore
développé les méthodes d’identification que nous utilisons
actuellement. Cependant, quelques édifices décrits
ci-dessous ont attiré notre attention.
L’église
Santo Tomé
Apparemment le chevet (image
1) de cette église est roman, comme en témoignent
les belles fenêtres qui ornent sa façade. Cependant, on sait
que des fenêtres ont souvent été percées dans un mur ancien.
En tout cas, le plan du chevet (abside centrale
rectangulaire débordant de peu sur les absides latérales est
analogue à celui de certaines églises préromanes, par
exemple Sainte Marie de Wamba).
Actuellement, cette église serait occupée par un musée d’art
sacré (image 2).
Une pierre tombale y est déposée (image
3). Elle est décorée de rouelles (déjà
rencontrées en Espagne en plusieurs occasions) et des sortes
de croix quadrillant un espace (nous avons déjà rencontré
des motifs similaires. C’était au musée lapidaire installé
dans le baptistère de Poitiers).
L’église
Santo Cipriano
Le plan du chevet de cette église est analogue à celui de
l’église précédente (abside centrale rectangulaire débordant
de peu sur les absides latérales). Mais ici l’ancienneté
semble plus apparente par suite des anomalies comme ce
pignon dépassant du faîte de toit (image
4). De plus, l'image
12 qui montre l’intérieur du chevet laisse
envisager que la nef de l’édifice primitif était à trois
vaisseaux et que les absides étaient en prolongement des
nefs. Si c’est ce dernier modèle qui convient, alors il y a
forte probabilité que cette église soit antérieure de
plusieurs siècles à l’an mille.
Toujours est-il que, sur les murs de cet édifice, nous avons
repéré un certain nombre de bas-reliefs qui prouvent son
ancienneté. Il y a d’abord un bandeau décoré d’un guerrier
et d’un ange, suivi d’une pierre décorée de ce qui semble
être un chrisme. Enfin un animal fantastique (hydre à 7
têtes ?) (image 7).
Il y aussi une croix pattée
(image 8)
caractéristique du Veou VIesiècle.
Un homme entre deux quadrupèdes, peut-être Daniel entre les
deux lions (image 9).
Enfin un homme implorant
(image 10).
Toutes ces réalisations peuvent être considérées comme
antérieures de plusieurs siècles à l’an 1000. Il existe une
autre réalisation qui pourrait être antérieure à l’an 1000
si on observe la fenêtre de l'image
11. Son encadrement est manifestement roman du XIesiècle.
Mais on découvre à l’intérieur une autre fenêtre, nettement
plus étroite. Elle est protégée, non par un arc, mais pas un
linteau monolithe dont le bord inférieur a été taillé en
forme d’arc. Ce linteau décoré d’entrelacs en faible relief
est préroman.
La datation de cet édifice primitif est délicate : an 800
avec un écart de 200 ans.
L’église
Santa María la Nueva
Nous n’avons pas visité l’intérieur de cette église, mais il
nous semble que l’intérêt doit surtout se porter vers
l’extérieur du chevet. On constate en effet que ce chevet
est plus haut que l’avant-chœur qui a dû être ajouté
ultérieurement (images
13 et 14).
Sur le mur extérieur de l’abside (image
14), de fines colonnettes portent, par
l’intermédiaire de chapiteaux, une série d’arcs. Ce ne sont
pas ce que nous appelons des
« arcatures lombardes « mais le modèle en est proche. À
remarquer que ces arcs n’ont pas le même rayon. Cela vient
du fait que les colonnettes sont inégalement réparties sur
le pourtour de l’abside. Par contre, on voit sur les images 13 et 14 que
les fenêtres s’inscrivent régulièrement entre deux
colonnettes successives.
Notre hypothèse est la suivante : l’abside primitive était
très simple et devait être charpentée. Elle était dotée de
trois fenêtres très étroites de forme meurtrière. Ces
fenêtres existent encore. On peut les voir sur les images
13 et 14 et, plus distictement, sur les images
21 , 22, 24 et 25.
Aux alentours de l’an 1000, il a été décidé de voûter
l’abside par une voûte en cul-de-four. Mais cette opération
nécessitait un épaississement des murs pour combattre les
poussées de la voûte. Mais le fait d’ajouter une épaisseur
au mur devait provoquer l’obstruction des ouvertures. On a
donc créé les baies à colonnettes que l’on voit
actuellement. Par ailleurs, il fallait aussi épaissir la
bordure du toit. On a donc imaginé cette série d’arcades qui
court en haut du mur. Mais il fallait soutenir ces arcs par
des colonnettes. Mais il ne fallait pas que ces colonnettes
passent au milieu des fenêtres qui venaient d’être
construites. Et donc, on les a placées symétriquement de
part et d’autre des fenêtres et on a complété comme on
pouvait. Ce qui explique les différences de distances entre
piliers et donc l’irrégularité des rayons des arcs.
Voilà donc un essai de reconstitution logique du déroulement
des opérations.
Sur l'image
15, la porte présente un bel arc outrepassé. Un des
chapiteaux soutenant cet arc est décoré d’une sirène à deux
queues (image 16).
Ce type de représentation n’est pas rare. On le retrouve
dans plusieurs endroits de la chrétienté sans pour autant
que nous en connaissions la provenance et l’interprétation.
Le caractère sexuel de l’œuvre semble avéré. D’autant que
depuis Homère, la sirène est le vecteur de la tentation.
Cependant, il faut se méfier de conclusions hâtives.
L’explication d’un symbole ne signifie pas que tout le
symbolisme a été décrypté.
Les chapiteaux des images
17 , 18, 19 et 20 sont d’un type particulier que
nous nous efforcerons de nommer ailleurs sur ce site
(chapiteau sculpté sur ¾ de tour ?). Côté mur, leur surface
est plane. Mais avant cela, une sorte de bordure encadre la
partie sculptée.
Nous pensons que ces chapiteaux pourraient dater des
environs de l’an mille. Plutôt avant.
Nous envisageons une datation analogue pour les chapeaux des
fenêtres. Le décor est en effet caractéristique des Xe-XIe siècles : entrelacs (
images 21, 22, 24, 25), représentations d’oiseaux
censés emporter l’âme vers les cieux (images
22 et 23), orant (image
24). Ces chapiteaux se révèlent énigmatiques :
que fait le personnage vêtu d’une robe de l'image
24 ? et la femme vue sur l'image
25 ?
Conclusion
concernant Santa María la Nueva
Nous sommes confrontés à deux situations apparemment
contradictoires. D’une part, nous avons précédemment estimé
que les fenêtres à colonnettes telles que nous les voyons
ici sont typiquement romanes. D’autre part, nous estimons
que les chapiteaux sont préromans. Estimation de datation
pour les fenêtres : an 1075 avec un écart de 75 ans.
Estimation de datation pour les chapiteaux : an 950 avec un
écart estimé de 100 ans. Certes, les deux intervalles se
chevauchent dans la période (1000, 1050). Néanmoins la
réponse ne peut nous satisfaire. Il importe de poursuivre
les recherches en essayant de mieux dater d’un côté les
fenêtres et de l’autre l’iconographie sculptée.