L’église Saint-Nectaire de Saint-Nectaire
La page du site Internet Wikipedia
consacrée à cet édifice nous apprend ceci : « L'église
de Saint-Nectaire fut commencée vers 1080 et a été édifiée
principalement entre 1146 et 1178.
Elle est dédiée à Saint Nectaire, évangélisateur de
l'Auvergne, qui mourut au IIIe siècle.
L'église de Saint-Nectaire, construite en trachyte (une
pierre volcanique), puis peinte, présente un remarquable
chevet roman auvergnat constitué d'un étagement de volumes
de hauteur croissante ...
Ce chevet possède une décoration remarquable par sa
polychromie ...
La structure des façades latérales de la nef est en tout
point semblable à ce que l'on peut observer à la basilique
Notre-Dame-du-Port et à l'église Saint-Austremoine
d’Issoire.
... L'intérieur n'est pas polychrome comme à Issoire, à
l'exception des chapiteaux du rond-point et du
déambulatoire. »
Comme nous l’avons dit dans les cas
précédents, les dates de construction des églises déduites
de la lecture de chartes sont peu probantes, car les dites
chartes parlent plutôt de questions annexes comme l’achat de
terrains ou des legs, mais très rarement de la construction
même des édifices. En l’occurrence, la phrase : « L'église
de Saint-Nectaire fut commencée vers 1080 et a été édifiée
principalement entre 1146 et 1178... » est sujette
à caution. Certes, rien n’empêche qu’elle reflète la vérité.
Cependant, pour que nous soyons vraiment persuadés de son
authenticité, il faudrait que nous puissions connaître le
contenu exact de ces chartes (si toutefois elles existent
encore).
Le plan de l'image
1 fait apparaître un chevet à déambulatoire et une
nef triple à piliers cylindriques.
Le mur de soutènement de la terrasse côté Sud a été
reconstruit à une période récente. Des sarcophages qui
auparavant devaient être posés à l’horizontale ont été
installés à la verticale, en forme de croix pour ceux de l'image 3.
Nous ne sommes pas encore capables de dater avec une
certaine exactitude ces sarcophages anthropomorphes, mais
nous les estimons de l’an 700 avec un écart de 150 ans.
Il faut comprendre que ces 4 sarcophages ne sont pas là par
hasard. Il devait y avoir là une nécropole relativement
importante, car ces très beaux sarcophages devaient être
accompagnés de sépultures de moindre valeur.
Mais, s’il existait une nécropole, il devait y avoir une
église attenant à cette nécropole. Qu’est devenue cette
église ?
Les images
5, 6, 7, 15 et 16 montrent un chevet de type «
auvergnat », avec le massif « barlong » qui surplombe le
transept. Nous pensons que ce type de chevet à déambulatoire
date du XIIesiècle. Nous avons vu à Orcival que
le massif « barlong » qui surmonte le transept pouvait avoir
servi de local pour les moines (il ne s’agit que d’une
hypothèse). Cependant, il faut tenir compte que l’existence
de ce massif « barlong » pose problème. À quoi pouvait-il
servir ?
Le portail de l'image 13 est
surmonté d’un linteau en bâtière. Le tympan qui le surmonte
est formé d’une mosaïque polychrome. L’ensemble a été
profondément restauré. Mais sans doute en imitation de
l’original, qui devait dater d’une période préromane.
Sur l'image
16, on
peut voir la polychromie de l’abside. On voit aussi, à
droite, une croix pattée analogue à celles déjà vues à
Ennezat et Artonne. De quand datent ces croix ?
Passons maintenant à la nef. Celle-ci est à colonnes
cylindriques. Les chapiteaux de ces colonnes (images
29, 30 et 31) sont à feuilles dressées. Nous
estimons que ces chapiteaux sont préromans. Remarquons la
ressemblance de ces chapiteaux avec celui de l'image
32.
