Divers édifices du Cantal susceptibles de dater du Ier millénaire (page 4/5) 

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Les trois édifices étudiés dans cette page sont : l’église Saint-Georges de Riom-ès-Montagnes, l’église Sainte-Croix de Saignes, l’église Saint-Martin de Sauvat.



L’église Saint-Georges de Riom-ès-Montagnes

Nous avons visité cette église en juin 2018. Voici ce que nous avons écrit à son sujet à la fin de la même année :

« Notre visite de l’église Saint-Georges a été beaucoup trop rapide pour que nous puissions en tirer des conclusions importantes. Heureusement, certaines images extraites d’Internet permettent d’en avoir une idée. Il faut tout d’abord noter que, malgré le fait que la nef soit couverte d’un toit à deux pentes (images 1 et 2), il s’agit bien d’une nef à trois vaisseaux. Il est donc probable que, primitivement, elle ait été charpentée, le vaisseau principal étant couvert d’un toit à deux pentes et chacun des collatéraux couvert d’un toit à pente unique. Le voûtement des trois vaisseaux a dû se produire en fin de période romane ou début de période gothique. La pose des voûtes a nécessité de diminuer la hauteur des murs gouttereaux, et, en conséquence, de supprimer les fenêtres supérieures qui éclairaient le vaisseau principal. Ceci a eu pour effet d’assombrir la nef, mais aussi de réunir l’ensemble sous un seul toit à deux pentes (image 3 du vaisseau principal, image 5 du collatéral Sud).

Le chevet est constitué de trois absides (images 1 et 2). L’abside principale doit selon nous être remarquée par sa colonnade de fond d’abside (image 4). Elle s’apparente à une colonnade de déambulatoire, sans pour autant qu’il y ait un vrai déambulatoire. Nous pensons (sans en être certains) que cette colonnade a été ajoutée postérieurement à la construction de l’abside pour permettre de la voûter en cul-de-four.

Nous avons déjà vu une représentation de femme à longues nattes repliées au-dessus la tête (image 6). C’était dans cette page de notre site, à Menet (images 38 et 39 de cette page). Tout comme à Menet, le chapiteau présentait un couple homme-femme. Mais, comme à Menet, la scène, légèrement différente, reste énigmatique.

Le chapiteau de l'image 7 pourrait représenter une homme enfermé dans une cage dont on ne voit que les barreaux. Il est encadré par deux soldats. On ne voit pas quelle est la signification de cette scène. Peut-être un épisode de la vie d’un saint ?

Le chapiteau de gauche de l'image 8 est vu de face sur l'image 9. Un personnage nu et grimaçant saisit le bras d’un homme. À droite, un autre personnage est assis. Il tient dans sa main gauche un objet difficile à déterminer (arc ? Instrument de musique ?...). Là encore la scène est énigmatique.


Datation envisagée
pour l’église Saint-Georges de Riom-ès-Montagnes : an 1050 avec un écart de plus de 100 ans. »


Nous avons à nouveau visité cette église début juin 2024, en compagnie d'Alain et Anne-Marie Le Stang, les 15 images suivantes de 10 à 24 ont été prises lors de cette visite.

Une page du site Internet Wikipédia est consacrée à cette église. Voici un extrait du texte :

« L'église est constituée d'une nef à trois travées, dotée de deux collatéraux, d'une abside et deux absidioles.

Les deux premières travées sont datées de la fin du Xe siècle. Les piliers sont carrés et chanfreinés. Le pilier de la deuxième travée à droite présente un décor cordé.

Les piliers de la troisième travée sont dotés de colonnes engagées.

Le chœur et l'abside sont datées du XIe siècle et les chapiteaux présentent un riche décor.

Les collatéraux et les absidioles datent du XIIe siècle.

Le porche et le clocher datent du XVe siècle.

L'église a subi des transformations et restaurations au XIXe siècle.
»


Les images 3, 5, 10 et 11 montrent un mélange de styles caractérisant une multiplicité de campagnes de travaux (arcs en plein cintre et arcs brisés, arcs simples et arcs doubles, piliers de type R0000 et piliers de type R0101).

Sans certitude avérée, nous pensons qu'à l'origine, l'église était dotée d'une nef à trois vaisseaux avec une seule abside en prolongement du vaisseau principal. Cette nef devait être entièrement charpentée (vaisseau central et collatéraux). Les piliers devaient être les piliers actuels de type R0000. Ils auraient cependant été modifiés plus tard par biseautage des angles. Les impostes de ces piliers (hormis peut être celle de l'image 14) dateraient de cette période, sûrement préromane (images 12 et 13). L'abside (image 4) daterait aussi de cette période. Mais ce ne serait pas celle que l'on voit actuellement. En effet, la colonnade de fond d'abside aurait été ajoutée ultérieurement pour permettre de voûter l'abside en cul-de-four. Les voûtes de la nef auraient été ajoutées ultérieurement et peut-être en plusieurs étapes.

