L’église Notre-Dame-de-Joie de Merlevenez
La page Internet du site Wikipedia
consacrée à cette église nous apprend ceci : «
La construction de l'église commence au XIe
siècle et se poursuit au XIIe siècle. La nef
est surélevée au XIVe siècle. Le clocher est
édifié sur le carré du transept, à la fin du XIVe
siècle. La charpente du chœur est posée en 1410. Le
clocher est restauré en 1533, après avoir été abattu par
la foudre. À l'Est du croisillon Sud, la sacristie est
construite au XIXe siècle.
Durant l'épisode de la poche de Lorient à la fin de la
Seconde Guerre Mondiale, le clocher de l'église sert de
poste d'observation aux allemands. Pour cette raison,
l'église subit de nombreux bombardements et le clocher
s’effondre.
L'église est restaurée au cours des années 1960. C´est en
supprimant la sacristie durant les travaux de restauration
d'après guerre, que sont découvertes les fondations de
l´ancienne absidiole Sud du transept. [...] »
Lorsque nous avons créé l’actuel site ,
il y a plus de trois ans, il n’était pas question pour nous
de créer une page sur l’église Notre-Dame-de-Joie de
Merlevenez. Pourtant, cette église nous était connue et nous
en avions fait de nombreuses photographies. Mais voilà !
Notre site était réservé à l’étude des édifices du Premier
Millénaire et il ne fallait pas créer de confusion dans les
esprits en décrivant un édifice qui, selon nous, appartenait
au deuxième millénaire.
Depuis notre réflexion a nettement évolué. D’une part, il
nous est apparu qu’il n’existait pas de discontinuité entre
le premier millénaire et le second millénaire. S’il est vrai
que, dans l’absolu, le premier millénaire s’arrête au 31
décembre 999, c’est beaucoup moins vrai sur le plan
pratique. Tous ceux qui ont vécu le « passage à l’an 2000 »
le savent fort bien. Nous avons vécu de grands moments de
partage, des vœux de bonheur et de prospérité. Mais selon
l’expression consacrée : « La terre ne s’est pas arrêtée de
tourner ». L’ouvrier qui a arrêté son engin de chantier le
31 décembre 1999 à 17h, l’a redémarré le 2 janvier 2001 à
8h. Il a du en être de même pour le passage à l’an 1000.
Certains des travaux planifiés avant l’an mille ont été
terminés après cette date.
À cela s’ajoute un mélange d’antiquité et de modernisme
caractéristique de l’architecture. : à une date donnée,
peuvent coexister deux types d’architectures : une
architecture démodée rééditant des formes vieilles de plus
de 40 ans et une architecture futuriste anticipant des
formes qui seront généralisées 40 ans plus tard.
Par ailleurs, la connaissance d’une
architecture plus évoluée donc plus tardive peut permettre
de connaître une architecture.
En ce qui concerne l’église Notre-Dame-de-Joie de
Merlevenez, ce n’est pas l’architecture qui est concernée
mais l’iconographie.
L’architecture de cette église nous
semble en effet claire. Les arcs des portails sont brisés (image 1 et 11). De
même, les arcs reliant les piliers de la nef sont eux aussi
brisés ... et doubles (image
19).
Nous pensons que ce type d’architecture peut être attribuée
à l’art roman tardif, qui s’est manifesté dans la seconde
moitié du XIIesiècle. Un mélange d’art roman
et d’art gothique. Bien que présents dès la période romane,
les arcs brisés sont plutôt caractéristiques du gothique.
Inversement, les chapiteaux historiés seraient plutôt
caractéristiques de la période romane.
Sur l’image 19, le
contraste est flagrant entre toute la partie située au
dessous de la corniche qui court au dessus des arcs brisés
et la partie située au dessous. Cette dernière apparaît
mieux appareillée que la partie supérieure. Comme il semble
difficile d’admettre que la partie inférieure est plus
récente que la partie supérieure. Comme aussi il est logique
de penser que l’architecte de l’église primitive a conçu un
projet global intégrant à la fois la réalisation des parties
inférieures et supérieures, on déduit de cette analyse que
la partie située au-dessus de la corniche a été entièrement
refaite. Très probablement, l'église primitive devait être
charpentée.
Venons en maintenant à l’iconographie.
