L’église Notre-Dame de Saint-Saturnin  

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La page du site Internet Wikipedia consacrée à cet édifice le décrit abondamment mais, mises à part les modifications relatives à certaines spécificités de celui-ci, le texte est identique à celui relatif aux quatre autres églises romanes dites « majeurs d’auvergne » : Notre-Dame-du-Port de Clermont, Issoire, Orcival, Saint-Nectaire. La différence principale concerne les éléments de datation : « L'église de Saint-Saturnin a été construite durant le troisième quart du XIIe siècle.La flèche du clocher, détruite durant la Révolution française, fut reconstruite en 1850. L'église fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis 1862. »

Comme on le voit, ces renseignements sont quelque peu restreints. Sans vouloir créer une polémique, nous aimerions savoir comment le spécialiste qui a écrit ce texte arrive à dater la construction d’une église du « troisième quart du XIIesiècle ». Et ce, étant donné que nous-mêmes avons des difficultés à différencier des constructions du troisième quart du XXesiècle et du quatrième quart du XXesiècle.


Nous allons essayer d’étudier cette édifice en faisant abstraction de cette information de datation.

Examinons tout d’abord le plan (image 1). On constate des différences notables avec celui de Saint-Nectaire (image 1 de la page précédente). En effet, si les nefs sont presque identiques, les chevets quant à eux ne le sont pas. Le chevet de Saint-Nectaire est constitué d'une abside principale à déambulatoire et chapelles latérales ainsi que deux absidioles greffées sur le transept. À Saint-Saturnin, on a aussi une abside à déambulatoire et deux absidioles, mais à la différence de Saint-Nectaire, il n’y a pas de chapelle latérale greffée sur le déambulatoire. L’effet « bijou » obtenu par la forme d’architecture en dégradé de constructions, qui donne aux chevets romans auvergnats une apparence de bijou, s’en trouve diminué (images 4 et 5).

Il existe une autre différence entre les deux chevets, une différence moins visible mais cependant remarquable. Le chœur semi-circulaire de Saint-Nectaire est précédé d’un avant-chœur à plan rectangulaire. À Saint-Saturnin, il existe aussi une sorte de travée séparant le transept des premières colonnes du déambulatoire. Mais cette travée n’est pas à plan rectangulaire. Son mur extérieur suit l’arrondi du chevet. Tout se passe comme si le déambulatoire avait été créé à l’intérieur d’une grande abside construite auparavant. Nous avons en effet constaté en plusieurs endroits, par exemple à Solignac en Haute- Vienne, qu’il pouvait exister de grandes absides sans déambulatoire et à l’intérieur desquelles on pouvait emménager un déambulatoire en installant des colonnes cylindriques et en bâtissant au-dessus de ces colonnes cylindriques (image 19). Il est possible que ce soit le cas ici. En tout cas, le décor des fenêtres de la partie supérieure du chevet est différent de celui de la partie inférieure.


Le chevet est décoré de marquèterie de pierres polychromes (image 6) : des rosaces. On retrouve aussi des rosaces en Sicile (cathédrale de Palerme).

Sur l'image 9 de la façade Nord, on peut voir des traces de réfection. Ces traces sont multiples. Ainsi, à l’étage supérieur, les arcatures des deux travées de gauche sont polychromes, alors que celles de droite ne le sont pas. Il existe de notables différences d’appareil. Un appareil très régulier en ce qui concerne les arcades. Un appareil irrégulier formé de blocs mal dégrossis entre ces arcades. Il est difficile de déterminer le déroulé des constructions.

La nef est actuellement voûtée (image 13). Était-elle voûtée dès l’origine ? Il nous est difficile de la savoir. Un indice cependant. On peur voir sur l'image 3 le toit de cette nef. Un toit à deux pentes. Et à sa gauche, le pignon de la façade Ouest. Il est nettement plus élevé que le toit de la nef. D’où l’idée que la nef primitive était charpentée. Elle devait être au moins aussi haute que le sommet du pignon de la façade Ouest. Elle aurait été abaissée au moment de la construction de la voûte. Les trois vaisseaux auraient été réunis sous un même toit. De ce fait, les fenêtres supérieures qui éclairaient auparavant le vaisseau central auraient été obstruées. Les murs extérieurs auraient été rehaussés et renforcés par les arcades et les arcatures. Ceci expliquerait les nombreuses traces de travaux sur le mur Nord (image 9).

Il ne faut cependant pas prendre « au pied de la lettre » ces interprétations énoncées après une visite d’une heure et l’examen de quelques photos. Tout doit être vérifié et revérifié. Et la visite doit être refaite d’une façon plus attentive et plus ordonnée.


Les piliers de la nef (image 13) sont de type R1110. Ceci signifierait que, dès l’origine, il était prévu que les collatéraux soient voûtés et le vaisseau central charpenté.

La galerie supérieure était-elle aussi prévue dès l’origine ou a-t-elle été construite après ? Sur ce point, nous ne pouvons pas répondre. Peut-être une analyse fine des chapiteaux (comme cela a été fait à Saint-Nectaire) pourrait fournir un élément de réponse ?

Sur l'image 12, la nef apparaît derrière la croisée du transept. On voit dans sa partie supérieure les fenêtres triples d’une galerie : la galerie Nord. Cette galerie débouche dans la partie supérieure de la croisée du transept par une grande ouverture protégée par un arc en plein cintre. Imaginons l’hypothèse suivante : la galerie Nord était prévue pour faire le tour de l’édifice. Dans ce cas, on la verrait se poursuivre du côté du croisillon Nord du transept. En fait, ce que l’on verrait plutôt, c’est une enfilade de fenêtres triples analogue à celle de la nef. Ce n’est pas le cas. La galerie Nord ne faisait pas le tour du bâtiment. Elle s’arrêtait là. En fait, elle ne s’arrêtait pas, puisqu’il y a une ouverture. Une ouvertue qui n’est pas une fenêtre. Mais une porte. Une porte qui débouche dans la croisée du transept. Sur le vide. Actuellement, c’est le cas mais à l’époque, il pouvait y avoir un plancher. Cela confirme ce que nous avons dit dans la page précédente : le massif dit « barlong » pouvait être utilisé comme local d’habitation par les moines.

Nous ne pouvons pas dire grand-chose sur la crypte (image 21).


Sur l'image 21, est représenté un grand aigle aux ailes déployées. Un panonceau placé dans l’église en donne une interprétation : « l’aigle symboliserait l’âme, qui ayant presque vaincu les instincts terrestres, s’apprête à prendre son élan pour rejoindre Dieu,... ». Nous avouons n'être qu'à moitié convaincus par cette explication. Il est certain que les oiseaux ont été conçus comme des messagers envoyés vers le ciel et donc vers Dieu. Mais pourquoi un aigle plus qu’un autre oiseau ? Les oiseaux sont assez peu représentés sous la forme d’un seul oiseau. Et moins encore, l’aigle.

Le thème des « oiseaux au canthare » est beaucoup plus répandu (image 22). Rien que sur ce site, il doit être présent à au moins 50 exemplaires.

Le thème représenté sur l'image 23 est inédit et incompréhensible : deux oiseaux adossés juchés sur une tête humaine stylisée crachant des feuillages. Le tout entre des feuillages stylisés.

Sur l'image 26, on voit des feuillages stylisés contenant des têtes humaines.




Datation

Nous pensons que la nef, le transept et le chevet (avant l’éventuelle adjonction d’un déambulatoire) sont contemporains.

Datation envisagée : an 1025 avec un écart de 125 ans.