La Cathédrale Saint-Julien du Mans
Voici ce qu’en dit la page du site
Internet Wikipedia consacrée à cette église. Cette page
reprend presque intégralement les informations données à
l’intérieur de l’édifice. Informations complétées par une
série de maquettes :
« La fondation de la
cathédrale remonterait au IVeou Vesiècle.
Elle était alors dédiée aux saints Gervais et Protais.
Cette première cathédrale est arasée lorsque l’évêque
Vulgrin, en 1056, ordonne la construction d’un nouveau
bâtiment. Il choisit lui-même l’emplacement de l’édifice,
à l’opposé du mur d’enceinte Nord de la ville. Dix ans
après cette première construction, l’édifice s’écroule.
Les successeurs de Vulgrin décident de poursuivre son
œuvre. L’évêque Arnaud, en fonction dès 1067, reprend la
construction. En 1081, le chœur et la crypte sont bâtis,
de même que les fondations du transept et de ses tours. De
cette reconstruction, il ne reste aujourd’hui plus qu’un
fragment d’arc du transept Nord. L’évêque Hoël décide en
1085 d’achever les travaux de son prédécesseur. Admiratif
du travail normand, il fait appel à des ouvriers de cette
région pour poursuivre la construction. Les tours et les
bas-côtés de la nef sont achevés dans ce style. Pendant
cette longue construction, il est impossible pour les
pèlerins d’approcher les reliques et le tombeau de Saint
Julien. L’économie mancelle en est entachée. Les habitants
obligent
alors l’architecte à ouvrir l’édifice aux
visiteurs. Cela est fait le 17 octobre 1093. Une partie
achevée est montrée au public.
Trois ans passent avant que le nouvel évêque Hildebert de
Lavardin reprenne les travaux… La cathédrale est
considérée comme pleinement achevée en 1120. En vérité, la
cathédrale ne ressemble pas tellement à celle qui est
aujourd’hui visible. Grande pour l’époque, elle est
comparable à la taille d’une grande église d’aujourd’hui…
».
On nous dit ensuite que deux incendies en 1134 et 1138
détruisent partiellement l’édifice, puis « …La
nef centrale et la tour Sud sont alors refaites. La nef
centrale devient un édifice superbe : 55 mètres de long
sur 23 de large sont nécessaires pour créer cette pièce en
style purement roman. On essaie de nouvelles techniques de
fondation pour rebâtir la voûte. La croisée d’ogives est
adoptée. Les piliers sont réhabilités et des baies plus
hautes et plus grandes sont insérées… Guillaume de
Passavant inaugure et dédicace la nouvelle cathédrale le
18 avril 1158. Les travaux reprennent en 1220. L’ancien
chœur … est reconstruit … » .
Le premier des reproches que l’on
pourrait nous adresser est le suivant : « Comment se fait-il
que, dans un ouvrage consacré au premier millénaire, vous
parliez de cet édifice qui, manifestement, ne date pas de
cette période ? ».
Notre réponse est la suivante : D’une part nous devons avoir
une vision élargie de cette période. Théoriquement, le
premier millénaire commence le premier janvier de l’an 1 à 0
heure et finit le 31 décembre de l’an 999 à 24h. Dans la
pratique, c’est tout à fait différent. Il y a un avant et un
après dont on est obligé de tenir compte. D’ailleurs,
c’est ce que nous avons réalisé au début de la création du
site. Au premier abord, nous pensions ne nous occuper que de
la période (400-1000) dite des Grandes Invasions. Puis nous
avons estimé qu’il fallait élargir notre approche, d’abord à
(200-1050) puis finalement (1-1100).
Il existe une deuxième raison qui nous
conduit à parler de cet édifice du deuxième millénaire. Elle
est issue de notre démarche. Nous sommes en effet persuadés
que la méthode exclusive de datation par lecture des textes
anciens a été polluée par les interprétations erronées ou
les approximations : ainsi une église citée en 1081 devenait
une église construite en 1081. A la suite des nombreuses
contradictions constatées, nous pensons qu’un réexamen
systématique des textes doit être effectué et que leur
analyse doit être interprétée avec une grande prudence. Ce
réexamen des textes étant long, fastidieux et nécessitant
des moyens importants, il nous a semblé que, dans un premier
temps la démarche consistant à analyser l’architecture des
bâtiments était la plus productive et devait permettre de
proposer une chronologie. Il est donc important pour nous de
connaître les étapes importantes de l’évolution
architecturale. Même si ces étapes se déroulent au deuxième
millénaire.