Les chapiteaux des images
24, 25, 26, 27, 28, 29, 32,33, 34 et 36 sont
décorés de scènes historiées. On remarque immédiatement que
ces scènes historiées ne semblent avoir aucun rapport avec
les scènes d’autres chapiteaux vues ailleurs en Bretagne.
Nous avons remarqué une ressemblance de styles des
chapiteaux de diverses églises de Bretagne : Loctudy,
Fouesnant, Locmariaquer, etc. Au point que nous pouvons
parler d’un style spécifique à la Bretagne. Mais l’église de
Merlevenez ne rentre pas dans ce cadre-là : elle est toute
différente des églises précédemment citées. Il faut donc
envisager que, soit cette église a été bâtie par un peuple
différent, soit elle a été construite à une époque
différente. Nous optons plutôt pour la seconde hypothèse.
L’analyse ne s’arrête pas là. Car si les chapiteaux de cette
église ne ressemblent pas aux chapiteaux bretons, ils ne
ressemblent pas non plus à des chapiteaux vus à l’extérieur
de la Bretagne.
Les scènes sont en effet fort différentes de scènes vues
ailleurs. Et difficiles à interpréter. On retrouve cependant
le centaure tirant des flèches (image
29). Mais, phénomène nouveau, les flèches sont
tirées sur un gros oiseau. Ce gros oiseau est-il une
autruche ? ou sa représentation imaginée (les contemporains
n’avaient pas l’occasion de voir de vrais autruches) ? Notre
correspondant André Waller qui a participé à la rédaction de
plusieurs pages de ce site nous a fait découvrir
l’importance du symbole de l’autruche. Ainsi que la
possibilité d’une corrélation entre les symboles du centaure
et de l’autruche. On remarque que la pointe de flèche est
arrêtée par la langue de « l’autruche ». Dans son article
intitulé « Les deux autruches », André Waller nous explique
que la plus grande des deux autruches libère la plus petite
en déposant un ver sur la cage de cristal qui l’emprisonne.
Nous n’avons pas ici une telle représentation. Mais il est
possible que le centaure et l’autruche soient des animaux
mythologiques issus de deux religions différentes mais
exprimant des thèmes analogues. Le combat du centaure et de
l’autruche traduirait le conflit entre deux traditions.
Une autre scène a été déjà vue ailleurs. Il s’agit de la
représentation d’un monstre dévorant le corps nu d’un homme
(image 28).
Mais dans la plupart des cas que nous avons rencontrés
auparavant, le monstre ne dévore pas : il maintient la
gueule ouverte.
Pour le reste, il est difficile d’identifier les images :
hommes prisonniers d’entrelacs (image
24) ; masques crachant des serpents (image
25) ; hommes tenant sur eux une sorte de vase
(avares ?) (image 26)
; supplice de la roue (image
27) ; homme jouant d’un instrument de musique à
deux tuyaux ? (image 33
). On retrouve le même homme sur l'image
34.
Nous pensons qu’il faudrait faire une étude approfondie de
ces chapiteaux en les comparant avec ceux issus d’autres
régions de France, en particulier l’Auvergne.
D’ores et déjà, il semblerait que ces
chapiteaux de Merlevenez soient plus tardifs que ceux des
autres régions de France pour lesquels il existe une
ressemblance de thèmes. Mais la comparaison s’arrête là. Il
n’existe pas selon nous de comparaison possible entre les
chapiteaux de Merlevenez et ceux d’autres églises bretonnes
comme Loctudy, Locquénolé, Ploërdut, Plumergat ou
Saint-Gildas-de-Rhuys. Il n’existe aucun indice de filiation
entre ces dernières et Notre-Dame-de-Joie. Ce qui laisse
envisager que plusieurs siècles séparent la construction de
ces édifices. Notre-Dame-de-Joie étant la plus récente, on
peut raisonnablement estimer que les autres sont antérieures
à l’an mille.
Datation
estimée pour la nef et les chapiteaux de Merlevenez
: an 1175 avec un écart de 50 ans.
Remarque :
il est possible que certaines parties de l’église soient
plus anciennes. C’est ce que nous envisageons en ce qui
concerne le croisillon Sud du transept (images
38 et 39), de style très différent de la nef.
Cependant, nous n’avons pas suffisamment d’arguments pour
justifier une telle théorie.