Les remparts du Mans
La ville du Mans n’a conservé qu’une
petite partie des remparts qui l’entouraient. Mais il s’agit
d’une partie extraordinaire (au sens propre du terme). En
effet, les images ci-dessous montrent que cette
fortification était décorée : d’étroites bandes horizontales
formées de trois ou quatre rangées de briques délimitent
d’autres bandes de mosaïques de pierres blanches et noires.
Les décors de ces bandes sont simples mais différents. De
bas en haut : damiers, losanges, chevrons, marguerites,
zigzags, successions de barres obliques (image
2). L’ancienneté est indiscutable : des portions
entières de décor ont disparu.
Ce décor est exceptionnel. Nous ne
l’avons pas rencontré ailleurs.
Certes, nous avons déjà vu, en France et dans l’ancien
Empire Romain, des murs de fortifications formés de bandes
horizontales de pierres et de briques. Les fortifications
sont dites du Bas-Empire et invariablement datées du IVesiècle
sans qu’on sache comment les spécialistes ont pu fixer ces
datations.
On pourrait envisager que, pour ces fortifications du
Bas-Empire, il existe des raisons techniques qui permettent
d’expliquer ce type de construction : par exemple, il
permettrait de mieux absorber le choc des boulets lancés par
des machines de siège. Néanmoins, il ne semble pas que la
preuve ait été apportée de la validité de cette hypothèse.
Concernant les fortifications du Mans, l’hypothèse
esthétique est la seule envisageable. Et on est obligé de se
poser la question : comment se fait-il qu’on décore une
forteresse dont le but essentiel est de protéger une ville
? L’art de la guerre est-il compatible avec l’art
profane ?
Cette décoration des remparts, elle sert à montrer aux
étrangers que la ville a les capacités non seulement de se
défendre mais aussi de s’investir dans des opérations a
priori inutiles, de donner une autre image d’elle-même.
Cette idée est surprenante et étonnamment novatrice.
Imaginons l’effet que pourrait avoir notre porte-avions
Charles de Gaulle s’il était décoré, à la manière de
certains de nos camions, d’une plage de rêve encombrée de
cocotiers. La plupart trouverait sans doute cela ridicule.
Mais d’autres approuveraient.
De quand date cette décoration ?
L’existence des bandes de brique permet de penser que les
murailles du Mans sont contemporaines des fortifications
dites du
« Bas-Empire ». Et dateraient donc, si l’on en croit les
spécialistes, du IVesiècle.
Nous pensons qu’une telle datation est entachée d’erreurs …
ou d’incertitudes. Elle aurait été inventée artificiellement
à la suite d’un raisonnement simpliste : au début du Vesiècle,
il y a eu des invasions barbares. Tout a été détruit et il
n’y a pas eu de construction nouvelle. En conséquence, les
constructions que l’on observe sont antérieures à l’an 400.
Les romains les ont construites pour se protéger des
barbares. Donc elles datent du IVesiècle.
Nous pensons que ces murailles à bandes horizontales de
briques et de pierres ont été construites dans un intervalle
de temps plus grand que celui du seul IVesiècle,
entre l’an 250 et l’an 500.
Les images précédentes 1, 2, 3 et 4 ont été photographiées en août 2010. De passage au Mans, en septembre 2022, nous avons eu l'occasion d'admirer à nouveau ces fortifications. Nous avons alors réalisé que depuis notre précédent passage, d'autres parties des fortifications avaient été mises à jour. Et la longueur totale des murailles apparentes était devenue le double d'auparavant. Les images 7, 8, 9, 10, 11 et 12 permettent d'avoir un aperçu de ces murs récemment dégagés. On notera que parmi les trois tours rondes, deux (celle de l'image 10, et, plus particulièrement, celle de l'image 12) ont conservé une bonne partie de leur décor. La porte surmontée d'un arc brisé de l'image 11, n'est pas selon nous contemporaine des murailles, mais de beaucoup postérieure à leur construction.
L'architecture de ces fortifications ne cesse de nous surprendre. Par leur parement, les murs nous semblent plus proches de ceux de Carcassonne que de ceux d'autres cités proches du Mans (Tours, Beauvais). Or nous savons, d'après Grégoire de Tours et ses continuateurs, que la Septimanie défendue par le château de Carcassonne et la Touraine contrôlée par les Francs, ont été, au moins jusqu'au milieu du VIIe siècle, presque perpétuellement en conflit. Il y a là un paradoxe que nous ne comprenons pas.