Diverses églises de l’Yonne susceptibles de dater du 1er millénaire (page 2/4)  

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Les trois monuments décrits dans cette page sont : l'église Saint-Potentien de Châtel-Censoir, la crypte de l'église Saint-Julien de Cry, l'église Saint-Romain de Druyes-les-Belles-Fontaines.



L'église Saint-Potentien de Châtel-Censoir

Nous avons visité cette église en septembre 2024. Les images de 3 à 15 suivantes ont été prises lors de cette visite.

Un panonceau situé à l'entrée de l'église nous apprend ceci (extraits) :

« Historique

• Sans doute situé sur un sanctuaire plus ancien, l'édifice actuel fut construit du XIe au XVIIe siècle.

• Un chapitre de chanoines séculiers dirigea l'église du IXe siècle à la Révolution Française de 1789, d'où le terme de collégiale.

• Saint Potentien fut, selon la légende, un des premiers évêques de Sens martyrisé au milieu du IIIe siècle. Évangélisant notre contrée, une source miraculeuse aurait jailli sous ses pieds et donna lieu à un pèlerinage jusqu'en 1910.

• Plusieurs fois incendiée, l'église actuelle fut reconstruite et remaniée.

Caractères particuliers

• Plan basilical (rectangle).

• Orientation du sanctuaire vers le Nord et non vers l'Est, contrairement aux autres églises chrétiennes.

• Église castrale dans la forteresse médiévale.

• Les chapiteaux du chœur forment un bel ensemble de style préroman.

• La plupart sont inachevés et ne présentent qu'un simple épannelage des corbeilles.

• Aucun chapiteau ne se ressemble. On trouve des motifs géométriques sur les tailloirs, des combinaisons de motifs floraux et animaliers, palmettes, entrelacs, feuilles d'acanthe, lions affrontés, monstres fabuleux se mordant la queue
(Ouroboros).

Aucun personnage, excepté celui figurant sur un chapiteau d'un pilier séparant le chœur de l'abside Est. C'est l'énigme de cet ensemble sculpté. »


Commentaires sur ce texte

L'auteur de ce texte nous apprend que l'église a été dirigée par un chapitre à partir du IXe siècle. S'il écrit cela, c'est parce que, très probablement, il a eu connaissance d'un texte, daté du IXe siècle, témoignant de l'existence de ce chapitre. Il n'est pas surprenant que l'auteur dise que « l'édifice actuel fut construit du XIe au XVIIe siècle.». C'est le contraire qui serait surprenant : que l'édifice actuel a été construit avant l'an mille. Pourtant, s'il y avait un chapitre au IXe siècle, et peut-être même auparavant, il devait y avoir une église... et pas une petite église (car un chapitre pouvait recueillir les dîmes de plusieurs paroisses). Qu'est devenue cette église ? Ne serait-il pas possible qu'il existe des restes de cette église dans l'église actuelle ?

Grâce à l'image 2, image par satellite, et le rapporteur en ligne, nous avons pu mesurer l'orientation de l'église. Par rapport à la direction Ouest-Est, elle est orientée de 50° soit à peine plus que l'orientation médiane qui est de 45°. L'église est donc orientée non pas vers le Nord mais « plutôt » en direction du Nord (40° par rapport à cette direction). Concernant l'orientation des églises, nous avons cherché, jusqu'à présent en vain, des explications. Ce que nous avons constaté, c'est la rareté des orientations supérieures à 45° par rapport à la direction Ouest-Est. Mais à part cela, la dispersion des orientations ne semble obéir à aucune règle.

L'auteur nous parle d'église « castrale ». Certes, elle occupe une position élevée qui a pu être utilisée pour l'installation d'ouvrages de défense. Il y a d'ailleurs à proximité immédiate un château de la période moderne. Mais elle nous semble trop grande pour être qualifiée d'église « castrale ». Celles-ci sont en général de petites chapelles à l'usage des châtelains et non de collectivités plus importantes. De plus, le fait que cette église soit une collégiale à partir du IXe siècle (voire avant) entre en contradiction avec la théorie dite de l'incastellamento selon laquelle la construction de châteaux aurait débuté au Xe siècle. En résumé, la collégiale aurait été construite avant le château et non pendant ou après.


