L’église Santa Cristina de Lena 

• Espagne-Portugal    • Article précédent    • Article suivant    


Il faut tout d’abord noter que l’édifice occupe un cadre exceptionnel, au sommet d’une petite colline au pied des monts cantabriques. L’altitude de la ville voisine de Lena est de 538 mètres (images 1 et 24). Le Puerto Pajares, col situé sur la frontière entre les régions des Asturies et du Leon, n’est qu’à quelques kilomètres de là.

On retrouve à Santa Cristina de Lena une fenêtre triple analogue à celles vues précédemment à San Tirso de Oviedo, ou à San Salvador de Valdediós. Il existe une différence cependant : celle-ci est recouverte d’un linteau non sculpté alors que les précédentes étaient surmontées d’arcs outrepassés ou d’un linteau sculpté en forme d’arcs outrepassés. Il est possible que ce dernier type de linteau ait été employé à Santa Cristina et qu’il ait disparu, remplacé par l’actuel (image 4).

Les images 3, 6 et 7 font apparaître des contreforts adossés au mur. Ces contreforts sont placés en rythme régulier. En conséquence, on peut envisager qu’ils ont été installés dès le début de la construction. On peut les comparer aux contreforts de Santa María de Naranco, et, dans une moindre mesure à ceux de San Miguel de Lillo. Une légère différence cependant. Alors que ceux de Santa María de Naranco ont été construits dans un appareil fin et décorés d’un trait incisé, l’appareil de ceux-ci est grossier et ils sont dépourvus de décoration.


Sur les images 2 , 6, 7 et 8 apparaissent des pièces annexes accolées à l’édifice sur ses flancs Nord et Sud. On constate sur les images 2 et 8 que celle du Nord est plus haute que celle du Sud. Sur le plan de l'image 10, ces deux chapelles apparaissent comme les éléments d’un transept. Mais vu l’étroitesse des entrées (porte de droite de l'image 15), ces salles ne peuvent être interprétées comme les croisillons d’un transept. Remarque : on a déjà eu l’occasion de voir ce type de construction à San Salvador de Valdediós. On s’était alors posé la question de savoir si elles faisaient partie du plan primitif ou si elles avaient été ajoutées plus tard. Au vu de l’existence des contreforts, nous pensons que, dans le cas de Santa Cristina de Lena, toutes les constructions extérieures ont été faites simultanément.

L’intérêt de l'image 9 n’apparaît pas immédiatement : le chapiteau posé sur deux colonnes demi-cylindriques est lui-même un demi-cylindre.


Les images 11 à 15 constituent une sorte de « travelling » de la partie Est de l’église. Elles sont censées montrer toutes les particularités de cette nef un peu déroutante.

Observons tout d’abord le plan de l'image 10. Si on fait abstraction des pièces Nord et Sud ainsi que du porche, ce plan se réduit à deux pièces : une grande pièce rectangulaire suivie d’une plus petite, carrée. C’est le plan classique : la partie rectangulaire est la nef réservée aux fidèles et la partie carrée est le sanctuaire réservé au sacrifice de la messe.

Observons à présent les images 10 et suivantes : la partie rectangulaire censée être réservée aux fidèles est divisée en deux. Du côté sanctuaire, le sol est surélevé d’environ un mètre. Sur cette estrade et en limite de rupture de niveau, des colonnes ont été dressées portant des arcs lesquels portent un mur à claire-voie. Ce mur crée une séparation entre la partie inférieure (réservée aux fidèles) et la partie supérieure. Cette dernière ajoutée à la pièce carrée où se trouve actuellement l’autel constitue le sanctuaire. Un sanctuaire qui est donc nettement plus grand que la pièce carrée.

Imaginons que, au moment de la construction, les bâtisseurs aient voulu faire un sanctuaire plus grand que la petite pièce carrée. Ils auraient fait une pièce plus grande et non la construction que l’on voit actuellement. En conséquence, nous pensons que l’estrade et le mur de séparation sont postérieurs à la construction initiale.

Remarquer sur l'image 13 la présence (accidentelle ?) d’un arc outrepassé.


