L’abbatiale de Saint-Guilhem-le-Désert 

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Le village de Saint-Guilhem-le-Désert est un des plus connus et des plus visités d’Occitanie, autant par sa situation dans le cadre enchanteur des gorges de l’Hérault que par sa magnifique abbatiale.

Saint-Guilhem est aussi connu pour les chapiteaux de son cloître… qui se trouvent actuellement au musée des Cloisters, à New-York. Cet état de fait provoque l’indignation de beaucoup, mais ce fut sans doute une bonne chose que de les avoir vendus à des américains. Sans cela ils auraient été exposés en pleins vents sur la façade de la mairie et à la merci des voleurs. Ces chapiteaux étant considérés comme postérieurs à l’an 1000, nous n‘en ferons pas la description.


L’histoire de Saint-Guilhem-le-Désert est directement en rapport avec l’histoire de France puisque Guillaume, devenu Saint-Guilhem, aurait été comte de Toulouse et compagnon de Charlemagne. Sur la fin de sa vie, il se serait retiré en ce lieu qui dépendait le l’abbaye voisine d’Aniane.

Nous n’avons pas eu le temps de vérifier les données d’une histoire qui parfois s’est transformée en légende. Il semblerait néanmoins que, rapidement après sa mort, la réputation de sa sainteté se soit répandue.


Nous commençons la visite par l’ouvrage occidental (image 2) et le portail d’entrée (image 3). L’un et l’autre ne présentent a priori que peu d’intérêt, hormis la présence de deux têtes antiques en médaillon sur la façade. Le portail pourrait dater du XIesiècle. Pénétrant sous le porche, nous passons sous une voûte en croisée d’ogives (image 4). Juste après cette voûte apparaît une seconde voûte, celle- ci en plein cintre, et avec un ressaut. La largeur de cette voute est faible : à peine plus d’un mètre. Elle est portée par des impostes moulurées. Celle voûte fait penser à une voûte de porche. Et il semblerait qu’on soit bien en présence du porche primitif de l’église. En arrière, la porte serait la porte primitive de l’église : elle est dépourvue d’ornementation (colonnes chapiteaux, tympan).

Revenons à présent à la croisée d’ogives et aux chapiteaux qui la soutiennent. L’un deux (,à gauche sur l'image 4) est décoré de lions affrontés. (datation estimée :
Xeou XIesiècle. Cette pierre semble de nature différente de celles qui l’entourent. Par ailleurs le chapiteau semble déborder des limites qui lui sont imposées.

Une observation analogue peut être faite pour les images 5 et 6 . Ces chapiteaux semblent avoir été utilisés en remploi. C’est particulièrement apparent pour le chapiteau de l'image 5 sculpté sur 3 faces (et peut-être 4), alors qu’une seule suffisait. Constatons que ce chapiteau est sculpté d’une tête de taureau surtout représentée dans la région toulousaine et avant l’an 1000. L’idée envisagée est la suivante : l’ouvrage Ouest a été construit après l’édification de la nef. Primitivement, le rez-de-chaussée de cet ouvrage Ouest n’était pas voûté. La voûte a été construite postérieurement à la fin du XIIesiècle ou début du XIIIesiècle. Cette voûte a été construite sur une croisée d’ogives mais avec réutilisation de chapiteaux plus anciens probablement antérieurs à l’an mille.


On poursuit la visite par l’intérieur de la nef, à 3 vaisseaux (images 10, 11 et 12). Le plan (image 1) fait apparaître des piliers régulièrement espacés. Y compris au niveau du transept. Cette constatation laisse envisager que la construction d’un transept n’était pas prévue dans le plan initial.

Les piliers sont cruciformes de type R1111. Ceci signifie que les arcs entre les piliers doivent être doublés et que les vaisseaux sont très probablement voûtés avec des voûtes portées sur des doubleaux. Les images 10 et 11 permettent de vérifier cette hypothèse.. On remarque aussi que les colonnes adossées aux piliers sont des pilastres à section rectangulaire et non des demi-colonnes à section semi-circulaire. Nous verrons dans le chapitre « Évolution des piliers » que ce type de pilier est intermédiaire entre le pilier antique et le pilier roman. Sa datation est à situer vers le IXe- Xesiècle.


A l’extérieur, la façade Sud présente des arcatures lombardes (images 12, 13 et 14). Cette observation est très importante et doit être vérifiée sur d’autres édifices à arcatures lombardes. En effet on constate que les arcatures lombardes sont associées à des nefs voûtées. Qui plus est, dans le cas de Saint-Guilhem, on a des fenêtres dans le vaisseau central. On a ici conjonction entre « fenêtres hautes », « nefs voûtées », « arcatures lombardes ».

On remarque de plus sur l'image 13 que le décor d’arcatures lombardes est régulier à droite (tous les panneaux sont semblables) mais par contre, le panneau situé le plus près de la tour de gauche est différent. Une telle anomalie doit être expliquée.


