L'église Saint-Jean-l'Évangéliste de Marigny  

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Nous avons effectué une courte visite de ce monument. La plupart des images de cette page sont issues de cette visite.

Un panonceau situé à l'entrée de l'édifice donne les explications suivantes : « Édifiée vers l'an 1050, l'église est confiée aux religieux de l'abbaye Saint-Jean-de-Montierneuf de Poitiers. Dépendant du prieuré bénédictin de Marigny, elle est dédiée à Saint-Jean-l'Évangéliste. Altérée par la Révolution de 1789, elle est vendue comme bien national en 1799. Sur ordre du propriétaire, nef et clocher sont démontés en 1801. Au début du XIXe siècle, la municipalité rachète l'église et reconstruit sa nef et son clocher. En 1909, elle est classée monument historique. Son architecture se signale par ses chapiteaux ciselés de feuillages, son abside en hémicycle couverte d'une coupole qu'éclaire un oculus. »


Le plan de l'image 1 fait apparaître en noir les parties édifiées au début du XIXe siècle. Sur le commentaire ci-dessus, nous notons tout d'abord la phrase : « Édifiée vers l'an 1050 ... ». Nous ne sommes pas habitués à ce type de phrase. Il faut savoir que la plupart des spécialistes de l'art roman ne connaissent que le XIIe siècle. Rares sont les monuments qu'ils datent du XIe siècle et encore, il faut une très forte raison pour qu'ils les datent d'avant l'an 1050. Pour dater une église du XIe siècle, il faut que, soit les spécialistes disposent d'un document daté de cette période mentionnant expressément l'existence de cette église, soit que cette église témoigne d'un archaïsme dans la construction ou dans la décoration. Nous ne voyons pas a priori d'éléments archaïques. Nous en déduisons qu'il doit exister un document historique montrant l'existence de cette église aux alentours de 1050. Nous verrons plus loin que l'église pourrait être bien antérieure à cette période.

Sur l'image 3, on constate que l'abside centrale est précédée d'un avant-chœur qui est accolé aux deux absidioles.

Sur l'image 4, on voit que l'arc triomphal est encadré par deux autres arcs qui protègent des baies de communication, parfois appelées « passages berrichons ». Ce sont en fait les entrées des collatéraux (images 5 et 6). En observant ces images 5 et 6, on remarque qu'au fond de ces collatéraux, se trouvent les absides.

Si on revient au plan de l'image 1, on s’aperçoit que le plan est celui d'une nef à trois vaisseaux avec les trois absides en prolongement des trois vaisseaux (en fait, le mur Nord de la nef n'est pas dans le prolongement du mur Nord du croisillon Nord du transept mais il est possible que ce mur Nord ait été entièrement repris).

Il faut savoir que ce plan de nef à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement est très fréquent (il aurait été utilisé pendant plusieurs siècles) et considéré comme ancien (antérieur à l'an mille). À cela s'ajoute la considération suivante. Si on accepte l'idée que les piliers actuels de le nef du XIXe siècle sont situés à l'exact emplacement des piliers anciens, on note qu'ils partagent cette nef en trois travées de même largeur. Et cette largeur est aussi la même que celle du transept. D'où l'idée suivante : le nef primitive était à 3 vaisseaux et 4 travées identiques (peut-être plus : il est possible que des travées supplémentaires aient été détruites à la Révolution). Il n'y avait pas de transept. Les trois vaisseaux étaient prolongés par les trois absides actuelles. Ultérieurement, il a été décidé de construire un transept avec un clocher de croisée du transept. Ce transept a été construit sur la travée la plus proche du chœur. Et pour cela, on a construit les piliers du transept avec les chapiteaux qui les ornent. Cet aménagement d'une nef plus ancienne daterait selon nous de la période romane (XIe-XIIe siècles).


Les chapiteaux de la croisée du transept :

Ils présentent des décors très variés. Ainsi, les deux chapiteaux de l'image 11 qui reproduisent le même thème de feuilles dressées sont pourtant différents dans leur composition : formes apurées à gauche, exubérantes à droite.

Deux chapiteaux sont historiés (images 13 et 14). Le premier représente deux quadrupèdes (des loups) aux corps superposés et têtes opposées. Il existe beaucoup de représentations de quadrupèdes mais celle-ci est nouvelle pour nous. Nous ignorons la signification du second.

Le chapiteau de l'image 15 représente des feuillages entrelacés (pampres de vigne ?).


Datation envisagée pour l'église Saint-Jean-l'Évangéliste de Marigny

Rappelons ce que nous avons dit auparavant. Nous estimons qu'il y a eu deux périodes de construction avant l'an 1200. Au tout début, il y a eu édification d'une nef unique à trois vaisseaux avec trois absides en prolongement. Il ne resterait de cette église que les trois absides et les arcs permettant l'accès aux collatéraux (image 6). Ces arcs sont doubles. Il resterait aussi l'amorce du premier pilier de la nef (image 7). Le chapiteau de forme cubique qui surmonte la demi-colonne engagée est probablement le résultat d'une restauration au XIXe siècle, mais certainement pas d'une pure invention de cette période. Ce chapiteau (ou plutôt le chapiteau qui l'a remplacé) devait porter quelque chose. On pense à un arc, et à l'arc de la première travée de la nef à trois vaisseaux. Observons de plus que les arcs de passage aux collatéraux sont portés par des impostes. Nous estimons que le système des impostes est antérieur au système chapiteau-tailloir. Inversement, le système des arcs doubles (identifiés sur les arcs de passage) serait postérieur au système des arcs simples. En conclusion, cette première église serait ancienne mais pas trop ancienne. Datation estimée : an 950 avec un écart de 75 ans.

La seconde construction serait celle du transept avec ses 4 piliers, ses chapiteaux et tailloirs et ses arcs (dont, en particulier l'arc triomphal et l'arc absidal). Il est même probable que la coupole ait fait partie de cette étape de construction. Datation estimée  : an 1125 avec un écart de 75 ans.