Remarquons surtout, sur l'image
20, la différence entre les chapiteaux situés sur
un même arc : à droite, celui du pilier cylindrique qui
participe au soutien du vaisseau principal, et, à gauche,
celui du collatéral Nord. Celui de droite a été identifié
comme préroman. Celui de gauche est, de par sa finesse et la
procession de personnages
« bibliques », analogue aux chapiteaux du déambulatoire (images 36, 37, 38, 39)
qui ont été datés du XIIesiècle.
Cette constatation est pour nous
importante. En effet, nos recherches ont concerné jusqu’à
présent les nefs à trois vaisseaux à piliers rectangulaires.
Et nous avons trouvé des choses intéressantes sur ces nefs.
Mais il y avait aussi les nefs à piliers cylindriques. Et
sur ces nefs, nous n’avions rien trouvé jusqu’à présent. Sur
les nefs à piliers rectangulaires, nous avions réussi à
imaginer une datation. Concernant les nefs à piliers
cylindriques, leur petit nombre ne permettait pas
d’envisager des datations. Les nefs à piliers cylindriques
ont été sans doute les premières construites. C’étaient les
basiliques romaines. Mais c’étaient des églises à vaisseaux
charpentés. Or, parmi les églises à piliers cylindriques que
nous avons rencontrées, certaines comme Chauvigny ou
Saint-Savin-sur-Gartempe sont, comme Saint-Nectaire,
voûtées. Lorsque nous avons étudié Chauvigny et
Saint-Savin-sur-Gartempe, nous avons envisagé que,
primitivement, ces églises étaient charpentées. Elles
auraient été voûtées par la suite grâce à la pose d’arcs
entre les piliers et les murs extérieurs. Mais concernant
ces deux églises, nous n’avions aucune preuve. L'image
20 de l’église de Saint-Nectaire n'apporte
peut-être pas la preuve définitive, mais un élément de
preuve. Il semblerait bien en effet que l’église
Saint-Nectaire ait été d’abord charpentée, puis voûtée.
Les chapiteaux permettent d’envisager
une datation de chacun des éléments. Il existe en effet
trois styles de chapiteaux : ceux de la nef (images
28, 29, 30, 31,32), ceux du transept (images
33, 34, 35), ceux du chevet à déambulatoire (images 36, 37, 38, 39).
L'image 40 est
celle d’un triplet. Les images
41 et 42 sont celles d’un trésor attribué au XIeou
au XIIesiècle, mais les plats de reliure (image
41) semblent dater du Xesiècle et la
statue dite de Saint Baudime nous semble bien antérieure
encore.
Nous avons reçu un message de M. Daniel Tardy, qui
nous a signalé la présence d'un motif de singe cordé sur un
chapiteau de cette église (image
43). Il précise : «
Je pense qu'il s'agit d'une représentation du vice de
l'AVARICE. Le singe représenterait l'argent qui tient
l'homme en laisse (et non pas le contraire) et la corde
rappelant aussi que Judas s'est pendu après avoir vendu le
Christ. »
M. Tardy est l'auteur des très belles photographies et des
textes de l'ouvrage « Toute
la lumière sur l'église romane de Saint-Nectaire »,
Éditions BZT et Cie (image
44).
Selon le dossier de presse disponible sur son site Internet
: « C’est
un document précieux pour tous les amoureux de l’art roman
qui découvriront une maitrise insoupçonnée de la lumière
au XI esiècle. En effet, les 103 chapiteaux
photographiés à la lumière naturelle, du lever du soleil à
son coucher, sur plus de 80 jours, révèlent la mise en
œuvre d’un prodigieux calendrier solaire : les chapiteaux
sont éclairés en fonction de la fête du jour. »
Pour la nef de l'église Saint-Nectaire : an 700 avec un écart de 150 ans.
Pour le transept : an 1000 avec un écart de 100 ans.
Pour le chevet : an 1150 avec un écart de 50 ans.
Ajout effectué le 13 janvier 2025
Nous avons pu visiter cette église début juin 2024, en compagnie d'Alain et Anne-Marie Le Stang. Les 18 images suivantes de 46 à 63 ont été prises lors de cette visite. Elles viennent compléter les images précédentes.