Un élément de réponse à cette question se trouve dans l'image 15 et les plans des images 1 et 29. Il se trouve aussi dans une image non publiée ici montrant le fond de
l‘église et les grandes orgues. Sur l'image 15 , on voit l’église avec de gauche à droite le chevet, puis le transept et la nef. Sur cet nef on distingue d’abord les trois fenêtres supérieures identiques, puis une autre fenêtre plus grande que les précédentes. Sous les trois premières fenêtres on aperçoit le toit du collatéral, mais après … plus de toit. Il y avait sans doute un toit mais il a disparu.

On retrouve cette absence de collatéraux sur la 4etravée à partir du transept sur le plan de l'image 1. Et on a reconstitué sur l'image 29 la 4etravée telle qu’elle devait être primitivement. L’hypothèse est la suivante : il y avait primitivement des collatéraux au niveau de la quatrième travée située au fond de l’église. Mais on décide de construire un orgue à cet emplacement (XVIIIesiècle ?). Pour y accéder, il faut installer un escalier (tourelle Sud) et un local pour la soufflerie. Le collatéral Sud de cette travée est utilisé pour cela. Ces modifications entrainent une réfection de la partie de l’arcature lombarde qui les avoisine.


  • Le chevet de Saint-Guilhem (images 17 et 18) présente la particularité que les trois absides sont différentes. Ce qui, pour nous, signifie trois périodes de constructions bien séparées dans le temps.


    Les images 19, 20, 21, 22 nous posent un sérieux problème. En effet tout laisse penser que l’abside centrale de Saint-Guilhem a enveloppé l’abside initiale. Elle serait donc plus tardive et pourrait se situer à la fin du XIesiècle ou au début du XIIesiècle.

    A l’inverse les chapiteaux de cette abside apparaissent comme antérieurs à celle-ci. Leur forme est de type que l’on a appelé « arabisant ». Le schéma est simple : la partie supérieure est un parallélépipède rectangle, la partie inférieure, un cylindre droit. Outre leur forme particulière, ces chapiteaux comportent des entrelacs et des feuillages, plutôt caractéristiques d’une période antérieure à l’an 1000. Enfin le fait qu’il n’y ait pas de tailloir ni d’arc nettement différencié au dessus du chapiteau témoigne d’un certain archaïsme. Ces chapiteaux sont-ils de remploi ?


    L’autel, dit roman, semble inspiré de diverses miniatures du Xeou XIesiècle.


    La forme de la crypte (images 25, 26 et 27) est tout à fait inusitée. On s’attendrait à une forme demi-circulaire alors qu’elle est rectangulaire. Nous avons eu l’idée de superposer les deux images de la crypte et de l’église supérieure en essayant de respecter les échelles de grandeur. Le résultat est surprenant : les deux images semblent coïncider.


    Venons en aux deux dernières images 29 et 30 et essayons d’imaginer ce qui a dû se passer.

    Mais auparavant, revenons à l’histoire de Saint-Guilhem. Il faut savoir que la réputation de sainteté suit en général de peu la mort du saint. Il faut des circonstances exceptionnelles (par exemple politiques pour les saints patriotes comme Jeanne d’Arc) pour que la canonisation soit prononcée plusieurs siècles après la mort.

    Une fois la réputation établie, les propagandistes du saint décident de construire un monument célébrant sa louange : une grande église. Saint-Guilhem étant mort vers l’an 800 (à vérifier), on peut estimer que la basilique érigée en son honneur a été construite dans les 50 ans qui ont suivi. Il s’agit là bien sûr d’une moyenne. On peut aller jusqu’à 100 ans. Mais pas plus. Car la basilique a été créée pour perpétuer la mémoire du saint. S’il n’y a pas de basilique, le saint est oublié dès la IVegérération après ceux qui l’ont connu.

    Cette basilique est selon nous la partie B de l'image 29. Elle est directement associée à la partie C, la crypte. Nous pensons que cette partie C devait être le chœur d’une église à chevet plat qui devait exister du vivant de Saint-Guilhem. Cette basilique formée des parties B et C était entièrement voûtée et décorée d’arcatures lombardes (datation vers 850). Elle a été prolongée par l’ouvrage Ouest (XIesiècle ?).

    Côté Est on a décidé de créer (au Xesiècle ?) un transept sur lequel l’absidiole Sud a été accolée (partie D de l'image 30) . Puis on a enveloppé l’abside primitive par une abside plus grande partie E. En faisant cette opération, l’abside primitive a été transformée en crypte ou en salle inférieure. Pour poser un plancher on a posé des piliers carrés au milieu de cette crypte (en violet sur les images 29 et 30). Quand à l’absidiole Nord (partie F), on ne sait pas si elle a été faite avant ou après E.

    Voilà donc des hypothèses envisagées. Leur cohérence est à vérifier. Il faut bien comprendre que cet exposé, aussi ardu soit il , n’est qu’une ébauche de l’étude qui devrait être engagée.

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