Le département du Var et Sainte Marie-Madeleine  

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Le département du Var

Le département du Var constitue pour nous une véritable surprise. Nous n’y avons trouvé qu’un très petit nombre d’églises romanes. Effectuons la comparaison avec le département voisin du Vaucluse.

Celui-ci (le Vaucluse) est de superficie plus petite que celle du Var (les trois cinquièmes). Or nous consacrons 14 pages de ce site au Vaucluse et seulement 2 pour le Var.

Les deux pages du département duVar concernent 9 édifices ou objets étudiés (parfois un simple tympan comme à Barjols).

Les 14 pages du département du Vaucluse concernent 31 édifices étudiés. À ceux-là, il faudrait ajouter 27 autres édifices que nous avons écartés par manque d’informations. Soit 6 fois plus d ‘édifices que pour le département du Var.

Une telle répartition peut être le fruit du hasard. Nous ne pensons pas que ce soit le cas. Il y a une série d’explications : la pauvreté des terres empêchant une occupation dense du territoire, les guerres, les épidémies, les guerres civiles, les conflits interreligieux. Mais nous ne savons pas quelle est l’explication la plus plausible. Certaines d’entre elles comme les guerres ou les épidémies sont communes à toutes les régions d’Europe. Il est possible que cette région ait constitué un territoire à part durant l’Antiquité. On constate que, à la fin du IVesiècle, l’actuelle région de Provence, Alpes, Côte d’Azur est partagée en deux parties. La première, avec les villes de Avignon, Arles, Carpentras, Marseille, Vaison, Orange, Cavaillon fait partie de la Province Viennoise. La deuxième avec les villes de Aix, Apt, Riez, Fréjus, Gap, Sisteron, Antibes fait partie de la Province Narbonnaise Deuxième. Il est donc fort possible que le département du Var ait constitué une sorte de no mans land et ce, bien que le département du Var ne soit pas exactement entre les deux anciennes provinces romaines qui ont dû évoluer au cours du temps.

Une deuxième explication pourrait être la présence des arabes du VIIIeou XIesiècle. Cette présence est-elle avérée ? Nous n’en sommes pas sûrs ! Ils auraient donné leur nom au massif des Maures. Cependant, nous sommes surpris qu’ils n’aient laissé aucun vestige hormis peut-être l’Almanare à Hyères. Nous pensons donc qu’ils n’ont pas eu une présence importante permanente sur le littoral provençal. Peut-être ont-ils constitué des troupes de guerriers à la solde de seigneurs locaux ? De toute façon, il nous faut constater l’existence d’une sorte de hiatus historique, d’une incompatibilité entre ce que nous révèlent, d’un côté les historiens, et de l’autre, les archéologues, en ce qui concerne les invasions de la fin du Premier Millénaire. On devrait découvrir en Normandie des traces importantes du passage des Vikings. De même pour les Arabes en Provence, ou pour les Normands en Sicile. Or ce n’est pas le cas. Il faut en conclure que, soit les faits d’armes ont été très amplifiés, soit l’assimilation des envahisseurs a été très rapide.

Nous estimons surtout que la pauvreté des terres a été un élément déterminant, empêchant la construction de villages ou de villes importantes, hormis les ports comme Fréjus ou Antibes. On s’imagine, au vu de grandes villes comme Marseille ou Aix-en-Provence que la Provence pouvait être autrefois riche et peuplée. Or Marseille ou Aix n’ont vu leur extension que récemment : en l’an 1646, l’évêché de Marsetlle payait annuellement à la couronne de France 2752 livres. C’est-à-dire moins que chacune des villes suivantes de l’archevêché de Narbonne : Narbonne (8011), Béziers (6591), Uzès (5472), Montpellier (5310), Pamiers (3660), Agde (3039), Alès (2822). Bien que cette évaluation soit basée sur une période de beaucoup postérieure (plus de 600 ans) à celle que nous étudions, la comparaison est légitime, sachant que l’agriculture a beaucoup plus progressé durant les deux cent dernières années qu’au cours des siècles précédents. La pauvreté agricole de la région constitue donc une raison suffisante à l’absence de monuments.