Nous avons constaté que nous n'avions pas grand-chose à ajouter à ce que nous avions écrit précédemment. Tout au plus des commentaires concernant principalement les thèmes des sculptures. Nous avons par ailleurs constaté que la page du site Internet Wikipédia donne une excellente description des scènes représentées sur les chapiteaux du déambulatoire du chœur. Ces chapiteaux étant datables, selon nous, du XIIe siècle, sortent quelque peu de notre cadre d'étude. Nous ne faisons donc qu'étudier succinctement quelques uns d'entre eux (images 54, 5, 56, 57) et conseillons vivement au lecteur de consulter la page de Wikipédia, les scènes représentées étant d'une lecture difficile.
Les chapiteaux des images de 46 à 53 sont, quant à eux, disposés soit dans le transept, soit sur les murs des collatéraux face aux chapiteaux des colonnes de la nef. La première constatation que l'on peut faire est qu'ils sont d'un style tout à fait différent par rapport aux chapiteaux de la nef (images 28, 29, 30, 31, 32) qui sont à feuilles d'eau très stylisées. Et ils sont aussi très différents des chapiteaux du déambulatoire qui développent des thèmes bibliques ou de vies de saints. Nous pensons que ces chapiteaux témoignent d'une phase de construction du transept postérieure à celle de la nef et antérieure à celle du chevet.
Image 46. À gauche, chapiteau à feuillages. Des oiseaux aux ailes déployées habitent le décor. À droite, chapiteau aux anges saisissant un homme.
Image 47. Chapiteau vu dans l'image ci-dessus : deux anges saisissent un homme par le poignet et l'entraînent vers une arcade (probablement, le Ciel). On retrouve là la figure de l'homme aux jambes repliées (voir aussi l'image 33).
Image 48. À gauche, chapiteau à feuillages. À droite, chapiteau aux sirènes à deux queues (voir aussi l'image 34). Nous appelons sirènes ces deux personnages bien qu’ils semblent n'avoir que peu de rapports avec les sirènes de la mythologie grecque. Nous pensons que cette image est directement issue de celle intitulée « buste d'homme émergeant des feuillages ».
Image 49 (voir aussi l'image 35). Un quadrupède à corps de bélier et tête de vache semble jouer de la harpe. Face à lui, un cerf est chevauché par un homme portant un rameau. Nous avouons notre incompréhension de cette scène.
Image 50. Homme chevauchant un lion. Il est possible que cette scène reproduise l'épisode biblique de Samson arrachant la gueule du lion. Cependant, nous avons eu l'occasion de voir d'autres scènes dans lesquelles Samson arrache la gueule du lion. Ce qui n'est pas le cas ici. Une autre interprétation est donc aussi possible.
Image 51. Nous ne sommes pas capables d'expliquer cette scène.
Image 52. Chapiteau du singe.
Image 53. Christ en Gloire.
Image 54. Selon la tradition chrétienne, au moment de sa mort, Jésus-Christ est descendu aux Enfers libérer Adam et Ève et d'autres damnés. C'est l'image que l'on a ici.
Image 55. À droite de Jésus, les soldats endormis veillent sur son tombeau.
Image 36. Au centre, le tombeau de Jésus vide.
Image 56. Les Saintes Femmes et l'Ange annonciateur de la Résurrection.
Image 57. La Multiplication des pains et des poissons.
Image 58. Le buste reliquaire de Saint Baudime.
Image 59. Bras du buste reliquaire faisant le signe de la « Main de Dieu » : pouce, index et majeur dressés, annulaire et auriculaire pliés.
Remarque : selon la page de Wikipédia, la statue de Saint-Baudime daterait du XIIe siècle. Nous la pensons nettement plus ancienne (comme celle de Sainte-Foy de Conques), du VIe ou VIIe siècle. Les traits du visage, la barbe et la chevelure de Saint Baudime ressemblent plus à des œuvres celtiques qu'à des œuvres romanes.