Le texte ci-dessus concernant la
cathédrale du Mans nous donne bon nombre d’informations. La
question se pose de savoir comment elles ont été trouvées :
par lecture directe d’un texte, ou par une libre
interprétation de ce texte.
Une de ces informations pose problème : c’est celle
concernant les croisées d’ogives : « La
croisée d’ogives est adoptée ». On aimerait en
savoir beaucoup plus sur la question. Car si le reste du
texte est vrai, la croisée d’ogives aurait été adoptée entre
1138 et 1158. Et sans doute beaucoup plus près de 1138 que
de 1158. Car il faut du temps pour construire une église,
travée après travée. Et la croisée d’ogives, programmée
avant le début des travaux, est posée dès la première
travée.
Donc, selon cette information, la croisée d’ogives daterait
de la première moitié du XIIesiècle, au moins
pour le Mans. Nous pensons que la croisée d’ogives est une
invention majeure qui a permis la construction des grandes
églises gothiques. Nous pensons aussi que cette innovation
importante s’est répandue très rapidement à travers toute
l’Europe. Nous avions auparavant envisagé que cette
invention s’était produite vers la fin du XIIesiècle.
Soit 50 ans de différence. Ce qui semble trop important face
à une diffusion rapide.
Il existe une autre contradiction flagrante. Elle se trouve
entre d’une part les images ci-dessus de la cathédrale du
Mans et d’autre part les datations actuelles des monuments
romans. Les images sont celles d’un édifice fortement
apparenté à une église gothique (arcs brisés, croisée
d’ogives). Un édifice qui daterait de la première moitié du
XIIesiècle. Inversement, il suffit de se
promener sur nos routes de France pour constater la
profusion de panneaux signalant l’existence à proximité
d’une
« église romane du XIIesiècle ». La proportion
de panneaux, « église romane du XIIesiècle »,
est nettement plus importante que celle des panneaux, «
église romane du XIesiècle ». Qui plus est,
lorsqu’on visite ces églises « romanes du XIIesiècle
», on ne découvre pas d’arc brisé ni de croisée d’ogives :
ce sont bien des églises romanes. A cela s’ajoutent les
commentaires des spécialistes qui n’hésitent pas à dater de
la fin du XIIesiècle des chapiteaux qu’ils
définissant comme étant romans. C’est-à-dire 50 ans après la
construction de la cathédrale du Mans.
Face à tout cela, on est un peu perdu. L’art gothique
aurait-il précédé l’art roman ? Sûrement pas ! Il faut donc
envisager autre chose.
Le texte explicatif nous semble un peu
trop précis et détaillé pour être parfaitement crédible.
Résumons nous : son auteur nous cite les dates successives
de 1056 (construction), 1066 (effondrement des voûtes),
1067(construction), 1081 (construction), 1085
(construction), 1093 (achèvement partiel), 1096
(construction), 1120 (achèvement des travaux), 1134
(incendie), 1138 (incendie), 1158 (consécration), 1220
(construction). On a l’impression en lisant ce texte d’une
série impressionnante de transformations importantes toutes
différentes entre elles. Or, sur les images de l’église, on
ne décèle pas de trace de ces transformations (hormis le mur
roman du bas-côté Sud). Hormis aussi la présence d’arcs en
plein cintre au-dessus d’arcs brisés (images
2, 3 et 4). Il devait y avoir une première nef dont
le vaisseau central reposait sur des arcs en plein cintre.
Des arcs brisés ont été ajoutés sous les arcs en plein
cintre. Mais pas à tous les arcs. On se trouve en présence
d’une complexité de construction qu’il est difficile
d’appréhender au vu de quelques photographies. Mais il n’y
aurait là qu’un nombre réduit de transformations
différentes.
Il faudrait donc reprendre la lecture des textes anciens en
adoptant cette nouvelle optique (évolution d’un chantier en
construction) et essayer d’identifier pas à pas sur les murs
les transformations minimes (passage progressif de l’arc en
plein cintre à l’arc brisé, ajout de colonnes pour soutenir
les voûtes, etc.). Il s’agit là d’un travail très délicat et
qui doit être fait sans parti pris préalable.
Concernant la voûte en croisée d’ogives, nous pensons que
l’auteur a commis une erreur. Selon nous, cette voûte a été
installée après 1158. L’édifice terminé en 1158 devait être
couvert soit de voûtes en berceau plein cintre, soit de
voûtes en berceau brisé. Mais ce ne sont là que des
hypothèses qui doivent être vérifiées à partir de l’étude
d’autres édifices.