Examen de l'architecture de l'édifice

Image 1 : Le plan révèle une église à nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement de ces trois vaisseaux. L'abside centrale est semi-circulaire tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Les absidioles sont semi-circulaires à l'intérieur, rectangulaires à l'extérieur. Mais nous verrons plus loin qu'elles devaient être à l'origine semi-circulaires à l'extérieur. On constate par ailleurs l'absence de transept. Il n'y a même pas, comme on le voit parfois, la travée de nef la plus proche du chœur plus large que les autres travées. Il n'y a pas aussi d’avant-chœur.

Nous nous trouvons là en présence d'un plan très primitif, intermédiaire entre celui des basiliques paléochrétiennes (celles-ci sont soit insérées dans un massif rectangulaire, soit avec une seule abside proéminente) et les basiliques romanes à transept et avant-chœur.

Images 4, 5 et 6 : Le chevet. On constate une très grande hauteur de ce chevet, avec des différences d'appareils de pierre, témoins de diverses campagnes de travaux.. Les grandes fenêtres ont été percées ultérieurement. Examinons l'image 5. On peut voir, accolés sur les murs extérieurs de l'abside centrale et de part et d'autre de la grande fenêtre, deux hauts contreforts épaulant ces murs. On réalise sur cette image que l'arête de mur, située à gauche de la fenêtre de l'absidiole de droite, est aussi un contrefort du mur extérieur de l'absidiole. En conséquence, très probablement, l'absidiole de droite, auparavant de forme demi-cylindrique a été enveloppée d'une construction à plan rectangulaire destinée à la renforcer (image 6). Il faut aussi noter l'aspect élevé de ce chevet comparable aux chevets de Leyre/Aragon, Saint-Laurent-des-Arbres/Gard, Sauveplantade/Ardèche.


Images 7, 8 et 9 : La crypte. Il est possible que les arcs des absidioles, outrepassés, soient d'origine (images 8 et 9). Ils auraient porté, non une voûte, mais un plafond sur charpente. En ce qui concerne l'abside centrale, elle devait être directement charpentée (image 7). En tout cas, il ne semble pas que les trois absides aient été voûtées en cul-de-four. Le voûtement actuel aurait été effectué plus tard. C'est, à titre de comparaison, ce que nous avons envisagé pour l'abbatiale de Leyre en Aragon/Espagne.

Image 10 : La nef de transition entre le gothique et le renaissant a probablement remplacé une nef plus ancienne.

Image 11 : L'abside centrale. Elle est voûtée en berceau plein cintre sur doubleaux plein cintre. Donc elle est romane ! Eh bien non ! Les chapiteaux portant les deux premiers arcs sont tous identiques et portent un décor cannelé. Ils ne sont pas romans mais de décor classique ou renaissance. Les piliers qui les portent sont de forme cylindrique et non demi-cylindrique. Ils ne sont pas non plus romans. Seuls les chapiteaux de l'arc de cul-de-four de l'abside pourraient être romans, utilisés en réemploi.

Image 12 : Entrée de l'abside de gauche.

Image 13 : Deux chapiteaux situés à l'entrée de l'abside de gauche (image précédente). Celui de gauche, présentant deux animaux affrontés sur un lit de feuillages, est de style roman, celui de droite ne l'est pas.

Image 14 : Couloir et abside de gauche. Les deux premiers chapiteaux sont de style roman (celui de gauche porte un décor de lions affrontés). Les suivants ne le sont pas. Il est probable qu'à l'origine, cette partie n'était pas voûtée.

Image 15 : Chapiteau roman à décor de feuillage.


Datation envisagée pour l'église Saint-Potentien de Châtel-Censoir

Si nous devions nous fier aux seuls éléments de décor, nous daterions cette église du XIIe siècle, comme tant d'autres églises qualifiées de romanes. Mais, d'une part, nous avons vu que de nombreux aménagements sont postérieurs à la période romane. Et d'autre part, le plan même de l'édifice est lui, antérieur à la période romane. Par principe, nous prenons pour date d'un édifice celle du plan d'origine, même si les transformations ultérieures (ajout ou suppression de parties, voûtement) ont profondément altéré l'apparence originelle.

Datation envisagée : an 950 avec un écart de 100 ans.




La crypte de l'église Saint-Julien de Cry

Le texte ci-dessous concernant la crypte de l'église Saint-Julien de Cry a été écrit en mai 2019, à partir de textes ou d'images tirées d'Internet.

Nous combattons l’idée selon laquelle la crypte d’une église serait obligatoirement plus ancienne que l’église supérieure. Il nous arrive en effet souvent de voir des explications du genre : « église du XIIesiècle, crypte du XIesiècle ». Comme si la crypte avait été construite un siècle avant l’église. En fait, la création d’une crypte découle d’une mode : séparer l’église en deux espaces distincts, l’un réservé au culte des reliques, l’autre aux célébrations religieuses. Pour cela, on en a décidé de séparer l’église en deux étages. À l’étage inférieur, c’était la crypte peu éclairée. À l’étage supérieur, l’église destinée à l’assemblée de fidèles.