Le Massif de la Sainte Baume et Sainte Marie-Madeleine

Les chaînes montagneuses des Maures et de la Sainte Baume séparent la mer d’une plaine alluviale par laquelle passent les voies principales reliant Aix-en-Provence à Nice. C’est là que passait la Voie Romaine. Quelques petites villes jalonnent cette voie : Saint-Maximin, Brignoles. Le massif de la Sainte Baume est sis face à
Saint- Maximin. Il existe un lien étroit entre la ville et la montagne voisine : Sainte Marie Madeleine.

Selon la tradition, Sainte Marie-Madeleine, disciple de Jésus, serait venue se réfugier dans une grotte du Massif de la Sainte Baume (« baume » est la traduction provençale de «grotte »). Elle y aurait vécu dans le plus profond dénuement. À sa mort, ses restes auraient été pieusement recueillis. Puis, plus tard, ils auraient été déposés dans la crypte de la basilique de Saint-Maximin à côté des restes de Saint-Maximin, de Saint Sidoine et d’autres reliques.




L’église Saint-Jacques-le-Majeur de Plan d’Aups

Le Plan d’Aups est une sorte de petit plateau du massif de la Sainte Baume au pied de la falaise contenant la grotte. Nous y avons vu une église dédiée à Saint-Jacques-le-Majeur (images de 1 à 5 ). La notice explicative de cette église nous apprend qu’elle date du XIesiècle. Nous sommes un peu plus réservés quant à cette datation et partisans d’une date de peu antérieure à l’an 1000 : an 950 avec un écart de 100 ans. Les raisons avancées sont les suivantes. D’une part, elle semble avoir été voûtée dès l’origine (en plein cintre sur doubleaux plein cintre) : datation postérieure à l’an 800. Les impostes ou chapiteaux de l’arc triomphal (images 4 et 5) semblent peu évolués : datation antérieure à l’an 1000. Enfin, la dédicace à Saint-Jacques-le-Majeur est significative. Le culte adressé à Saint Jacques se serait développé à partir de l’an 800. Saint Jacques le Majeur, encore appelé Saint Jacques Matamore est le symbole de la résistance aux maures. L’idée qui vient à l’esprit, c’est que des conquérants arabes auraient débarqué sur les côtes des calanques et refoulé une partie des populations vers l’intérieur, et en particulier le massif de la Sainte Baume qui aurait constitué une sorte de forteresse naturelle, forteresse que les maures auraient jugée inutile de détruire.

Une stèle romaine a été insérée dans les murs de cette église. Sur le panneau explicatif on apprend que « cette pierre a été découverte en 1872 à la source des Peupliers. (Elle) témoigne de l’existence d’un culte gallo-romain envers les Mères des Eaux : l’ALMAHA, étant la source qui fertilisait les terres de la commune. Du terme ALMAHA dérive au Moyen Âge la dénomination De Almis (cartulaire de Saint Victor daté de 1001) d’où le nom actuel de PLAN d’AUPS. » La légende gravée sur la pierre est : « MATRIBUS ALMAHABUS SEX VINDUS SABINIUS VSLM( Votum Solvit Libero Merito) » . Traduction : « aux Mères de l’Almaha, Sextius Vindius Sabinius a accompli son vœu de bon cœur et à bon droit ». Remarquons au passage - mais il s’agit là d’un point de vue tout à fait personnel - que la dénomination ALMAHA aurait pu donner naissance à la locution « Almara » puis devenir « la Marie « ou « les Marie ». On songe ici à « La Marie-Madeleine » de la Sainte Baume, « Les (Saintes) Maries » des Saintes- Marie-de-la-Mer, voire « La (Bonne) Mère » de Notre-Dame de la Garde à Marseille.


  • La crypte de la basilique Saint-Maximin

    Nous ne nous sommes pas beaucoup intéressés à la crypte en elle-même, qui pourrait dater des environs de l’an mille. L’intérêt principal se trouve - disons le tout de suite - pour les croyants, dans les reliques insignes déposées dans cette crypte. Pour nous qui essayons de nous détacher des questions de croyance ou d’incroyance, l’intérêt se trouve dans les magnifiques sarcophages où sont déposées ces reliques.