Venons en à présent aux similitudes. En premier lieu les chapiteaux « prismatiques » ou « à zigzag ». On les voit sur les images 17, 20 et 21. Ils sont semblables aux chapiteaux de Sainte Marie de Naranco jusque dans les détails : quadrupèdes sur la face avant, petits personnages dans les coins.

Les colonnes au-dessous de ces chapiteaux sont, comme à Naranco, torsadées.

Au-dessus de l’intersection de deux arcs, on peut voir par endroits des disques eux aussi semblables à ceux de Naranco, mais moins nombreux et en plus mauvais état
(images 16, 20 et 21 ).

Les colonnes du mur de séparation entre nef et sanctuaire sont en marbre, donc différentes des colonnes torsadées. Les chapiteaux à « feuilles dressées » sont eux aussi différents des chapiteaux « prismatiques ».

Ce mur de séparation est un mystère. Pourquoi avoir mis des claires-voies ou des claustra ? L’usage est justifié lorsqu’il s’agit d’une fenêtre pour empêcher l’arrivée d’un intrus. Mais dans le cas présent, les arcs délimitent des baies grandes ouvertes; l’intrus peut passer au-dessous. Ou bien au-dessus car le mur est largement ouvert au-dessus des claustra (image 13).

Nous terminons cette rapide description avec les images 22 et 23 du chancel. Dès l’abord ces pièces partiellement taillées à la base semblent avoir été récupérées sur un édifice plus ancien.

Voyons ce qu’en dit Wikipedia : « Les bas-relief du chancel, sorte d’autels (nous pensons que ce n’est pas le cas : il faudrait plutôt dire : « sorte de tables de communion ») sont des sculptures d’origine wisigothe, reconnaissables aux motifs, figures géométriques, feuilles, oiseaux, etc … opportunément réemployés. On devine sur une des tranches une inscription en date 643 de l’ère hispanique où il est noté :

OFFERET FLAINVS ABBA= IN ONORE APOSTOLOR (um) D(e)I= S(an) C(t)OR(um) PETRI PAVLI.  » . Notre traduction : Offert par l’abbé Flainus en l’honneur des Apôtres de Dieu , les saint Pierre et Paul.

La date 643 de l’ère hispanique correspond à l’an 605 de notre ère (il faut enlever 38 ans).

Remarques : L’hypothèse que ces bas-reliefs soient wisigoths est crédible. Les motifs sont en effet comparables à d’autres trouvés dans des zones d’occupation wisigothe. Ces plaques de chancel ont été très certainement offertes à une église consacrée à Saint Pierre et Saint Paul. On pourrait penser qu’elle était différente de celle-ci, consacrée à Sainte Christine. Mais ce n’est pas certain. On a constaté que des églises pouvaient changer de dédicaces. Il est possible que ce soit le ca ici : l’église, initialement consacrée aux saints Pierre et Paul, a pu être ultérieurement consacrée à Sainte Christine.


Datation et conclusions

Nous pensons que la première église était constituée d’une nef unique charpentée à plan rectangulaire. Il est possible que cette première église ait été entretenue par des wisigoths. Datation : an 600 (ou mieux 605) avec un écart estimé de 100 ans.

Plus tard (peut être durant le règne du roi Pélage), la nef principale est voûtée sur le modèle de Santa María de Naranco. Datation : an 750 avec un écart de 150 ans. Le style, très proche de celui de Naranco n’a pas été rencontré ailleurs. Il est donc fort possible que ce style soit proprement asturien, crée par les montagnards asturiens devenus alliés des peuples romanisés de la plaine asturienne.

Plus tard encore, il y aurait eu agrandissement du chœur par l’installation du mur de séparation à claire-voie (jubé). Datation : 850 avec un écart de 150 ans.

Remarque : le site Wikipedia nous dit encore ceci : « l’église Santa Cristina, datant de 852, …). Nous ne savons pas où l’auteur a pu trouver cette date. Cependant, elle entre en totale contradiction avec la suite : « Elle correspond probablement avec l’ancienne fondation de San Pedro et San Pablo de Felgueres du VIesiècle, et a très probablement une origine wisigothe que Ramiro Ier (842-850) a restaurée. »