Les édifices du département de la Loire susceptibles de dater du Ier millénaire 

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Introduction aux monuments de la Loire

Le département de la Loire est un département enclavé situé un peu à l’écart des grandes voies de communication. Hormis la petite ville de Charlieu, nous n’avons pas eu l’occasion de le visiter. En conséquence, nous ne le connaissons que par quelques images difficiles à interpréter issues d’Internet. Par ailleurs ce département est, selon nous, un peu déficient en ce qui concerne les sites touristiques du Moyen-Âge.

Dans la première version de cet article, écrite en 2018, nous disions: «Hormis Charlieu, connu pour ses tympans (qui ne datent d’ailleurs pas de la période que nous traitons), on ne trouve pas dans ce département de monument vraiment remarquable digne d’être cité. >. Nous avons sans doute été à l'époque un peu sévères, car au vu des récentes visites effectuées dans ce département, on peut également citer l'église Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Pommiers-en-Forez et la chapelle Saint-Jean de
Saint-Just-Saint-Rambert, ainsi qu'un renouveau d'intérêt pour des églises déja citées. Nous rappelons au lecteur que notre site a été conçu pour l'étude de monuments du Premier Millénaire. S'il nous arrive de décrire des monuments postérieurs à l'an mil, c'est afin de faire apparaître des points de comparaison. Malgré l'intérêt artistique majeur qu'elle représente, l'abbatiale de Charlieu, datable essentiellement du XIIe siècle, ne peut être considérée que comme un élément mineur dans notre recherche.

Ce n’est peut-être pas un hasard. Comme nous l’avons dit, cette région est enclavée. Il est fort possible que cela soit de longue date. Ainsi, nous avons constaté sur la carte de Peutinger datée de la fin du IVesiècle (règne de Théodose) que la voie allant de Lyon à Clermont-Ferrand la contournait en passant nettement par le Nord. Il s’agit d’un fait étonnant car le trajet direct en traversant les monts du Forez, trajet suivi actuellement par l’autoroute de Lyon à Clermont-Ferrand, semble nettement plus court. Et beaucoup plus facile que ne l’était à l’époque le franchissement des Alpes.

Lors de notre découverte progressive des départements français, constatant que certains départements, en général des départements de plaine, pouvaient être plus riches en monuments préromans ou romans que d’autres départements, nous avons eu l’idée d’une colonisation progressive du territoire français en la comparant avec ce que nous connaissons des colonisations plus récentes.

Tout d’abord, lorsqu’on parle de la colonisation de la Gaule, on songe immédiatement à la colonisation romaine qui a eu lieu au premier siècle de notre ère. On n’envisage pas qu’il y ait eu d’autres formes de colonisations. On n’envisage pas non plus qu’il y ait eu une lente progression dans la colonisation. En fait, il y a colonisation lorsqu’un peuple donné, plus fort ou plus évolué qu’un autre, s’empare, amicalement ou inamicalement, des ressources d’un autre. Dans le cas de la Gaule, ces ressources pouvaient être minières, mais elles étaient surtout agricoles. Nous ne saurons sans doute jamais quels étaient les premiers colonisateurs. Mais nous commençons à deviner qu’avant d’être colonisée par les Romains, la Gaule a été colonisée par des Gaulois ou Celtes. Cette colonisation aurait débuté vers le VIIesiècle avant notre ère, et se serait amplifiée à partir du IIIesiècle avant notre ère. Au milieu du premier siècle avant notre ère, les Romains, déjà présents en Narbonnaise, prennent le relais.

La Gaule? Toute la Gaule? Il faudrait d’abord définir ce qu’est la Gaule, ce que sont ses frontières. Mais, même à l’intérieur de ses frontières est-ce que tout individu se sent Gaulois?

Nous pensons que, lorsque les Celtes ont colonisé la Gaule, ils ont commencé à s’emparer des bonnes terres, refoulant les autochtones vers les terres les moins riches. En ce qui concerne le Massif Central, les terres les meilleures sont d’origine volcanique et principalement situées dans le Puy de Dôme et l’Allier.

Le rejet des populations autochtones vers des terres arides aurait eu pour conséquence l’appauvrissement de celles-ci, mais aussi le repli sur soi, l’hostilité à l’égard de tout étranger. Comme on le voit encore dans certains pays d’Afrique, ces populations des montagnes ou des déserts, tout en étant très pauvres, gardent une individualité farouche et une attitude de refus vis-à-vis de la nouveauté.

Notre idée est que les régions ou les départements les mieux nantis ont pu se développer le plus rapidement que les moins nantis, qui auraient vu leur développement retardé, parfois de plusieurs siècles. Ce pourrait être le cas du département de la Loire.

Nous décrivons dans cette page les trois édifices suivants : l’église Saint-Pierre de Meylieu à Montrond-les-Bains, l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-Soleymieux, le prieuré de Salt-en-Donzy.

Les photographies de cette page ont été prises par Dominique Robert : http://www.drobert-photo.com/, mis à part les images 7, 13 et 14, recueillies sur Internet.




L’église Saint-Pierre de Meylieu à Montrond-les-Bains

Autant que nous puissions en juger à partir des images, cette église présente des traits caractéristiques d’une ancienneté. À l’extérieur (images 1 et 2), le parement des murs est fait de blocs irréguliers. La fenêtre axiale (image 4) est très étroite. Elle est protégée par un linteau monolithe dont la partie inférieure est taillée en forme d’arc. Il existe une fenêtre côté Sud de l’abside mais nous pensons que, soit cette fenêtre était analogue à la fenêtre axiale et a été très agrandie par la suite, soit elle a été entièrement percée afin d’éclairer l’abside. Il est en effet logique de penser que, si les deux fenêtres avaient été prévues dès la construction, elles seraient de mêmes dimensions. Nous estimons que les absides primitives étaient toutes aveugles, leurs parois intérieures étant entièrement décorées de fresques ou de mosaïques. Il y aurait eu une évolution au cours du temps : percement d’une fenêtre axiale de forme meurtrière comme ici, puis percement de fenêtres latérales. Et ce n’est que durant la période romane qu’on aurait assisté à la pose de grandes fenêtres pour éclairer l’abside. Cette abside pourrait donc dater des environs de l’an mil.

