L’église Saint-Hilaire de Melle 

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Selon la page du site Internet Wikipedia concernant cette église : « Du nom du premier évêque de Poitiers, mort en 367, cette église, la plus vaste de Melle, est également la seule à être toujours utilisée en tant que lieu de culte. D'après une charte du Xe siècle, l'église dépendait du prieuré bénédictin de Saint-Jean-d'Angély et fut sans doute donnée à l'abbaye en 961 par Guillaume Tête d'Étoupe, comte de Poitou. À l'origine, l'église était en bois. Elle fut remplacée au XIIe siècle par l'édifice actuel. Ce dernier fut construit en deux étapes : autour de 1109 (date du dépôt monétaire le plus récent enfoui sous l'église) pour le chœur et le transept, et vers 1150 pour la nef et la façade. La construction aurait été financée par un certain Aimericus Abelini, dont on retrouve le nom sur le tailloir d'un chapiteau du déambulatoire. »

Nous ne savons pas d’où vient l’information selon laquelle l’église primitive était en bois. Cela était-il indiqué sur la charte dont il est ici question ?

Quand à la datation de 1109, elle reposerait sur le fait qu’on a trouvé un « dépôt monétaire enfoui sous le sol de l’église ». Une telle justification ne vaut que si le dépôt a été trouvé sous les fondations. Et même, dans un tel cas, cela signifierait seulement que l’église a été construite après 1109 et non « autour de 1109 ». Si le dépôt a été trouvé sous le sol de l’église (hors fondations), il a pu être enfoui là à tout moment. En règle générale, un dépôt monétaire a été enfoui afin de le cacher. Cette opération de dissimulation peut être la conséquence d’une menace telle que guerre ou invasion. Ce peut être aussi une mise en réserve comme on le fait lorsqu’on met de l’argent à la banque. Dans tous les cas, la mise en dépôt est différente de l’acte de construction de l’édifice.



Nous allons essayer d’étudier cet édifice indépendamment des dates qui nous ont été précédemment indiquées.

Les images 1 et 2 sont celles du chevet et du transept. On constate immédiatement d’après sa forme que ce chevet est à déambulatoire avec trois chapelles rayonnantes. Ce que l’on peut vérifier grâce au plan de l'image 4, Autant qu’on puisse en juger à partir de ces images, il semble que le chevet ait été construit en une seule phase de travaux. L’ensemble paraît homogène sans discontinuité.

Ce n’est pas le cas en ce qui concerne le transept. La base du toit du transept devrait coïncider avec la base du toit supérieur de l’abside principale (image 2). On constate cependant que le pignon du croisillon Nord du transept est plus élevé que le toit de ce croisillon Nord (image 2). D’où l’idée que le toit du transept a été abaissé d’une cinquantaine de centimètres. En conséquence, il est possible que le chevet et le transept soient contemporains.

Observons sur l'image 3 la différence entre les fenêtres du transept, à gauche, et de la nef, à droite. En conséquence, nous estimons que la nef est plus tardive que le transept (nous avons en effet observé à plusieurs reprises que les fenêtres à colonnettes et chapiteaux semblaient postérieures aux fenêtres à simple ressaut. Mais cela devrait faire l’objet d’une étude spécifique lorsque l’analyse globale des monuments sera considérée comme achevée).

Les images 5 et 6 montrent la décoration de la façade Nord.


Les voussures externes du portail Nord ( image 7) représenteraient le combat des vices et des vertus. Remarquer l’arc brisé au-dessus de la porte. Compte tenu de l’homogénéité de cette façade Nord, on en déduit que toutes les parties de cette façade doivent être contemporaines. Ceci signifie que les fenêtres à chapiteaux et colonnettes seraient contemporaines des arcs brisés. Nous datons l’ensemble de la seconde moitié du XIIesiècle. Le cavalier surplombant le portail représenterait l’empereur Constantin terrassant les païens (image 8).

Le décor se révèle d’une grande richesse (images 9, 10, 11).

La façade Ouest (image 12) apparaît très homogène. Elle ne l’est pourtant pas si on l’examine dans les détails. En particulier, le troisième étage est constitué d’un pignon triangulaire (image 13). Des colonnes verticales faisant office de contreforts le partagent en trois parties. Ces colonnes verticales s’arrêtent subitement à mi-hauteur. Cette particularité, possible à l’époque gothique, ne cadre pas avec l’esthétique romane. Il faut donc envisager que ce pignon ait été repris à une époque ultérieure. Constatons par ailleurs que le mur de cette façade occidentale est nettement plus élevé que le toit de la nef (images 9 et 14).

Il est fort envisageable que la nef ait été abaissée. La nef primitive probablement charpentée aurait été aussi haute que le pignon actuel de la façade occidentale. Cette hypothèse pourrait être confortée par l’observation du revers de ce pignon sur l’image 13. On peut imaginer grâce aux restes de murs sur ce revers de pignon que l’actuel toit à deux pentes de la nef a pu remplacer un toit à quatre pentes caractéristique des basiliques primitives. Tout cela reste néanmoins à vérifier plus attentivement.


L’intérieur de la nef (images 16 et 17) est déroutant. Par certains côtés, cette nef apparaît romane (arcs en plein cintre sur les collatéraux : image 18, chapiteaux des images 23 à 27). Par d’autres côtés, elle apparaît gothique (les arcs brisés, voûtement brisé sur la nef : image 16). Mais surtout, ce sont les arcs brisés entre les piliers qui donnent à cette nef un petit aspect gothique.

L'image 20 est celle du croisillon Sud du transept. L’arc de gauche permet d‘accéder au déambulatoire. L’arc de droite est celui de l’absidiole greffée directement sur le croisillon Sud du transept.

On retrouve cette disposition d’une façon symétrique sur le croisillon Nord (image 21).

Revenons à cette image 20. Les deux arcs sont différents. Celui de droite est double. Celui de gauche est triple. Cependant, effectuons l’opération suivante. Enlevons par la pensée l’arc inférieur ainsi que les chapiteaux qui le soutiennent. On retrouve deux arcs presque identiques. Ils sont soutenus, non par des chapiteaux, mais par des impostes. Nous pensons que ces deux arcs doubles font partie d’un édifice primitif. L’arc simple situé au dessous de l’arc de gauche aurait été ajouté au moment de l’aménagement du déambulatoire. Là encore, il s’agit d’une hypothèse qui doit être vérifiée.





Datation

La partie la plus ancienne pourrait être le transept. Le fait que ce transept soit plus bas que la nef milite en cette faveur.

Une église aurait précédé celle-ci. Selon nous, la nef de cette église aurait été remplacée par la nef actuelle dans la seconde moitié du XIIesiècle. Le transept aurait été en partie conservé. Le chevet aurait été lui aussi remplacé par le chevet actuel dans la première moitié du XIIesiècle.

Datation proposée en vue d’une estimation globale de l’édifice : an 1100 avec un écart de 100 ans.