Il faut comprendre que construire une crypte à l’intérieur d’une église est relativement simple : il suffit de poser une sorte de plancher sur quelques colonnes. Pour cela, entre le haut des colonnes et le plancher, on construit les arcs et les voûtes qui porteront le plancher. Les voûtes et le plancher ne constituent pas un poids très important. On peut donc se permettre de rogner sur la qualité de l’œuvre. Souvent les colonnes ou les chapiteaux sont de remploi.

Concernant la crypte de Cry, nous observons tout d’abord que son plan (image 16) est celui d’une église à nef à 3 vaisseaux, à piliers cylindriques (mais pour seulement 2 travées ; peut-être plus à l’origine). Chacun des vaisseaux est prolongé par une abside à plan rectangulaire.

Les images 17 et 18 montrent que les voûtes ne sont pas en plein cintre, mais en forme de secteur circulaire. Ces images montrent une certaine irrégularité dans les points d’ancrage des voûtes sur les piliers.

Le sarcophage de l'image 20, à plan rectangulaire, daterait de l’antiquité tardive.

Datation envisagée pour la crypte de l’église Saint-Julien de Cry : an 650 avec un écart de 200 ans.




L'église Saint-Romain de Druyes-les-Belles-Fontaines


Première étude de mai 2019


Le texte ci-dessous concernant l'église Saint-Romain de Druyes-les-Belles-Fontaines a été écrit en mai 2019, à partir de textes ou d'images tirées d'Internet.

La nef de cette église est à trois vaisseaux (image 23). Le vaisseau central est voûté en berceau brisé sur doubleaux brisés. On remarque cependant sur l'image 23 la présence d’un arc en plein cintre sur le mur séparant le vaisseau central de la nef. Preuve de plusieurs étapes de travaux. Il est donc possible que la voûte en berceau brisé ait été posée tardivement en remplacement d’un toit charpenté. Actuellement, les piliers sont de type R1111 mais les piliers primitifs étaient peut-être de type R1010.

Nous avons sélectionné le chapiteau de l'image 24 à cause de son originalité : combat entre un homme et une femme ?

Datation envisagée pour l’église Saint-Romain de Druyes-les-Belles-Fontaines : an 1025 avec un écart de 75 ans.


Reprise de l'étude en février 2025

Nous avons eu l'occasion de visiter cette église en septembre 2024. Les images ci-dessous de 25 à 45 ont été prises lors de cette visite.

Image 25 : La façade Ouest est ornée d'un beau portail placé dans un porche en avancée (image 26). Au-dessus de ce porche, on peut voir une fenêtre axiale (image 29). Le porche et la fenêtre sont romans (an 1100 avec un écart de 50 ans). Remarquer la différence des appareils de la partie centrale (appareil régulier, blocs taillés en équerre) et les parties latérales (appareil plus irrégulier, blocs taillés plus grossièrement).

Image 27 : Décor du piédroit de gauche. Sur le chapiteau de gauche, un homme au visage grimaçant surgit des feuillages. Il saisit le bras d'un autre homme. Sur le chapiteau de droite, des pampres de vigne entrelacés. Entre les deux chapiteaux, un visage d'homme barbu.

Image 28 : Décor du piédroit de droite. Sur le chapiteau de droite, des animaux affrontés (des lions). Sur le chapiteau de gauche, des pampres de vigne entrelacés. À côté de ces chapiteaux, un visage féminin.

Image 30 : Plan de l'édifice. Nous sommes dans la même situation que celle de l'église Saint-Potentien de Châtel-Censoir : église à nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement des vaisseaux. L'existence d'un transept n'apparaît pas sur ce plan. Il en existe pourtant un (image 31). Mais ce transept n'est pas débordant. Nous pensons qu'il a été construit durant la période romane (clocher aux fenêtres romanes géminées) sur la travée la plus proche du chœur. À l'origine, il ne devait pas y avoir de transept. Remarquer aussi l'absence d’avant-chœur.

Image 32 : Façade Sud de l'église. Remarquer que le toit du collatéral Sud est en léger décrochement avec le toit du vaisseau central. Sur le mur séparant ces deux toits, deux contreforts apparaissent (on devrait parler le « moignons de contreforts »). On a la même anomalie de l'autre côté du bâtiment.

