Autres édifices de Castille-León susceptibles de dater du Ier millénaire (2/3)
Nous poursuivons notre étude sur les églises préromanes de
Castille-León avec les trois édifices suivants :
L’église
Saint-Tirse de Sahagún
L’église Saint-Tirse de Sahagún est un édifice de type mudéjar. Nous avouons
notre incompréhension face aux diverses appellations :
wisigothique, mozarabe, mudéjar. Il semblerait que les
mozarabes soient des chrétiens « arabisés ». C’est-à-dire
des chrétiens ayant subi des influences arabes tout en
restant chrétiens. Ces mozarabes auraient existé au plus
fort de la main-mise arabe sur l’Espagne. C’est-à-dire aux IXe et Xe siècles. Les mudéjars
seraient, eux, des musulmans convertis plus ou moins
volontairement au christianisme durant la reprise en main de
l’Espagne par les chrétiens, à partir du XIesiècle.
En architecture, chacune de ces populations aurait défini un
style : style mozarabe, style mudéjar. Par ailleurs il faut
savoir qu’auparavant, aux VIeet VIIesiècle,
il y avait les wisigoths qui eux aussi ont défini leur
propre style.
Notre incompréhension vient surtout du fait que nous nous
attendions à voir dans les architectures mozarabes ou
mudéjars des influences proprement « arabes ». Or nous n’en
voyons pas. L’arc outrepassé que l’on croirait « arabe » a
été inventé en fait par les wisigoths. Et on s’aperçoit que
les plans des églises mozarabes ou mudéjars sont beaucoup
plus proches des plans d ‘églises chrétiennes d’Occident que
des mosquées d’Orient. En fait, ce qui semble caractériser
les églises mudéjars est le matériau utilisé, la brique,
matériau que l’on retrouve souvent dans les pays orientaux.
L’église Saint-Tirse de Sahagún a été construite dans ce
matériau (image 1).
L'image 2 montre
que cette église a été très restaurée; l’absidiole Nord a
été reconstruite. On peut voir, à l’intérieur (images
3 et suivantes), que les arcs sont légèrement
outrepassés. En particulier ceux de la croisée du transept.
Nous datons cette croisée du transept des alentours de l’an
1000 (les arcs sont doubles, ils reposent sur des impostes).
Les arcs qui soutiennent les murs goutteraux du vaisseau
central de la nef sont simples. Il est donc possible qu’ils
soient plus anciens que ceux de la croisée du transept.
L’église
Saint-Bauzile de San Baudelio de Berlanga
Nous n’avons malheureusement pas eu l’occasion de visiter
cette très intéressante église. Son plan est apparemment
très simple, analogue à celui de beaucoup d'églises
rencontrées dans le sud de la France : les églises à chevet
carré (image 7).
Une différence cependant : ici la nef est nettement plus
élevée et plus large (image
8). L’arc de la porte d’entrée est nettement
outrepassé (image 9).
Il est soutenu par des impostes à saillie vers l’intrados
(on sait que ce type d’imposte doit être de peu antérieur à
l’an 1000).
L’intérieur (images 10
et 11) est très surprenant : un grand pilier en
occupe le centre, du sol jusqu’au faîte du toit. Aux 2/3 de
la hauteur du pilier, huit arcs s’élancent pour supporter la
voûte du toit. En arrière de ce pilier, côté Ouest, un
groupe de 18 colonnes permet de supporter une tribune.
Un tel ensemble totalement inusité ne peut être expliqué si
on s’enferme dans l’idée d’une construction en une seule
étape de travaux. Si, au contraire, on accepte l’idée d’une
succession de travaux, une logique doit pouvoir se dégager.
Ainsi, il est possible que l’église primitive ait été formée
du chevet et de la nef à plan carré couverte d’un simple
toit charpenté. La tribune aurait été construite
ultérieurement. De telles tribunes existent à Serrabone dans
les Pyrénées Orientales, ou à Cruas en Ardèche. On ne
connaît pas très bien leur fonction. Elles devaient servir à
accueillir des nobles.
Le pilier en forme de palmier aurait été construit au cours
d’une autre étape de travaux dans un but différent. Peut
être pour soutenir le toit ? Il a dû être placé après la
tribune car il bloque une partie de la visibilité. S’il
avait été placé avant, la tribune aurait évité cette
obstacle.
Les arcs qui partent du pilier cachent une toute petite
pièce de forme ovoïde située entre ces arcs et le toit. On
s’est interrogé au sujet de cette pièce. Tout d’abord
avait-elle une fonction ? Et puis quelle était cette
fonction ? Deux hypothèses avancées : elle aurait pu servir
à cacher les trésors du monastère ; elle aurait pu héberger
un ermite, à la manière de Saint Siméon le Stylite qui a
passé plusieurs années de sa vie au sommet d’une colonne (image 13).
Dernière constatation et non des moindres : l’église est
très décorée de fresques. Certaines d’entre elles ont été
entièrement reprises (images
14 et 15).
L’église
San Salvador de Palat del Rey à León
Peu de choses à dire sur cette église : le plan du chœur est
nettement outrepassé (image
16). Il en est de même de l’arc triomphal (images 17 et 18). Le
chœur semble antérieur à l’an 1000. Une question cependant :
comment se fait-il qu’il n’y ait pas d’imposte ou de
chapiteau entre le sommet de la colonne et la naissance de
l’arc ?