Image 15. C'est la même scène que celle de l'image 6 : une femme aux longues tresses recourbées tient la main d'un autre personnage. Le thème de la femme aux longues tresses a été rencontré ailleurs : dans cette église même, à côté de ce chapiteau (image 16) ou à Menet, village situé à quelques kilomètres de Riom-ès-Montagnes. Mais à Menet, la scène est un peu différente : les personnages sont tous deux vêtus. Ici, la personne de droite, probablement une femme (même si les seins n’apparaissent pas) est nue et apparemment sodomisée. Anne-Marie et Alain Le Stang proposent une autre interprétation. Ils seraient d'accord sur le fait qu'il s'agirait d'un homme avec les jambes repliées, et le sexe apparent. Il tient par la main la femme (personnage de gauche). Donc point de sodomie. Nous laissons au lecteur le soin de trancher, l'essentiel étant de comprendre la signification de cette scène apparemment scabreuse, mais qui, placée dans une église, devait avoir un sens autre que grivois.

Images 16 et 17. On retrouve une scène présentant une femme à longues tresses. Mais ici, il semblerait qu'une grande partie de la scène ait été tronquée. Nous pensons que ces scènes présentant des femmes à longues tresses pourraient être en rapport avec les constructions d'églises. Durant la période tardo-antique et le haut Moyen-Âge, la chevelure était symbolique de pouvoir : l'homme qui perdait le pouvoir était tondu. Les longues tresses pourraient être symboliques d'un pouvoir accordé aux femmes, dont en particulier de faire construire des églises.

L'image 18 est celle de la face avant du chapiteau auparavant examiné sur l'image 17. Nous n'en comprenons pas le symbole.


Il en est de même pour le chapiteau des images 19 (face avant) et 20 (face latérale droite) : peut-être une représentation de l'Enfer ?

Image 21 : Chapiteau aux animaux affrontés.

Image 22. Sur le chapiteau de droite, une sirène à deux queues

Imags 23. Sur le chapiteau de gauche (probablement le même que le précédent mais vu sur une autre face) : masque avec deux bras (ou jambes ?) dressés. Nous pensons que ces deux chapiteaux sont des avatars du chapiteau intitulé « torse d'homme émergeant des feuillages » qui serait le symbole de l'ancêtre mythique fondateur de la dynastie.

Images 24 : Croix de chemin. Nous la datons aux alentours du XVIe siècle.


Nouvelle estimation de la datation de l’église Saint-Georges de Riom-ès-Montagnes : an 950 avec un écart de plus de 100 ans. Nous pensons en effet, après examen, que l'église d'origine devait être charpentée.




L’église Sainte-Croix de Saignes

Nous avons visité cette église début juin 2024, en compagnie d'Alain et Anne-Marie Le Stang. La majorité des 12 images suivantes de 25 à 36 a été prise lors de cette visite.

La page du site Internet Wikipédia relative à cette église nous apprend ceci :

« La construction de l'église doit remonter au XIIe siècle. On note qu'Odon de Saignes a participé à la première croisade, à partir de 1095. L'architecture de l'église a peut-être été influencée par les églises qu'il avait pu voir pendant cette croisade.

L'église a d'abord été placée sous le vocable de Saint-André avant d'être dédiée à la Sainte-Croix. Le patron de la paroisse est saint Roch, probablement à la suite de deux épidémies de peste. Les morts avaient été si nombreux qu'il avait fallu les enterrer hors du cimetière.

L'église avait été construite sur un plan simple : nef unique rectangulaire se terminant sur une abside semi-circulaire voûtée en cul-de-four. En 1624-1627, on a ajouté deux chapelles latérales, la chapelle du Rosaire et la chapelle Sainte-Anne.

La façade comprend un portail surmonté d'une arcade et de demi-arcades de part et d'autre retombant sur deux colonnes encadrant la porte.

Le clocher, rasé en 1793, a été rétabli en 1850, puis surélevé de 2,60 m en 1990.
»


Commentaires de ce texte

En ce qui concerne les deux phrases, « On note qu'Odon de Saignes a participé à la première croisade, à partir de 1095. L'architecture de l'église a peut-être été influencée par les églises qu'il avait pu voir pendant cette croisade. », il faut observer que même s'il peut être intéressant de savoir qu'un seigneur de Saignes a participé à la première croisade, le rapprochement entre cette présence et son influence en matière d'architecture de l'église est douteuse. D'une part, la maîtrise de la construction de cette église n'a probablement pas été confiée au seul seigneur de Saignes mais à un collectif contenant des ecclésiastiques, et, par ailleurs, rien na permet d'affirmer que la mise en chantier est contemporaine d'Odon de Saignes (fin XIe- début du XIIe siècle). D'autre part, le style de l'édifice est plus proche des modèles cantaliens que des modèles extérieurs à l'Auvergne.