Image 60. Reliures d'un évangéliaire. Nous pensons que ces plaques ont fait l'objet de restaurations au cours du Moyen-Âge. Ainsi les plaques émaillées (les anges, le Christ en Croix) pourraient être romanes (XIe-XIIe siècles), les figurines non émaillées (la Vierge et Saint-Jean, à gauche, la Vierge, à droite, seraient gothiques (XiIIe-XIVe siècles).
Image 61. La vierge du Mont Cornadore (le mont Cornadore est la montagne sur laquelle s'élève Saint-Nectaire).
Selon la page du site Internet Wikipédia : « Statue de Notre-Dame du Mont-Cornadore : c'est une statue en bois de Vierge à l'Enfant. La Vierge, placée sur un trône impérial, porte l'Enfant Jésus sous les traits d'un adulte (ce n'est qu'à partir du XIIIe siècle qu'on le représente en enfant). Elle reprend le modèle disparu de Clermont-Ferrand et celui d'Orcival. La statue, hiératique, est en bois recouvert de plusieurs couches de tissus peints (marouflage). Dans son dos est placé un coffret à reliques. »
Nous pensons que cette statue est plus ancienne que le XIIe siècle. L'auteur du texte de Wikipédia fait allusion au fait que le personnage placé sur les genoux de la Vierge a des traits d'adulte. Il est de même à Orcival ainsi qu'en d'autres églises d'Auvergne. Cela peut paraître anecdotique mais nous pensons que cela ne l' est pas. Il doit y avoir une raison à cela. Nous pensons que ce petit personnage pourrait être, non pas Jésus-Enfant, mais l'évêque du lieu présenté par la Vierge. La Vierge serait la Vierge de l'Assomption qui, avant de monter au Ciel, à envoyé les apôtres pour évangéliser toute la Terre. Nous avons constaté que beaucoup de cathédrales étaient dédiées à Notre-Dame de l'Assomption. Ce n'est pas le cas ici. Mais il est possible que ça l'ait été à l'origine et qu'il y ait eu changement de dédicace lors de l'arrivée de reliques de Saint Nectaire.
Image 62. Statue de Saint Nectaire datée du XVe siècle.
Image 63. Cuve baptismale. Nous sommes un peu « passés à côté » de cette cuve, apparemment de peu d'intérêt. Cependant? il semblerait que les stries que l'on voit sur la surface externe puissent représenter des scènes ou des symboles.
Toujours selon la page du site Internet Wikipédia : « L'église de Saint-Nectaire fut commencée vers 1080 et a été édifiée principalement entre 1146 et 1178. »
Il est probable que les dates bien précises qui nous sont données dans ce texte (1080, 1146 et 1178) sont issues de textes authentiques. Mais dans la plupart des cas, les textes authentiques sont peu explicites en ce qui concerne les constructions. Et nous estimons que dans le cas présent, les différences entre, d'une part, les chapiteaux de la nef et du transept, et, d'autres part, les chapiteaux du transept et du déambulatoire, sont telles que les constructions ont dû s'étaler sur plus d'un siècle. Ainsi, parler d'une construction effectuée entre 1146 et 1178 (soit 32 ans) est envisageable s'il y a un seul style de construction. Elle l'est moins s'il y a trois styles.
La datation proposée auparavant était la suivante :
Pour la nef de l'église Saint-Nectaire : an 700 avec un écart de 150 ans.
Pour le transept : an 1000 avec un écart de 100 ans.
Pour le chevet : an 1150 avec un écart de 50 ans.
Cette datation avait été proposée en admettant l'hypothèse suivante : à l'origine, la nef était entièrement charpentée. Nous pensons à présent qu'à l'origine, seul le vaisseau central était charpenté, les vaisseaux secondaires étant voûtés d'arêtes. Avec ces nouvelles hypothèses, on obtient les résultats suivants :
Datation envisagée
Pour la nef de l'église Saint-Nectaire : an 950 avec un écart de 100 ans.
Pour le transept : an 1050 avec un écart de 75 ans.
Pour le chevet : an 1150 avec un écart de 50 ans.