La chapelle Sainte-Anne du Pègue
Cette chapelle est un peu à l’écart du
village. Elle est entourée d’un cimetière. Un panneau situé
à l’entrée nous révèle ceci : « Construite
au XIesiècle, puis modifiée au XIIe,
cette chapelle du diocèse de Die était autrefois sous le
vocable de Notre-Dame-d’Authon. Au XVIIesiècle,
elle fut agrandie d’une travée de nef vers l’Ouest. Les
constructeurs de l’église ont utilisé des matériaux
extraits du site antique tout proche. Inscription dans la
fenêtre de l’abside, colonnes et chapiteaux de l’arc
triomphal. Des signes lapidaires caractéristiques du XIIesiècle
parsèment les pierres de parements (signature complète
PONCIVS à l’angle extérieur Sud-Est). »
Nous sommes toujours un peu surpris de
découvrir de tels commentaires. Comment le rédacteur du
texte a-t-il fait pour savoir que cette chapelle a été
construite au
XIesiècle, puis modifiée au XIIesiècle
? Certes, il est fort possible qu’un texte du XIesiècle
décrive la construction de cette chapelle à la même période
et qu’un autre du XIIesiècle parle de
modifications apportées à cette construction. Cependant, une
telle explication est très peu probable. Il est déjà très
difficile d‘avoir pour ces périodes des renseignements sur
de grandes églises. Alors, en ce qui concerne de petites
églises comme celles-ci, l’absence totale de documents du XIe ou du XIIesiècle est l’hypothèse la plus probable.
Alors comment l’auteur du texte a-t-il fait ? Nous pensons
qu’il a eu recours a un raisonnement très simple : l’édifice
étant constitué d’arcs et de voûtes en plein cintre, c’est
un édifice roman. Il date donc du XIeou du XIIesiècle. Mais il y a eu deux étapes de travaux
dans cette construction romane. Donc la première étape date
du XIesiècle et la seconde date du XIIesiècle.
Ce raisonnement, aussi simple soit-il, exige des prérequis.
Le premier de ces prérequis est que toutes les églises sont
postérieures à l’an mille. Or, c’est justement une idée que
nous combattons. En présence de tels édifices, nous
envisageons toujours la possibilité qu’ils puissent être
antérieurs à l’an 1000. Mais que signifie « antérieur à l’an
mille » pour une église ? Cela signifie que l’église peut
appartenir à une période de 600 ans, de l’an 400 à l’an 999.
Face à un tel écart, nous préférons avouer notre ignorance
plutôt qu’émettre des hypothèses qui pourraient être un jour
mises en défaut.
En conséquence, plutôt qu’effectuer une évaluation, nous
préférons procéder à un examen attentif en espérant que les
conclusions serviront pour d’autres églises semblables.
L’abside (images 2 puis 3) révèle
l’existence de plusieurs constructions successives. Tout
d’abord en bas de l'image
3, sous le trou de boulin, un petit appareil.
Puis, autour du trou de boulin, un appareil moyen fait
de blocs réguliers. Au-dessus encore, une rangée de blocs
plus gros et moins bien conservés. Enfin la frise en dents
d’engrenage surmontée par la corniche du toit. La frise en
dents d’engrenage se retrouve fréquemment lorsqu’il y a des
arcatures lombardes. Nous pensons que ces arcatures
lombardes ont contribué au voûtement des églises. Bien qu’il
n’y ait pas d’arcature lombarde, l’existence de cette frise
doit pouvoir être associée au voûtement en cul-de-four de
l’abside.
À l’intérieur (image
4), de grands arcs sont accolés aux murs Nord et
Sud. Ces arcs permettent de soutenir la voûte en plein
cintre. Nous pensons que primitivement, la nef était
charpentée. Les arcs auraient été ajoutés après afin de
soutenir la voûte. L’ensemble donne en effet plus
l’impression d’un rafistolage que d’une œuvre conçue dès
l’origine (image 6).
Nous n’arrivons pas à dater le chapiteau de l'image
7.
Concernant l’arc triomphal, nous n’avons présenté que les
éléments caractéristiques de la partie Nord : chapiteau,
colonne et base (images
8 et 9). Ces éléments sont pratiquement
identiques dans la partie Sud. L’arc triomphal proprement
dit semble plus récent que le reste.
L’auteur du texte précédent précise : « Les
constructeurs de l’église ont utilisé des matériaux
extraits du site antique tout proche. » Nous
pensons que les colonnes et chapiteaux de l’arc triomphal
pourraient ne pas avoir été extraits du site antique tout
proche, mais peut-être de l’église elle-même. Ces colonnes
et chapiteaux pouvaient soutenir l’ancien arc triomphal. On
sait en effet que dans de nombreuses chapelles préromanes
(wisigothiques ?), l’arc triomphal est soutenu par des
colonnes cylindriques souvent détachées de la paroi et
installées comme ici sur des massifs quadrangulaires.
Dernière remarque :
L’auteur du texte écrit que « Des
signes lapidaires caractéristiques du XIIesiècle
parsèment les pierres de parements. » Les images
11 et 12 montrent ces pierres de parement. Nous ne
savons en quoi ces signes lapidaires sont caractéristiques
du XIIesiècle. Par contre, nous avons appris
que des signes analogues appelés « marques de tâcheron » se
retrouvent sur certains ouvrages du Canal du Midi, ouvrages
qu’on ne peut dater du XIIesiècle. Par
ailleurs, on peut constater sur les images
11 et 12 que les pierres sont disposées à l’angle
des bâtiments et plutôt vers leur base. Or, il s’agit
d’endroits sensibles soumis aux intempéries (les gouttières
d’angle, les collecteurs, les descentes peuvent être bouchés
ou percés rejetant les eaux de pluie en ces endroits). On
constate sur les images que ces pierres sont dans un état
relativement satisfaisant. Nous pensons que ces pierres ont
remplacé des pierres plus anciennes profondément érodées. Le
remplacement a dû être effectué au XVIIeou même au XVIIIesiècle. Le
fait que l’un des artisans portent un nom latin, « PONCIUS »
ne pose pas problème. Au XVIIIesiècle, nombre de
personnages ont latinisé leurs noms. Ainsi Mozart se
prénommait « Amadeus ». Il est même possible que l’usage ait
été encore plus courant dans la maçonnerie ou la
franc-maçonnerie.
Datation envisagée
: an 1025 avec un écart de plus de 100 ans (à remarquer
qu’une date antérieure à l’an mille est fortement
envisageable pour la construction initiale).