Les images 25, 26 et 27 font apparaître un ensemble homogène sans trace de travaux importants modifiant le plan d'ensemble.

Image 28 : Sur le chapiteau de droite, le thème représenté s'apparente à celui des « oiseaux au canthare ».

Images 29, 30 et 31. Nous ne voyons pas sur ces diverses images d'éléments caractéristiques suffisants permettant d'affirmer que l'église a subi d'importantes transformations. Une de ces transformations observée en plusieurs occasions est le changement d'une nef triple en nef unique par suppression des collatéraux. Ce pourrait être le cas ici (image 30 où l'on voit de grandes arcades adossées au mur extérieur), mais ce n'est pas suffisamment probant.


Image 32 : Chapiteau à pampres de vignes. Observer les masques et les étoiles sur le tailloir.

Image 33 : Chapiteau aux griffons placés sur des entrelacs.

Image 34 : Chapiteau représentant l'Agnus Dei. Certains détails comme la croix qui n'est pas posée sur le sol mais sur l'agneau montrent que l’œuvre est plus récente que les représentations usuelles datées du VIIe ou du VIIIe siècle.

Image 35 : Chapiteau aux animaux affrontés.

Image 36 : Chapiteau cubique. L'image représenterait-elle l'Arche de Noé ?

Datation envisagée pour l’église Sainte-Croix de Saignes : an 1125 avec un écart de 50 ans.


L’église Saint-Martin de Sauvat

Nous avons visité cette église début juin 2024, en compagnie d'Alain et Anne-Marie Le Stang. La majorité des 9 images suivantes de 37 à 45 a été prise lors de cette visite.

La page du site internet Wikipédia relative cette église nous apprend ceci :

« Historique

L'histoire médiévale de Sauvat est connue grâce à la Charte dite de Clovis, qui date du VIIIe siècle, ou du début du IXe siècle, et qui recense les biens de l'abbaye Saint-Pierre-le-Vif de Sens : l'église Saint-Martin de Sauvat y est citée comme appartenant à la réserve de l'abbaye. Elle y est mentionnée en ces termes :
In villa Salvat est ecclesia indominicata Sancto Martino dicata”.

L'édifice actuel est daté du XIIe siècle et s'inscrit parfaitement dans le style roman de la région.

L'église Saint-Martin connaît ensuite plusieurs phases de transformations : deux chapelles sont ajoutées au XVe ou XVIe siècle, les ouvertures de l'abside sont élargies vers 1660 à l'exception de la fenêtre axiale, les toitures et la voûte de la nef sont refaites en 1730, une sacristie est ajoutée en 1747 et le clocher, probablement détruit pendant la Révolution, est remonté et surélevé pendant ln Restauration.
»


Commentaires divers

Par son architecture, cette église s'apparente à l'église de Saignes étudiée précédemment et que nous avons datée du XIIe siècle. Une différence cependant : à Saignes, des arcades sont adossées aux murs latéraux. Ce qui n'est pas le cas ici.

Nous pourrions envisager de dater cette église du XIIe siècle. Cependant, sachant que avons systématiquement critiqué les spécialistes qui affirmaient que, d'une part, l'église était citée avant l'an mille, et que, d'autre part, elle datait du XIIe siècle, nous sommes obligés de signaler l'ambiguïté de la situation de cette église citée aux environs de l'an 900, et qui daterait du XIIe siècle. Deux explications sont possibles : une église existait vers l'an 900 et elle a entièrement disparu, remplacée par l'église actuelle, et, l'église actuelle est l'église citée aux alentours de l'an 900 mais elle a subi d'importantes restaurations (comme par exemple le voûtement de la nef). Dans chacun des cas, il faudrait s'efforcer de trouver des éléments d'explication : la localisation et le plan de l'église disparue pour le premier, les restes de l'église primitive pour le second.

Image 40 : Fresque de fond d'abside du XVe siècle. Représentation de Christ en Gloire.

Image 41 : Chapiteau à feuilles dressées ou feuilles d'eau. Dans les Asturies, des chapiteaux analogues sont datés du IXe ou Xe siècle.

Image 42 : Chapiteau d'aspect primitif aux animaux affrontés (des lions ?).

Image 43 : Autre chapiteau d'aspect primitif : un homme est situé derrière un objet suspendu par des sortes de crochets. Quel est donc cette objet ? La scène pourrait être un avatar de la représentation de l'homme sortant des feuillages.

Images 44 et 45 : Autre chapiteau d'aspect primitif aux animaux affrontés (Des chevaux ? Des hybrides ?).


Essai de datation

Par son architecture globale, cette église semble dater du XIIe siècle. Mais la carte dite de Clovis et les chapiteaux décrits ci-dessus témoignent de la présence d'une église plus ancienne. Remarque : les chapiteaux ont pu être utilisés en réemploi.

Datation envisagée pour l’église église Saint-Martin de Sauvat : an 1025 avec un écart de 125 ans.