    Le premier de ces sarcophages situé à gauche en entrant est celui de Saint Maximin (image 8). Il existe plusieurs saints portant le nom de Maximin. Selon la légende, celui-ci serait un des soixante douze disciples du Christ qui serait venus en Provence avec Marie-Madeleine et d’autres saintes. En tout cas, le sarcophage que l’on voit ici est bien ultérieur à la mort de Saint Maximin. Un panonceau nous indique qu’il date du IVesiècle. Nous estimons qu’il doit être plus ancien d’un siècle. En effet, la plupart des historiens ont sur ces questions un point de vue manichéen. Pour eux, l’avènement de Constantin constitue l’événement fondamental dans l’histoire chrétienne. Sans nier son importance, nous pensons que, avant cet événement, les chrétiens, du moins les chrétiens d’Occident, avaient pris une importance telle qu’ils devaient être à l’abri des persécutions, hormis les plus fanatiques d’entre eux. On sait que depuis le début du IIesiècle, les chrétiens étaient préservés à condition qu’ils ne fassent pas de prosélytisme. En l’occurrence, le sarcophage que l’on voit ici présente un profil bas. Il n’y a pas de symbole typiquement chrétien. Qui plus est,le couvercle - si c’est celui d’origine - présente des symboles païens. Quant à la cuve, les caractéristiques chrétiennes sont difficilement repérables : dans la scène centrale, le personnage de gauche aux traits juvéniles et aux cheveux longs et bouclés serait le Christ. Celui de droite est un Orant, aux bras levés, peut-être le défunt. Ils seraient encadrés, à gauche, par Saint Pierre, et à droite, par Saint Paul.


    Le sarcophage de Marie-Madeleine (image 10) est très bien protégé par une plaque de verre. Cela n’a pas toujours été le cas. Il a été très endommagé par des fidèles désireux de recueillir des reliques de ce tombeau ayant accueilli le corps de la Sainte. On distingue de gauche à droite, le martyre de Paul, l’arrestation de Pierre (?), une scène centrale qui devait représenter la croix entre deux soldats, Jésus devant Pilate qui se lave les mains. Ce sarcophage serait un peu plus tardif que le précédent.


    Le sarcophage de Sidoine (images 11, 12, 13, 14 )

    Le couvercle de ce sarcophage semble adapté à la cuve. Sur chaque scène, le Christ est représenté sous la forme d’un adolescent un peu dodu, imberbe, aux cheveux longs et bouclés. Saint Pierre a les traits d’un homme plus âgé, barbu et aux cheveux courts.

    Les scènes suivantes sont identifiables : sur le couvercle, de gauche à droite : Jésus montrant à Pierre qu’il ressuscitera dans les trois jours, puis la remise des clés à Pierre
    (images 11 et 13), le cartouche, la Multiplication des Pains et le Sacrifice d’Abraham (image 12).

    Sur la cuve (image 14) : de gauche à droite, une scène non identifiée (peut-être : « Laissez venir à moi les petits enfants »), la guérison de l’Aveugle-Né, la croix entre deux gardes, le Reniement de Pierre, la guérison de l’Hémoroïsse.


    Le sarcophage du massacre des Saints Innocents (images 15, 16, 17, 18)

    On reconnaît de gauche à droite :

    Sur le couvercle, le massacre des Saints Innocents avec Hérode sur son trône (images 15 et 16), le cartouche encadré par deux anges (ou dieux lares ?), l’Adoration des mages et la Nativité (images 15 et 18).

    Sur la cuve (images 15 et 17) : la Remise de la Table de la Loi à Moïse, le Reniement de Pierre (on reconnaît le coq du Reniement). Au centre, Jésus, entre deux palmiers,  est debout sur un monticule duquel partent 4 fleuves (les 4 fleuves du Paradis). Pierre à gauche reçoit mission de faire paître les agneaux. Paul, à droite, reçoit les Évangiles et porte la Croix gemmée. À droite, Jésus remet les clés à Saint Pierre et le Sacrifice d’Abraham.

    On peut remarquer que ce sarcophage est différent du précédent par les scènes décrites. Ici, pas de représentation de miracles de Jésus. Il semblerait que les scènes faisant plus référence aux fondateurs, Abraham, Moïse, Pierre et Paul font allusion à un ordre institué. Ce sarcophage pourrait avoir été celui d’un évêque installé par Rome. Par ailleurs, le Christ du centre est représenté barbu. Tous ces détails permettent d’envisager que ce sarcophage est postérieur au précédent.


    La grotte de la Sainte Baume

    Nous ne pouvons dire que peu de choses sur cette grotte et les bâtiments qui l’entourent car nous n’avons pas eu l’occasion de les visiter. Probablement, certains de ces bâtiments ainsi que d’autres situés sur le massif de la Sainte Baume ont une origine très ancienne et ont conservé des murs anciens.