Image 33 : Voici donc un de ces contreforts (ou un de ces « moignons de contreforts »). Il y a là, non pas une, mais plusieurs anomalies. La première de ces anomalies est qu'il est sur le toit du collatéral. Donc soit il est posé sur les tuiles du toit, ce qui semble totalement absurde, soit il traverse le toit du collatéral. Mais dans ce cas, on devrait le voir sous la forme d'un pilastre ou d'un pilier à l'intérieur de la nef. Ce qui n'est pas le cas. Donc ce que nous avons appelé « contrefort » n'est peut-être pas un contrefort. La deuxième anomalie est la pierre horizontale située ente le pilastre et la section biseautée. Cette pierre portant un chanfrein s'apparente à une imposte située au-dessus d'un pilier. Remarquer par ailleurs qu'il n'y a pas une pierre, mais deux grosses, encadrant un espace rectangulaire où l'on a logé une pierre plus petite. Cet espace rectangulaire aurait pu accueillir un chevron de bois pour une structure charpentée. Remarquer enfin sur l'image 32 qu'il y a des contreforts accolés au mur extérieur du collatéral Sud. Ces contreforts sont terminés par une partie biseautée, mais il n'y a pas de grosse pierre plate entre le haut du contrefort et la partie biseautée.


Les images 34, 35 et 36 présentent l'intérieur de la nef, avec le vaisseau central (image 34), le collatéral Nord (image 35), le collatéral Sud (image 36). On constate l'absence de retombée des contreforts (ou plutôt des pilastres) analysés précédemment sur l'image 33. Cependant, très probablement, ces pilastres existent, mais ils sont intégrés dans les piliers séparant le vaisseau central des collatéraux.

Image 37 : Vue du sanctuaire.

Image 38 : Partie supérieure d'un pilier vue à partir d'un collatéral. Cette partie supérieure contient trois chapiteaux dont l'un est situé côté collatéral. Le fait que la corniche située au dessus des chapiteaux, corniche faisant office de tailloir pour ces chapiteaux, suive un parcours uniforme et continu milite en faveur d'une construction en une seule étape de travaux.

Image 39 : Partie supérieure d'un pilier vue à partir du vaisseau central. Dans le cas présent, on observe une discontinuité de la corniche. Celle-ci a été entièrement bûchée du côté du vaisseau central. Très probablement pour permettre la pose de la colonne demi-circulaire permettant de porter l'arc doubleau supportant la voûte du vaisseau central.

Nous envisageons donc la situation suivante : il y aurait eu d'abord une étape de travaux avec la construction de piliers de type R1110, d'arcs doubles reliant les piliers, d'arcs simples brisés sur les collatéraux qui auraient été voûtés d'arêtes. Le vaisseau central aurait été charpenté. Ultérieurement, il aurait été voûté après la pose de colonnes demi-cylindriques adossées aux piliers. Ceux-ci seraient devenus de type R1111.

L'analyse est fort belle mais elle ne prend pas en compte les commentaires faits lors de l'analyse de l'image 33. En conséquence, il est possible qu'il y ait eu une phase antérieure à celles que nous avons énoncée ci-dessus (aménagement de piliers de type R1110, puis de type R1111).


Les images 40 et 41 montrent la succession d'arcs en plein cintre et à double rouleau. Sur l'image 40, le rayon de l'arc de droite est plus petit que celui de l'arc de gauche. Ce n'est pas le cas des arcs de l'image 41. L'anomalie de l'image 40 est peut-être liée au fait que l'arc plus petit est situé à l'Ouest. Il est possible que la travée qui le contient soit un ajout à l'ouvrage initial. Peut-être la construction d'un ouvrage Ouest ou narthex ?

Image 42. Chapiteau : masque vomissant des entrelacs.

Image 44. Chapiteau : symbole de l'Agnus Dei. Il est opposé à un lion situé sur la face gauche.

Image 45. Chapiteau : lions affrontés.


Datation envisagée pour l'église Saint-Romain de Druyes-les-Belles-Fontaines

L'évaluation faite précédemment était l'an 1025 avec un écart de 75 ans. L'analyse que nous venons de faire complique la situation. Pour une analyse plus fine, il faudrait visiter les combles afin de vérifier comment s'effectue l'implantation des pilastres de l'image 33 sur les piliers. Il faudrait aussi réaliser un plan en élévation. Nous ne pouvons que proposer un éventail plus large : an 950 avec un écart de 150 ans.