Les piédroits de l’arc triomphal, porteurs d’impostes, nous semblent anciens (environs de l’an mil). En revanche, l’arc triomphal lui-même (image 3) apparaît plus récent.

Notons deux pièces intéressantes : une cuve baptismale décorée d’une croix inscrite dans un cercle (datation inconnue, image 5), et un pilori du XVesiècle (image 6). On voit encore l’anneau de fer servant à attacher le prisonnier.

Datation envisagée pour l’église Saint-Pierre de Meylieu à Montrond-les-Bains : an 1000 avec un écart de 100 ans.





L’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-Soleymieux

Nous n’avons que peu d’informations sur cette église. Son clocher (image 7) semble dater du XIIIesiècle. Mais ce n’est peut-être qu’une impression due au fait que le porche, du XIIIe, voire du XIVesiècle, a peut-être été ajouté à un édifice plus ancien.

Cette église posséderait une des seules cryptes du département. Elle est désignée sous le nom de Notre-Dame-sous-Terre. Il nous est difficile de voir sur ces images si cette crypte est antérieure à l’an 1000 ou non. On constate qu’elle est de très petites dimensions. On a constaté à de nombreuses reprises que les cryptes pouvaient être postérieures aux églises qui les surmontaient. Entendons-nous bien sur ce point-là : les murs extérieurs de la crypte étaient bien contemporains (ou même de peu antérieurs) aux murs de l’église supérieure. C’étaient en fait les mêmes murs. Mais les colonnes centrales, les chapiteaux et les voûtes –en fait tout ce qui fait le charme d’une crypte– pouvaient être postérieurs de plusieurs siècles. Qui plus est, nous avons remarqué que dans un grand nombre de cas, les colonnes et les chapiteaux pouvaient être de remploi. Cette pratique est d’ailleurs tout à fait compréhensible : les colonnes, chapiteaux et voûtes d’une crypte servent à supporter un modeste plancher et ne sont pas soumises à de fortes contraintes. On peut donc utiliser du matériel de récupération. Par ailleurs, la crypte est un endroit sombre où il est difficile d’identifier des défauts de construction, défauts ou anomalies qui peuvent accentuer le caractère mystérieux de la crypte.

Dans un premier temps, nous avions envisagé que les chapiteaux de cette crypte pouvaient être de remploi. Nous en sommes moins convaincus à présent.

Est-ce une illusion? Il nous semble distinguer une forme anthropomorphe (un orant?) sur le chapiteau de l'image 11. On retrouve cette forme mais moins accentuée sur le chapiteau de droite de l'image 12.

Datation envisagée pour l’église Saint-Jean-Baptiste de Saint-Jean-Soleymieux : an 1100 avec un écart de 150 ans.




Le prieuré de Salt-en-Donzy

Nous n’avons que peu de choses à dire sur cette église difficile à évaluer. La présence d’un sarcophage du haut Moyen-Âge (an 650 avec un écart de 150 ans, image 24) montre l’ancienneté du lieu. Mais cela n’implique pas forcément l’ancienneté de l’église. Certains éléments militent cependant en faveur, si ce n’est d’une ancienneté globale, en tous cas de plusieurs chantiers successifs. Nous avons un temps pensé que la porte occidentale (image 13), dépourvue de tympan, pouvait être préromane. Nous pensons à présent que ce n’est pas le cas : elle est trop proche de l’oculus qui la surmonte. Nous pensons à présent que porte et oculus ont été refaits, peut-être sur le modèle de précédents, mais avec des dimensions plus grandes. En revanche, la porte de même style mais de dimensions plus modestes, visible sur l'image 19, serait ancienne.

La nef unique (image 17 ) est-elle voûtée? À première vue oui, mais il ne semble pas que cela puisse être une voûte de pierre. S’il s’agit d’une voûte de bois, nous dirons qu’elle est plus charpentée (ou plafonnée) que voûtée. La toiture a dû être refaite à plusieurs reprises : frontons et murs gouttereaux sont surélevés (images 14, 15, 16)..


L’arc triomphal (image 18) est légèrement outrepassé. Détail qui nous semble important, cet arc est supporté par deux chapiteaux alors que les arcs d’accès aux croisillons du transept ou à la nef (images 17, 19, 20) sont, eux, portés par des impostes. Nous avons tendance à dire que le système de support des arcs par des impostes a précédé le système de support chapiteau-tailloir. Mais nous n’en faisons pas un dogme. Et il semblerait qu’ici, ce ne soit pas le cas : les arcs d’entrée à la nef et aux croisillons du transept seraient postérieurs à l’arc triomphal. Celui-ci est un arc double, selon nous postérieur à l’an 800.

Remarquer les arcades le long des murs des croisillons du transept (images 19 et 20). Elles servent de support aux voûtes.

Un chapiteau (image 21) d’aspect archaïque présente une scène énigmatique : un quadrupède (lion ? loup? âne?) en train de cracher des feuillages.

Datation envisagée pour le prieuré de Salt-en-Donzy : an 1050 avec un écart de 100 ans.